• Note de Stephenie Meyer :
     "La plus grande différence (et elle est ENORME) entre la première version de Tentation et le copie final tient en cela : à l'originie, Bella ne découvrait jamais ce qui n'allait pas chez Jacob. Le livre était plus court à l'époque, il manquait les 70 pages cruciales dans lesquelles Jacob et Bella partagent tous leurs secrets, et scellent leur relation en quelque chose, au delà de l'amitié.

    (Avant de continuer à lire, ne vous laissez pas embrouiller par cette version. Ce n'était pas ainsi que ca s'est "vraiment passé". Tandis que ma connaissance du personage de Jacob s'approfondisait, cette version me semblait de moins en moins bonne. (Bien sur, Jacob allait enfreindre les règles - il est Jacob!) Il s'agit seulement du squelette - les os sans la peau.)

    Essayez d'imaginer ceci : Bella va voir JAcob chez lui et demander à connaître la vérité a propos du "culte". Jacob arrive avec Sam et les autres, et accpète de parler à Belle en privé. Il la largue (par manque de mot plus juste), et elle a le coeur brisé pour la seconde fois dans le livre. Ok, ca semble familier. Mais, plus tard cette nuit...rien ne se passe. Jacob n'enfreint pas la règle, en grimpant à se fenêtre pour lui parler. Jacob ne donne aucun indice, pour essayer de l'aider à découvrir ce qu'elle sait déjà. Bella est une nouvelle fois isolée, seule. Elle ne sait pas du tout que Victoria est là, la chassant, ou que les loups-garous sont là, la protégeant.

    Toutefois, Bella est trop perseverante pour accepter ce non de la part de Jacob. Elle n'a pas les mêmes problèmes d'amour propre qu'avec Edward au début de Tentation pour l'arrêter. Non Jacob lui DOIT mieux que ca, merde, et elle va aller le chercher.

    Toutefois, elle ne le trouve pas, et ses recherches l'amène près des falaises. Elle se souvient d'avoir vu le "gang" sauter dans l'oubli - et vous savez quelle junkie elle fait avec ses hallucinations. Sauter d'une falaise est son idée dans cette version. Quand Jacob lui sauve la vie, l'interaction enter eux est à 180 degrés de celle de la version finale."


         
    - Comment allons-nous sortir de là? Je toussais et crachais les mots. J'avais si froid maintenant que je ne pouvais plus rien sentir, à part la chaleur de son corps tandis qu'il me retenait prudemment au dessus des vagues, et la douleur dans mon dos. On aurait dit que le courant me tirait par les jambes, comme refusant de me lâcher, mais elles étaient si engourdies que j'avais très bien pu imaginer tout ça.
         - Je vais te tirer jusqu'à la plage. Tu vas essayer de rester immobile comme si tu étais inconsciente et ne pas te débattre. Ça sera plus facile pour moi.
         - Jake, dis-je anxieusement, Le courant est trop fort. Tu ne pourras sûrement pas y arriver pour toi, sans parler de me tirer.
         - Je t'ai repêché, non? Il me tenait trop étroitement pour que je puisse voir son visage, mais sa voix semblait légèrement arrogante.
         - Oui acquiesçais-je dubitativement. Comment as-tu fait? Le courant …
         - Je suis plus fort que toi.
         Je voulus répliquer, mais l'eau décida de sortir de mon estomac juste à ce moment.
         - Okay, dit-il quand j'eus fini de vomir, je dois te sortir de là. Rappelle-toi, reste immobile.
         J'étais trop faible pour discuter, mais j'étais terrifiée de quitter la sécurité du rocher et de laisser les vagues reprendre possession de moi. Aussi résignée que j'étais à l'idée de me noyer il y a deux minutes.  J'étais maintenant terrifiée. Je ne voulais retourner dans l'obscurité. Je ne voulais pas que l'eau recouvre mon visage encore une fois.
         Je pus le sentir quand Jacob se poussa du rocher. J'étais sur le dos et il me tenait toujours sous les bras alors qu'il nageait vers le rivage. La mer agitée nous avait ébranlés, et je paniquai et commençai à battre des pieds.
         - Arrête ça, dit-il sèchement.
         Je m'obligeai à rester immobile, et ce fut plus difficile que je ne l'avais pensé, même si mes membres ankylosés ne désiraient rien d’autre que de se laisser flotter sans bouger.
         C'était incroyable - nous filions à travers les flots comme si un fil nous tirait vers le rivage. Jacob était le nageur le plus fort que j'avais jamais vu. Les mouvements du courant semblaient impuissants à perturber le chemin qu'il se faisait à travers les vagues. Et il était rapide. Une vitesse de record du monde.
         Puis, je sentis le sable frotter mes talons.
         - Okay, tu peux te lever, Bella.
         Aussitôt qu'il me lâcha, je retombai tête la première dans les vagues à hauteur de genou.
         Il me rattrapa avant que je ne puisse m'étrangler plus dans l'eau, me jetant facilement sur son épaule et avançant sur la plage. Il ne disait rien, mais sa respiration semblait énervée.
         - Par ici, murmura-t-il pour lui-même, et il changea de direction. Je pouvais seulement voir, suspendue comme je l'étais sur son épaule, ses pieds nus laisser d'énormes empreintes dans le sable humide.
         Il me posa sur un coin de sable qui semblait sec. Il faisait sombre ici - je réalisai que nous étions dans une grotte peu profonde que les flots avaient creusée dans la falaise. La pluie ne pouvait pas m'atteindre directement, mais de petites éclaboussures de bruine rebondissaient sur le sable à l'extérieur et me touchaient.
         Je tremblais si fort que mes dents en claquaient – cela sonnait comme des castagnettes.
         - Viens là dit Jacob, mais je n'eus pas à bouger. Il enroula son bras chaud autour de moi et me serra étroitement sur son torse nu. Je frissonnais, mais lui était impassible. Sa peau était si chaude - comme s’il avait de la fièvre.
         - Tu n'as pas froid? bégayais-je.
         - Non.
         Je me sentis honteuse. Non seulement il m'avait vaillamment sortie de l’eau, mais maintenant il me faisait sentir que j'étais faible.
         - Je suis une vraie mauviette, marmottais-je
         - Non, tu es normale. Il y avait de l'amertume dans sa voix. Il me devança rapidement, ne me laissant pas la chance de lui demander ce qu'il voulait dire.
         - Tu comptes me dire ce que tu voulais faire? me demanda-t-il.
         - Plongeon depuis la falaise. Divertissement. Incroyable, mais il y avait encore de l'eau dans mon estomac. Elle choisit ce moment pour faire son apparition.
         Il attendit que je puisse à nouveau respirer.
         - Tu as l'air de t'être bien amusée.
         - C'était amusant, jusqu'à ce que je heurte l'eau. On ne devrait pas aller chercher de l'aide ou quelque chose? Mes dents claquaient toujours, mais il comprit ce que je disais.
        
    - Ils arrivent.
         - Qui vient?
    demandai-je, suspicieuse et surprise.
         - Sam et les autres.
         Je grimaçai.
         - Comment sauraient-ils que nous avons besoin d'aide? Mon ton était sceptique.
         Il grogna.
        
    - Parce qu'ils m'ont vu courir et me jeter de la falaise après toi.
         - Tu m'observais?
    l'accusai-je légèrement outrée.
        
    - Non, je t'ai entendue crier. Si je t'avais vue, je t'en aurais empêché. C'était vraiment stupide, tu sais.
         - Tes amis le font bien.
         - Ils sont plus costauds que toi.
         - Je suis une bonne nageuse,
    protestai-je, malgré les faits.
         - Dans une pataugeoire," répliqua t-il.
    Bella, il y a un ouragan qui approche. Tu n'as pas réalisé ou quoi?
         - Non,
    admis-je.
         - Stupide, répéta-t-il.
         - Ouais, avouai-je en soupirant. Il faisait si froid et j'étais si fatiguée.
         - Reste éveillée. Jacob me secoua vigoureusement.
         - Arrête, râlai-je.
    Je vais pas m'endormir.
         - Alors ouvre tes yeux.

         Sincèrement, je n'avais même pas réalisé qu'ils s’étaient fermés. Je ne lui dis pas. Je les ouvrais simplement et répondis,
         -
    Okay.
         - Jacob?
    L’appel semblait proche malgré le bruit du vent et des vagues. La voix était profonde.
    Jacob se pencha de côté pour ne pas crier dans mes oreilles.
         - Dans la grotte, Sam!
         Je ne les entendis pas approcher. Tout d'un coup, la petite grotte se remplit de jambes brunes. Je levais la tête, sachant mes yeux remplis de méfiance et de colère, consciente de la proximité de Jacob.    Ses bras m'entouraient, mais soudainement je me sentis comme si j’étais celle qui le protégeait.
         Le visage impassible de Sam fût la première chose que je vis. Une impression confuse de déjà-vu me submergea. La grotte sombre n'était pas si différente de la forêt la nuit, et, une fois de plus, je me retrouvais faible et sans défense à ses pieds. Il me sauvait à nouveau. Je le toisais, agacée.
         - Est-ce qu'elle va bien? demanda-t-il à Jacob avec la voix assurée du seul adulte parmi des gamins.
         - Je vais bien, rouspétai-je.
         Personne ne m'écouta.
         - Il faut la réchauffer - elle s'endort, lui répondit Jacob.
         - Embry? demanda Sam, et un des garçons s'avança, tendant à Jacob un pack de couvertures. Le ton de commandement de Sam m'irritait au plus haut point. C'était comme si aucun d'eux n'était capable de quoi que ce soit avant qu'il ne l'ait autorisé. Je lui lançai un regard noir et féroce tandis que Jacob enroulait les couvertures autour de moi.
         - Sortons-la d’ici, ordonna Sam froidement. Il se pencha vers moi avec ses bras ouverts, mais s'arrêta net quand je m’écartais de lui.
         - Je m'en occupe, Sam, dit Jacob, passant ses bras sous moi et me soulevant avec aisance tandis qu'il se levait.
         - Je peux marcher, protestai-je.
         - Okay. Jacob me remis sur pieds et attendit.
         Mes jambes se dérobèrent. Sam me rattrapa dans ma chute; instinctivement, je luttai contre ses mains.
         Jacob m'attrapa de nouveau, m'écartant de Sam et me balançant dans ses bras. Il était ridiculement fort pour son âge. Je fronçai furieusement les sourcils quand Sam passa à nouveau les couvertures autour de moi.
         - Paul, tu as toujours ce poncho?
         Un autre garçon s'avança sans dire un mot et ajouta une couche de plastique sur les couvertures.
         Ce fût à ce moment là, enveloppée dans des couches de protection, que je réalisai que Sam et les autres n'étaient pas plus vêtus que Jacob. J'avais pensé que Jacob avait déchiré ses vêtements après avoir sauté à ma suite, mais ils étaient tous nu-pieds et torse-nus, portant seulement un short ou un jean coupé aux genoux, trempé par la pluie. Des gouttes tombaient de leurs cheveux et ruisselaient le long de leurs torses couleur caramel; ils ne semblaient pas s'en apercevoir. Sous ma pile de couvertures, je tremblais sans pouvoir me contrôler et me sentais comme un petit enfant ridicule.
         - Allons-y, ordonna Sam, et tous sortirent de la grotte.
         Il y avait un sentier qui partait de la plage. Ils gravirent agilement le chemin escarpé, Jacob aussi rapidement que les autres. Personne ne se proposa de l'aider, et il ne demanda rien. Cela ne paraissait pas embêter Jacob de ne pas avoir les mains libres. Il ne trébucha à aucun moment.
         Sam et les trois autres étaient devant nous, et, tandis que je les regardais escalader avec l'agilité de chamois en pleine montagne, je fus surprise de constater à quel point ils se fondaient dans le paysage. Ils se mêlaient harmonieusement avec les couleurs des rochers et des arbres, le mouvement du vent; ils ne faisaient qu'un avec leur environnement.
         Je jetai un coup d'œil furtif vers Jacob, lui aussi semblait faire corps avec le reste. Les nuages, l'orage et la forêt encadraient son visage de façon parfaite. Il paraissait encore plus naturel, plus à l'aise, bien plus que le Jacob heureux qui travaillait dans son garage fait-maison, encore plus que dans son petit royaume. C'était perturbant.
         Nous atteignîmes le sommet, un peu plus bas sur la route que là où je m'étais aventurée. Je pouvais voir une vague bosse, de couleur rouille, un peu plus au Sud, et je devinai qu'il s'agissait de ma camionnette.
         Je voulais essayer de marcher à nouveau, mais Jacob ignora mes murmures plaintifs. Ils s'arrêtèrent à l'orée de la forêt, comme s'il leur était plus facile de se mouvoir parmi les arbres plutôt que le long de la route. Et ils bougeaient vite; mon camion se rapprochait plus rapidement qu'il ne l'aurait dû.
         - Où sont tes clés? Jacob demanda tandis qu'on se rapprochait. Sa respiration était toujours calme et régulière.
         - Dans ma poche, je répondis automatiquement avant de réaliser ce qu'il voulait dire.
         - File-les moi.
         Je lui jetai un regard furieux, mais son visage était impassible et déterminé. Renfrognée, j’enfonçai ma main dans mon jean trempé et en sortis ma clé. Je me débattis avec les couvertures pour libérer ma main. Je lui tendis la clé.
         - Pour toi ou pour Sam? demandai-je, aigrie.
         Il roula des yeux.
         - Je vais conduire.
         Dans un soudain et rapide mouvement, il inclina sa tête vers moi et saisit la clé de ma main avec ses dents.
         - Hé! objectai-je surprise, sursautant dans ses bras.
         Il esquissa un sourire ironique, la clé dans la bouche.
         Nous étions arrivés à la camionnette maintenant; Sam ouvrit la porte du côté passager et Jacob me poussa à l'intérieur. Jacob fit le tour jusqu'au côté conducteur tandis que le reste d'entre eux s'empilait à l'arrière. Jacob mit le moteur en marche et alluma le chauffage, tournant les volets pour que la chaleur vienne de mon côté. Je jetai un œil coupable dans le rétroviseur, vers ses amis qui étaient assis sans bouger, à moitié nus sous la pluie battante.
         - Et puis qu’est-ce que tu faisais dehors, de toutes façons? demandai-je à Jacob. T’étais en train de nager au milieu de l'ouragan, toi aussi?
         - Nous courrions, répondit-il brièvement.
         -
    Sous la pluie?
         - Oui... heureusement pour toi.

         Je ne dis plus un mot et regardai au delà de la vitre.
         Nous ne retournions pas sur la 110 comme je le pensais, mais plutôt vers chez les Black.
        
    - Pourquoi tu me ramènes chez toi?
         - Je vais chercher ma moto pour la mettre à l'arrière pour le trajet du retour - à moins que tu veuilles me laisser ta camionnette.
         - Oh.

         - Et puis, je voulais que Billy te voit. Je ne veux pas que Charlie entende parler de cette histoire avant de te savoir complètement ok. Il m’arrêterait sûrement pour tentative de meurtre ou un truc du genre, ajouta t-il avec amertume.
         - Ne sois pas stupide, rétorquai-je.
         - Okay, admit-il. On a déjà eu une bonne dose de stupidité ce soir... sauter de la falaise!
         Je rougis et regardai droit devant moi.
         Jacob me porta dans la maison. Les autres suivaient en silence. Le visage de Billy était sans expression.
         - Que s'est-il passé? demanda t-il, dirigeant sa question vers Sam plutôt que vers son propre fils. Je lui jetai un regard noir.
         - J’ai plongé du haut de la falaise, dis-je rapidement, avant que Sam ne puisse répondre.
         Billy leva un seul sourcil et garda ses yeux sur Sam.
         - Elle est gelée, mais je pense qu'elle ira mieux avec des vêtements secs, dit Sam.
         Jacob m'installa sur un petit canapé, qu'il poussa rapidement près du chauffage. Les pieds du canapé crissèrent bruyamment sur le parquet de bois. Puis il disparut dans sa minuscule chambre.
         Billy ne dit rien au sujet de son fils trempé, ni de n'importe lequel d'entre eux. Personne ne semblait se préoccuper d'une éventuelle hypothermie autre que la mienne.
         Je me sentais mal en pensant au fait que je trempais le sofa, mais je n’arrivais pas à garder ma tête assez droite pour que mes cheveux mouillés épargnent le tissu du canapé. Même les grandes et inquiétantes silhouettes qui remplissaient la pièce étroite, alignées le long des murs sans bouger, n’arrivèrent à me faire garder les yeux ouverts. Je me sentais enfin réchauffée près du radiateur bourdonnant, et mes poumons me faisaient mal d'une façon qui me poussait vers l'inconscience plutôt que de me laisser éveillée.
         - Je ne devrais pas la réveiller pour la changer? entendis-je Jacob murmurer, s'adressant sans doute à Sam.
         - Comment est sa peau? demanda la voix profonde de Sam. Je voulais lui envoyer un autre regard noir, mais mes yeux ne daignaient plus s'ouvrir.
    Les doigts de Jacob effleurèrent légèrement ma joue.
      
       - Chaude.
         - Laisse-la dormir alors, je pense.

         J'étais contente qu'ils me laissent enfin tranquille.
         - Charlie? demanda Jacob.
         Billy répondit cette fois-ci.
         - Il viendra sûrement ici en premier. Attendons que l'orage passe pour l'appeler.
         Bonne réponse, pensai-je. J'étais là, entourée par des hommes étranges que j'avais appris à craindre, mais je me sentais paradoxalement en sécurité et au chaud.
         Quelqu'un parla, une voix que je ne connaissais pas.
         - Vous voulez que nous y retournions tous les trois?
    Il y eut une pause.
         - Je pense qu'il vaut mieux oui, dit finalement Sam.
    L'orage est une couverture parfaite, on ne sera pas pris au dépourvu.
         - Trois ça suffit?
    demanda Billy, soudainement tendu.
         Quelqu'un eut un rire guttural.
        
    - Aucun problème.
         - S'il n’y en a qu’un,
    corrigea sévèrement Sam. Personne ne répondit, mais j'entendis la porte s'ouvrir.
         - De la retenue, mes frères, Sam parlait à nouveau, comme quelqu'un faisant ses adieux. Soyez rapides et confiants.
         Je fus légèrement réveillée par cet échange de paroles, mais je gardais ma respiration régulière.
         - Frères," les autres répétèrent à l'unisson. J'entendis la voix de Jacob se joindre aux autres.
         La porte se referma doucement. Il n'y eût plus aucun bruit pendant un long moment, et la chaleur me dirigea à nouveau vers l'inconscience. J'étais sur le point de succomber quand Sam parla calmement.
         -
    Tu ne veux pas la quitter.
         - Si elle se réveillait, je pense qu'elle aurait peur de toi.
    Jacob semblait sur la défensive.
         - Tu ne peux pas faire ça, Jacob. Sauver sa vie était la chose à faire aujourd'hui, bien sûr. Mais tu ne peux pas la garder près de toi.
         Je dus me mordre la langue pour stopper la réponse acide que je voulais lui balancer. Mais il paraissait plus important d'écouter maintenant.
        
    - Sam... Je... Je pense que je peux y arriver. Je pense que ce serait sûr.
         - Un seul moment de colère, c'est tout ce qu'il faudrait. À quel point t’en es-tu rapproché hier après-midi?
         Jacob ne répondit pas.
         -
    Je sais à quel point c'est dur.
         - Je sais que tu sais,
    approuva Jacob. Non, je voulais lui crier. Ne t’écrase pas comme ça!
         - Sois patient, Sam lui conseilla.
    Dans un an ou deux...
         - Elle sera partie,
    conclut amèrement Jacob.
         - Elle n'est pas pour toi, Sam dit gentiment.
         Jacob ne répondit rien, et j'étais tiraillée. Je détestais tomber d'accord avec Sam sur quoi que ce soit. Et je ne voyais pas pourquoi cela devait rendre notre amitié hors-la-loi.
         Il faisait trop doux pour que je puisse me concentrer, et dans le silence qui suivit cet échange, je perdis le combat contre mon esprit fatigué. Tout près, j'entendis une voix exquise qui fredonnait une berceuse familière, et je sus que je m’étais endormie.


    Epilogue – Humain

         C'était l'une de ces rares journées ensoleillées, celles que j’aimais le moins. Mais Edward ne pouvait pas tenir sa promesse à chaque minute. Il avait des besoins.
         - “Alice pourrait rester encore une fois,” avait-il proposé, tard le vendredi soir. Je pouvais voir l’anxiété derrière son regard - la peur de me voir péter un plomb quand il me laissait seule et que je fasse quelque chose de stupide. Comme aller chercher ma moto à La Push, ou jouer à la roulette russe avec le pistolet de Charlie.
         - “Tout se passera bien," dis-je avec un faux air assuré. Tant de mois à prétendre que tout allait bien avait amélioré mon don pour tromper les gens. "Vous avez besoin de manger, vous aussi. Autant se replonger dans la routine."
         Presque tout était revenu à la normale, en moins de temps que je l'aurais cru possible. L'hôpital avait accueilli Carlisle à nouveau, les bras grands ouverts, ne se préoccupant pas le moins du monde du simple fait qu'Esmé n'avait pas trouvé Los Angeles à son goût. A cause de l'examen de Maths que j'avais raté pendant mon escapade, Alice et Edward étaient mieux placés que moi pour avoir leur bac. Charlie n'était pas content de moi - ni même de parler à Edward - mais au moins Edward avait la permission de revenir à la maison. Je n'avais juste pas la permission d'en sortir.
         - "J'ai toutes ces dissertations à rédiger, de toutes façons," soupirai-je, montrant les piles de candidatures pour l’université - Edward en avait récupéré une dans chaque établissement qui lui paraissait correct et dont la date limite d'inscription était toujours ouverte - qui étaient posées sur mon bureau.
    "Je n'ai pas besoin de distractions."
         - "C'est vrai,"
    dit-il avec une sévérité teintée de moquerie.
    "Tu as plus que de quoi t'occuper. Et je serai de retour quand il fera de nouveau nuit."
         - "Prends ton temps,"
    lui dis-je légèrement, et je fermais mes yeux feignant d’être fatiguée.
         J'essayais de le convaincre que je lui faisais confiance, ce qui était le cas. Il n'avait pas besoin de savoir pour les cauchemars zombiesques. Ils ne reflétaient pas mon manque de confiance en lui - mais plutôt de la confiance que je n’accordais toujours pas.
         Charlie resta à la maison, ce qui était plus qu’anormal pour un samedi. Je travaillais mes candidatures sur la table de la cuisine de façon à ce qu'il puisse garder un œil sur moi plus facilement. Mais j'étais ennuyeuse à mourir à regarder, et il finit par ne quitter que rarement la télé des yeux, pour vérifier si j'étais encore là.
         J'essayais de me concentrer sur les formulaires et les questions, mais c'était dur. De temps à autres je me sentais seule; ma respiration s'emballait et je devais me battre pour me calmer.
         Je sentais comme cette petite machine qui pouvait... - sans cesse je dus me dire à moi-même, tu peux y arriver, tu peux le faire, tu peux le faire.
         Alors, quand la sonnette de la porte retentit, la surprise fût plus que bienvenue. Je n'avais aucune idée de qui cela pouvait être, et je m'en fichais à vrai dire.
         - J'y vais! braillai-je, m'échappant de la table.
         - Okay, dit Charlie d'un ton absent. Quand je traversai le salon en courant, il était clair qu'il n'avait pas bougé d'un pouce.
         J'arborais déjà un sourire de soulagement et de bienvenue, prête à éblouir tout démarcheur à domicile ou bien tout Témoin de Jéhovah.
         - Salut, Bella, Jacob Black me renvoya un sourire malicieux, quand la porte s'ouvrit.
         - Oh, Jacob, salut, marmonnai-je, surprise. Je n'avais plus entendu parler de lui depuis que j'avais réussi à rentrer d'Italie vivante. J'avais accepté son dernier au revoir comme un point final. Cela faisait mal quand j'y repensais, mais pour être tout à fait honnête, mon esprit avait été trop occupé avec d'autres choses pour qu'il me manque autant qu'il aurait dû.
         - Tu es libre? demanda t-il. Le ton amer dans sa voix n'avait pas disparu, et il disait cela avec beaucoup de ressentiment.
         - Ça dépend. Ma voix devint acide, imitant la sienne.
    Je ne suis pas si occupée, mais par contre je suis assignée à domicile. Finalement pas si libre que ça, donc.
         - Mais tu es seule, sinon, pas vrai?
    clarifia t-il sarcastiquement.
         - Charlie est là.
         Son sourire s'allongea.
         - J'aimerais te parler en privé... si c'est possible.
         Je levai mes mains en l'air, impuissante.
         - Tu peux demander à Charlie, répondis-je, masquant mon triomphe. Charlie ne me laisserait jamais sortir de la maison.
         - Ce n'est pas ce que je voulais dire. Ses yeux sombres soudain redevenus plus sérieux. Je ne demandais pas la permission à Charlie.
         Je lui lançai un regard furieux.
         -
    Mon père est la seule personne qui peut me dire ce que je peux ou ne peux pas faire.
         - Si tu le dis,
    il haussa des épaules. Salut Charlie! cria-t-il au dessus de mes épaules.
        
    - C'est toi, Jake?
         - Ouais. Est-ce que Bella peut faire une petite ballade avec moi?
         - Bien sûr,
    répondit Charlie naturellement, et mon sourire plein d'attente, s'attendant à un refus, se changea alors en une moue renfrognée.
         Jacob haussa ses sourcils comme pour me narguer.
         Le regard railleur que me lançait ses yeux me fît réagir plus vite que je ne l'aurais fait habituellement.   J'étais au dehors en moins d'une seconde, refermant la porte derrière moi.
         - Où est ce que tu veux aller? demandai-je, faussement ravie.
         Pour la première fois, il paraissait moins sûr de lui.
         - Vraiment? demanda t-il.
    Tu seras vraiment seule avec moi?
         - Evidemment,
    dis-je, fronçant les sourcils. Pourquoi pas?
         Il ne répondit pas. Il me dévisagea pendant une longue minute avec des yeux surpris et suspicieux.
         - Quoi? demandai-je.
         - Rien, marmonna t-il. Il commença à marcher vers la forêt.
         - Allons plutôt de ce côté-ci, suggérai-je, lui indiquant l'angle ouest de la rue en contrebas. J'en avais eu assez de cette partie de la forêt, et ça ne risquait pas de me manquer avant longtemps.
         Il me jeta un regard furtif, redevenu méfiant. Puis il haussa les épaules pour lui-même et marcha d'un pas tranquille sur le trottoir vers la route en contrebas.
         C'était à son tour de parler, et je me tus, même si j'étais de plus en plus intriguée.
         - Je dois dire que je suis surpris, reprit-il enfin quand nous étions à mi-chemin du virage. Est-ce que le petit suceur de sang ne t'a pas tout raconté?
         Je me retournai brusquement et reprit le chemin de la maison.
         - Quoi? demanda t-il, confus, rattrapant mon pas énervé d'un trait.
         Je m'arrêtai et lui jetai un regard furieux.
        
    - Je ne te parle pas si tu comptes être insultant.
         - Insultant?
    il cligna des yeux, surpris.
        
    - Tu peux appeler mes amis par leurs vrais prénoms.
         - Oh.
    Il semblait toujours un peu surpris que je trouve le surnom qu’il avait utilisé offensant. Alice alors, ça te va? Je peux pas croire qu'elle ne t'ait toujours rien dit. Il reprit son chemin vers le bas de la route et je le suivis à contrecœur.
        
    - Je ne sais pas de quoi tu veux parler.
         - Ça te fatigue pas, au bout d’un moment, de jouer à être stupide?
         - Je ne joue pas,
    dis-je amèrement. Apparemment, je suis vraiment stupide.
         Il me dévisagea patiemment.
         - Humpf, marmonna t-il.
         - Quoi? demandai-je.
        
    - Elle ne t'a vraiment rien dit à propos de moi?
         - À propos de toi? Qu'est ce qu'il y a à propos de toi?

         Il fronça les sourcils un instant tandis qu'il scrutait mon visage à nouveau. Puis il secoua sa tête en signe de résignation et changea de sujet.
         - Est-ce qu'ils t'ont déjà demandé de choisir?
         Je sus précisément ce qu'il voulu dire.
         - Je te l'ai dit qu’ils ne feraient pas ça. Tu es le seul qui est obsédé par le fait de choisir un camp.
         Il émit un rictus, et ses yeux se rétrécirent.
         - Nous verrons bien.
         De façon soudaine, il se pencha et me saisit dans ses bras, dans une accolade d'ours, soulevant mes pieds du trottoir.
         - Lâche-moi! luttai-je futilement. Il était trop fort.
         - Pourquoi? riait-il.
         - Parce que je ne peux plus respirer!
         Il me lâcha, reculant d'un pas avec un sourire espiègle sur son visage.
         - Tu prends des drogues, accusai-je, baissant mes yeux de gêne, faisant comme si je lissais mon t-shirt.
         - N'oublie juste pas que je t'avais prévenue, grimaça t-il avec satisfaction, se penchant à nouveau - pas assez loin - entourant mon visage de ses grandes mains.
         - Um, Jacob... protestai-je, ma voix montant d'une octave, me couvrant la bouche de façon infantile  avec une main.
         Il m'ignora, inclinant sa tête pour écraser ses lèvres sur mon front pendant une longue seconde. Le baiser semblait avoir commencé comme une blague, mais son visage était fâché quand il le releva.
         - Tu devrais me laisser t'embrasser, Bella, dit-il en s'écartant, ses mains relâchant leur étreinte.
    Tu pourrais même aimer ça. Quelque chose de plus chaud pour changer.
         - Je t'avais prévenu dès le début, Jacob.
         - Je sais, je sais,
    soupira t-il. C'est ma faute. C'est moi qui n'ai pas su tenir la grenade.
         Je regardais vers le sol, mordant ma lèvre.
         - Tu me manques toujours, Bella, dit-il.  Beaucoup. Et puis, juste quand on aurait pu au moins être amis à nouveau, il revient.
         Je lui jetais un regard.
       
      - S'il n'y avait pas Sam, nous serions amis de toutes façons.
         - Tu le penses vraiment?
    Jacob sourit soudainement, et le sourire était arrogant. Ok, alors je laisse la décision entre ses mains. Il était clair qu'il ne faisait pas référence à Sam.
        
    - Qu'est ce que tu veux dire?
         - Je serai ton ami - si ça ne lui pose pas de problème,
    proposa Jacob, et puis il se mit à rire comme s'il s'agissait d'une excellente blague.
         Je fronçais les sourcils, mais je n'allais pas passer à côté de cette occasion inattendue.
         - Très bien. Je tendis la main devant moi. Amis.
         Il me serra la main avec un rictus.
         - La part d'ironie c'est que - s'il te laisse être mon amie, il grommela en dérision, ça pourrait probablement marcher. Je suis plus fort à ça que le reste d'entre eux. Sam dit que je suis du genre naturel. Il fit une moue indignée.
         - Du genre naturel de quoi? demandai-je perdue.
         - Je laisse le soin au suceur de sang de te le dire - quand il t'expliquera pourquoi tu n'es pas autorisée à être amie avec moi. Jacob rit à nouveau.
         Je me retournai automatiquement, mais il m'attrapa par l'épaule.
        
    - Désolé. Ça m'a échappé. Je voulais dire... Edward, bien sûr.
         - Bien sûr. N'oublie pas que tu as passé un accord,
    lui rappelai-je sombrement.
         - J'essaierai de respecter ma part du contrat, ne t'en fais pas. Il gloussa.
         - Je vois toujours pas pourquoi c’est si marrant, dis-je, me plaignant.
         - Tu verras. Il continua de rire. Même si je peux pas garantir que tu trouveras ça marrant.
         Il continua de se balader mais de retour vers la maison, et je devinai qu'il avait finit de me raconter tout ce qu'il avait prévu de me dire.
       
      - Comment va Sam? demandai-je d'un ton fade.
         - Pas très content, comme tu peux t'en douter,
    dit il, de fait. Tu ne peux pas attendre de nous qu’on soit super heureux de revoir les vampires débarquer en ville.
         Je le fixais, mon visage glacé par le choc.
         - Oh, allez, Bella, grogna t-il, roulant des yeux.
         J'haussais les sourcils et regardait ailleurs, tandis qu'il gloussait à nouveau. Mon humeur s'embrasa.
         - Et comment va Quil? le raille-je.
         Son expression se transforma tout à coup en un regard noir.
         - Je ne le vois pas beaucoup, grogna t-il.
        
    - Tant mieux.
         - C'est qu'une question de temps,
    dit il avec un ton dégoûté, énervé.
    Maintenant.
         - Maintenant quoi?
         - Que tes amis sont de retour.

         Nous nous fixâmes pendant un moment.
         - Je ne peux pas te parler quand tu te comportes comme ça, objectai-je finalement.
         Je ne m'attendais pas à ce qu'il recule, mais il le fît.
        
    - Tu as raison. Je ne suis pas très sympa, hein? Je ne devrais pas bousiller ce moment - c'est probablement la dernière conversation qu'on aura.
         - Ça va être vraiment amusant de prouver que tu as tort,
    marmonnai-je.
         - "C'est marrant. Je ne pense pas que moi, ça va beaucoup m’amuser de te prouver à quel point tu as tort."
         Nous étions de retour à la maison. Jacob m'accompagna jusqu'au porche, puis s'arrêta.
         - Est ce qu'il rentre bientôt? Jacob demanda nonchalamment.
        
    - Edward, tu veux dire?
         - Oui... Edward.
    Ca paraissait dur pour lui de prononcer ce nom. Il avait eu moins de problème avec 'Alice'.
         - Un peu plus tard, dis-je évasivement.
         Jacob plissa les yeux vers le soleil, qui rayonnait à travers de fins nuages de façon inhabituelle.
         - Ah, dit il, sous-entendant qu'il avait compris. Dis lui salut de ma part.
         Lâcha t-il avec un autre long éclat de rire.
         - Bien sûr, râlai-je.
         - Je peux pas te dire à quel point j'aimerai que tu puisses comprendre cette blague là, dit-il quand il eût fini, son sourire disparaissant.
         - La Push c'est mortel sans toi.
         Si rapidement que j’en eus le souffle coupé, Jacob jeta à nouveau ses bras autour de moi.
         - Bye, Bella, marmonna t-il, expirant chaudement dans mes cheveux.
         Avant que je ne puisse me ressaisir et lui répondre, Jacob se retourna et se dirigea vers le bas de la rue, ses mains fourrées dans les poches de son jean. Ce fût seulement à ce moment-là que je me demandais comment il avait fait pour venir jusqu'ici. Il n'y avait pas la moindre trace d'un véhicule. Mais ses longues jambes le portèrent si loin que j'aurais dû crier pour lui demander. Et puis j'étais sûre qu'il rencontrerait Sam quelque part dans les parages.
         Il me semblait que tout ce que je pouvais encore faire avec Jacob était de lui dire au revoir. Je soupirais.
         Charlie ne me jeta même pas un regard tandis que je passais près de lui.
         - C'était bref, remarqua t-il.
         - Jacob jouait les morveux, lui répondis-je.
         Il rit un court instant, les yeux rivés sur la télé.
         Sur ce, je pris mon boulot avec moi dans ma chambre, déterminée à mieux me concentrer dessus. Je savais que si je restais dans la cuisine, je ne pourrais pas détacher mes yeux de l'horloge au dessus de la cuisinière avant un bon moment. Dans ma chambre, j'avais juste à débrancher le réveil pour résoudre ce problème. J'avais déjà rempli 5 formulaires, prêts à être postés, quand le bruit de la pluie attira mon attention. Je regardais au dehors de la fenêtre. Apparemment, le beau temps en avait eu assez. Je souris fugitivement, et repris à la question suivante. J'avais toujours de longues heures devant moi.
         Quelque chose de dur m'attrapa par la taille et me projeta hors du lit.
         Avant que je puisse reprendre mon souffle pour crier, mon dos était collé au mur du fond de ma chambre. J'étais maintenue là par quelque chose de dur et froid - et familier. Un grognement bas et alerté sorti d'entre ses dents.
         - Edward, qu'est-ce qui ne vas pas? Qui est là? murmurai-je terrorisée. Il y avait tant de mauvaises réponses à cette question. Il était trop tard. Je n'aurais jamais dû les écouter, j'aurai dû laisser Alice me changer dès que possible. Je commençais à hyper ventiler de peur.
         Puis soudain Edward dit.
         - Hmm, avec une voix qui ne semblait pas le moins concernée. Fausse alarme.
         Je repris une profonde, calme respiration.
         - Ok.
         Il se tourna vers moi, reculant un peu pour me laisser de l'espace. Il mit ses mains sur mes épaules, mais ne me serra pas contre lui. Ses yeux scrutaient mon visage, et son nez parfait se plissa un peu.
         - Désolé pour ça, il sourit d'air piteux.
    J'ai un peu paniqué.
         - À quoi?
    me demandai-je.
         - Dans une minute, promit-il. Il fit un pas en arrière et me regarda avec une étrange expression que je ne pouvais déchiffrer.
    Premièrement, pourquoi tu ne me dirais pas plutôt ce que tu as fait aujourd'hui?
         - Ça allait,
    dis-je sans respirer.
    J'en suis à la moitié.
         - Seulement la moitié?
    taquina t-il, ses yeux me parcourant encore avec cet étrange regard.
         - Tu es revenu tôt. Pas que je me plaigne. Maintenant que j'avais réussi à dépasser le moment de panique, je pouvais sentir le déferlement de bonheur qui arrivait à l'intérieur de moi. Il était revenu.
         - Est-ce que tu as fait autre chose? continua t-il, comme dans l'attente.
         J'haussai les épaules.
         - Jacob Black est passé.
         Il acquiesça, pas le moins surpris.
         -
    Il a choisi le bon moment. Je suppose qu'il a dû attendre que je m'en aille.
         - Sûrement,
    admis-je, soudain anxieuse.
    Parce que, Edward, il... et bien, il semble qu'il soit au courant de tout. Je ne sais pas pourquoi il a commencé à croire Billy juste maintenant -
         - Je le sais,
    marmonna t-il.
         - Comment ça? demandai-je, prise de court.
         Mais Edward s'était éloigné, son visage distant et pensif.
         Je commençai à m'énerver.
        
    - C'est si fatiguant. Est-ce tu vas finir par me dire ce qui se passe?"
         - Peut-être,
    mais il hésita. Est ce que je peux te demander une faveur d’abord?
         Je grognai.
         - D'accord." J'allais m'asseoir sur le lit, essayant de rassembler les papiers éparpillés. Qu'est que tu veux? Il savait qu'il y avait peu de choses que je ne ferai pas pour lui. Demander en devenait même superflu.
         - J'apprécierai vraiment beaucoup si tu me faisais la promesse de te rester loin de Jacob Black. Juste pour le bien de ma tranquillité.
         J'étais bouche bée. Je le regardais avec une incrédulité horrifiée.
         - Tu blagues, dis-je sans pouvoir le croire.
         - Non, je ne blague pas. Il me regardait avec un regard sombre. Tu as failli me donner une attaque il y a un instant - et ce n'est pas la chose la plus facile à faire.
         Je ne comprenais pas ce qu'il voulait dire par là, seulement qu'il était en train de faire exactement l’inverse de ce que je pensais qu’il ferait.
        
    - Tu n'es pas sérieux. Tu ne peux pas honnêtement me demander de choisir un camp.
         - Choisir un camp?
    me demanda t-il, levant les sourcils.
         - Jacob a dit que je devrais choisir, que tu ne me laisserais pas être amie avec lui - et je lui ai répondu que c'était ridicule. Je le regardais avec des yeux implorants - l'implorant avec toute la confiance que j’avais en lui.
         Ses yeux se rétrécirent lentement.
         - Autant que je hais profondément donner raison à Jacob Black... commença t-il.
         - Non! Je gémis. Je n'y crois pas! Je donnais un coup de pied énervé et ma pile de formulaires bien nette retomba à nouveau sur le sol.
         Ses yeux devinrent froids.
         - Tu pourrais choisir l'autre camp, me rappela t-il.
         - Ne sois pas idiot! grognai-je.
         - Je n'avais pas réalisé à quel point il était important pour toi, dit Edward avec une voix sombre. Ses yeux se plissèrent à nouveau.
         - Tu ne peux pas être jaloux, marmonnai-je incrédule.
         Il renifla, puis plissa son nez à nouveau.
       
      - Eh bien, il semblerait qu'il se soit bien rapproché cet après-midi.
         - Ce n'était pas mon idée.
    Mais je rougis.
         Il s'en aperçu. Et leva un sourcil.
         - Il n'y a aucune et n'aura jamais aucune raison pour toi d'être jaloux de qui ou de quoi que ce soit.   Comment peux-tu en douter? Mais Jacob est important pour moi. Il est le meilleur ami humain que j'ai. Il fait partie de la famille. S'il ne s'agissait pas de Jacob..."Je perdis mes mots, en secouant ma tête. Etre morte n'était pas la pire des choses que je pouvais être sans Jacob.
         - Meilleur ami humain, Edward répéta très doucement, regardant de façon absente au travers de ma fenêtre pendant une seconde puis se retournant vers moi. Il vint s'asseoir près de moi sur le lit, tout en laissant un petit espace entre nous, ce qui me surprit. Je dois admettre, je lui dois une fière chandelle - au moins une - pour t'avoir sauvé du tombeau des eaux. Malgré tout ça, je... préférerais que tu gardes tes distances. Que je sois jaloux ou pas, ça n'est pas le problème. Mais tu dois comprendre que la seule chose qui importe vraiment pour moi maintenant, c'est ta sécurité.
         Je clignais mes yeux de surprise.
         - Sécurité? Enfin qu'est ce que tu veux dire par là?
         Il soupira, renfrogné.
        
    - Ce n'est pas à moi de te révéler ce secret. Pourquoi tu n'as pas demandé à Jacob ce qui passait?
         - Je l'ai fait.

         Il mit un doigt sur sa bouche, me rappelant de ne pas parler trop fort.
         - Je l'ai fait, encore et encore, continuai-je énervée, mais un ton plus bas. Et Jacob a dit, «Je laisse le soin au suceur de sang de te le dire - quand il t'expliquera pourquoi tu n'es pas autorisée à être amie avec moi.»
         Il roula des yeux, alors je continuai.
         - Il a aussi dit de te dire Salut, ajoutai-je, utilisant le même ton moqueur que Jacob avait utilisé.
         Il secoua sa tête, puis sourit d'un air piteux. Il posa ses mains sur mes épaules, me tenant un peu à distance, comme s’il voulait avoir un meilleur aperçu de mon expression.
         - Très bien, dans ce cas, dit-il. Je vais tout te dire. En fait, je vais tout t'expliquer dans le détail et je répondrai à la moindre de tes interrogations. Seulement, peux-tu faire un petit quelque chose pour moi d'abord? Il souleva ses sourcils, s'excusant presque, et plissa son nez à nouveau. Pourrais-tu aller te laver les cheveux? Tu empeste littéralement le loup-garou.


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  • Voici un bref (ha ha) résumé de l'histoire jusqu'ici, [NdT : texte écrit avant la parution d'Hésitation et Révélation], si vous êtes Jacob Black :


         Voilà, tu es un gamin heureux. Tu as quelques bons amis, ton père est vraiment cool, même s'il est un peu superstitieux. Tu te débrouilles pas mal à l'école – tu n'as pas à travailler trop dur pour y arriver. Tu as beaucoup de liberté. Tu aimes tout ce qui touche la mécanique.
         Un jour, la fille du meilleur ami de ton père arrive dans le coin. Elle est vraiment mignonne dans son genre, mais, plus que ça, vous êtes exactement sur la même longueur d'onde tous les deux. Même état d'esprit. Bella fait une sortie avec tous ses amis du lycée, et elle paraît très intéressée par tout ce que tu dis. Elle te plait immédiatement, mais tu sais qu'elle est hors d'atteinte. Elle est lycéenne, tu es un gamin – faut pas rêver. Malgré tout, tu penses beaucoup à elle. "Peut-être qu'un jour…" tu te dis.
         Bien sûr, tu es beaucoup plus intéressé maintenant, chaque fois que ton père parle de Charlie. Tu continues à le pousser à s'excuser auprès de Charlie pour les Cullen. Dans ta tête, c'est Billy qui est en tort. Tu le presses de s'excuser. Finalement, il le fait. Il se pointe là-bas pour un match de base-ball, et, naturellement, tu l'accompagnes. Quelqu'un doit bien conduire. (Tu sais que tu ne trompes personne, Billy voit totalement en toi.)
         Donc tu vois Bella avec un gars dans une super voiture (la voiture est la première chose que tu remarques. Des tonnes d'aménagements ont été faits dessus – rien n'est d'origine. Tu es impressionné). Tu as assez confiance en ta masculinité pour avouer qu'il est pas mal. Observateur comme tu l'es, tu peux voir l'étincelle qu'il y a entre eux. Tu soupires – pourtant, tu savais qu'elle serait très vite prise. Mais les relations du lycée ne durent pas des siècles, alors tu l'acceptes. Tu te demandes qui c'est (tu connais tout le monde dans le coin) et pourquoi ton père réagit si bizarrement.
     
     Tu as une chance de parler à Bella, et c'est sympa, encore une fois. C'est vraiment agréable d'être avec elle. Tu la questionnes à propos du gars, et c'est un Cullen, maintenant tu as le pourquoi du comment de la réaction de Billy. Tu passes une bonne soirée avec Bella, excepté le fait qu'elle parait très dissipée et qu'elle porte un nouveau parfum que tu n'aimes pas du tout.
         Tu rentres chez toi et ton père est insupportable. Il appelle tous ses amis superstitieux. Tu peux entendre (en écoutant discrètement depuis ta chambre) qu'ils lui disent que ce ne sont pas ses affaires. Tu es d'accord, mais Billy ne te demande pas ton avis. Ton père pense que ce gars est littéralement une espèce de monstre – ça te fiche vraiment la honte.
     
     Billy retourne rendre visite à Charlie, et il est toujours très inquiet pour Bella. Il est très tendu, et tu devines (il marmonne quand il est agité) qu'il pense qu'il est en train de violer ce légendaire traité. Tu es à moitié conscient qu'il faudrait que tu lui dises que tu as raconté l'histoire à Bella, mais tu sais que tu vas te faire enguirlander, donc tu ne dis rien.
     
     Tu revois Bella avec son ami. Évidemment, c'est son petit ami – il l'embrasse dans le cou avant qu'elle ne rentre. Billy a presque une attaque. Oh, c'est vrai – vampires. Mince, ce vieillard va encore vous humilier tous les deux. Tu te demandes pourquoi son petit ami reste assis dans la camionnette…
     
      Tu es plus triste que tu n'aurais pensé l'être. Tu pensais que tu aurais accepté que Bella ait un petit ami, mais cette preuve et plus déprimante que tu ne le pensais. Il y a une différence entre supposer quelque chose et le voir par soi-même. Soupir. Ton père t'envoie dehors chercher quelque chose, et tu réalises plus tard qu'il voulait parler à Bella seul à seul. Tu espères qu'il n'est pas passé pour un imbécile.
         La vie continue. Tu as plusieurs relations avec des filles de l'école, mais elles s'achèvent rapidement. Tu penses encore beaucoup à Bella. Tu espères que tu pourras juste passer encore de bons moments avec elle, mais ton père réagit toujours comme un idiot à propos des Cullen. Il ne te laissera pas lui rendre visite. Comme si tu allais être blessé ou un truc du genre. Tu lèves beaucoup les yeux au ciel.
         Un jour, Bella s'enfuit de Forks. Quand Billy te l'annonce, ça te blesse profondément. Tu t'inquiètes pour elle – ça te réveille la nuit. Tu n'avais pas idée à quel point elle était malheureuse. Tu es furieux que Billy ne t'ait pas laissé la voir. Peut-être que tu aurais pu l'aider…
     
     Puis Charlie appelle Billy pour lui dire que Bella a eu un terrible accident à Phoenix – elle est tombée d'une fenêtre et elle est dans un sale état à l'hôpital. La nouvelle est comme une enclume qui te tombe sur la tête. Quand Billy apprend que le Dr. Cullen est là-bas en train de la soigner, il supplie Charlie de prendre l'avion immédiatement. Ils se disputent encore. Tu proposes de partir là-bas pour prendre de ses nouvelles, et Billy se déchire devant toi. Tu pars, mais tu es retenu au dernier moment. Tu l'entends au téléphone avec quelqu'un, hurler à propos de traités et de guerres – tu n'entends pas très bien à travers la porte. Mais tu l'entends dire que les Cullen ont blessé Bella, et il parle aussi de Sam. Tu te demandes ce que Sam Uley vient faire dans cette conversation. Mais tu ne t'attardes pas longtemps là-dessus. Tu es trop inquiet pour Bella.
         Bella guérit et revient à la maison. Tu meurs d'envie de la revoir – tu pourrais sûrement lui apporter au moins un bouquet de fleurs pour son bon rétablissement, un truc dans le genre. Mais Billy t'interdit d'y aller, et tu ne peux demander à personne de te prêter une voiture (ils sont tous de son côté). Tu n’arrives pas à croire à quel point cette histoire de vampires est allée loin.
         Et puis Billy change de comportement. Il veut que tu ailles parler à Bella. Mais il veut que tu gâches son bal de promo. Tu es mortifié. Mais il t'offre un pot-de-vin, et tu veux vraiment voir Bella. Alors tu y vas. Bella est tellement belle. Tu lui transmets le message embarrassant de Billy, mais, à ton grand soulagement, elle en rit avec toi. Tu vois la façon dont elle regarde Edward Cullen, et tu comprends qu'elle est vraiment hors d'atteinte. Mais tu vas bien, parce que tu sais aussi qu'elle sera toujours ton amie. Tu veux qu'elle soit heureuse, et ce gars la rend clairement heureuse. Tu te sens mal pour tous les préjugés de ton père envers les Cullen, et tu souhaites qu'il existe un moyen de l'excuser avec tact. Bella porte encore un drôle de parfum. Tu te demandes pourquoi elle l'aime bien.
     
     Tu passes un super été à La Push. Tu travailles dans ton garage la plupart du temps, tu bosses quelques heures par semaine au magasin pour te faire un peu d'argent, tu sors avec Embry et Quil, tu fais quelques sorties en groupe. Une fille en pince pour toi, mais c'est juste une amie pour toi. Billy est toujours inquiet pour Bella, et tu ne peux pas t'empêcher d'être très attentif quand son nom est mentionné. Il y a un stupide gang qui se forme en ville, et toi et tes amis vous moquez de Sam et des siens derrière leur dos.

         L'école recommence, et tout est normal.
         Tard, une nuit, Billy reçoit un coup de fil affolé de Charlie. Bella a disparu, il pense qu'elle est perdue dans les bois. Billy lui promet de l'aide. Tu accours pour aider, mais il te dit non. Tu es tellement furieux que tu pars à pied quand même. Tu arrives là-bas vers trois heures du matin, et tout le monde s'en va à ce moment-là. Bella est endormie te disent-ils, donc tu ne rentres pas. Tu vois Sam, Jared et Paul, et ça te met hors de toi. M. Weber te propose de te ramener lorsqu'il te voit marcher. Il est le seul à t'annoncer que les Cullen sont partis. Les gens n'arrêtent pas d'en parler. Edward a quitté Bella dans les bois, et elle s'est évanouie là-bas.

         Au début, tes sentiments sont confus. Tu dois admettre que tu es quand même content, mais tu essaies de ne pas y penser. Ils ont tort – Bella doit être très malheureuse. Tu espères qu'elle va quand même bien.
     
      Puis tu as les détails. Charlie est désespéré, et il appelle souvent Billy pour qu'il l'aide. Mais aucune de tes sœurs n'a connu cela, et Billy ne peux pas l'aider plus que ça. Tu apprends à quel point Bella va mal, dans un état catatonique, sans manger ni dormir.
         Tu commences à détester Edward Cullen. Comment a-t-il pu faire cela à une personne si géniale et si gentille ? Quelle espèce de monstre est-il ? Tu t'en veux d'avoir toujours voulu t'excuser auprès de lui.
     
     Au même moment, tu es aussi furieux que les gens de La Push soient si heureux du départ des Cullen. Ça te met vraiment en colère. Ils font la fête pour la même chose que celle qui a dévasté Bella.

         Le temps passe, et Charlie est de plus en plus inquiet. Billy ne t'interdit plus d'aller voir Bella, mais tu sais d'instinct qu'elle n'a pas envie de te voir – ni toi ni personne d'autre. Tu essayes de ne pas trop t'inquiéter pour elle, mais c'est dur, Billy ramène toujours le sujet sur le tapis. Elle ressemble à un zombie selon Charlie. Elle n'a plus jamais souri depuis qu'Edward est parti.

         Les mois passent. Un jour, tu entends le ronronnement familier d'un engin devant la maison. Tu peux à peine le croire, mais Bella vient de s'arrêter. Tu es excité comme une puce jusqu'à ce que tu la regardes plus attentivement. Elle est dans un état encore pire que ce que tu avais imaginé. Elle a perdu beaucoup de poids et des cernes profonds entourent ses yeux. Ses cheveux semblent plus foncés, et elle est blanche comme un linge. On dirait qu'elle va s'écrouler à tout instant. Et puis elle te regarde, et elle sourit d'un véritable sourire. Elle est contente de te voir. Ce n'est pas grand-chose, mais c'est tout pour toi.
     
     Tu fais attention à tout ce qu'elle dit ou fait, sans qu'elle ne le remarque. Tu compares son image à ce que tu en as entendu dire par Charlie. Elle te parle des motos et tu es très excité. C'est quelque chose que tu maîtrises, et tu ne peux pas laisser passer cette occasion de crâner un peu. Elle a l'air vraiment à l'aise, et tu te sens pareil. C'est comme si elle avait été avec toi tous les jours durant les années passées – tu n'as pas l'impression de ne pas l'avoir vue pendant des mois. Vous vous amusez tous les deux, comme toujours. Même état d'esprit.
     
     Tu commences à réaliser pendant les jours suivants que tu es bon à autre chose qu'à la mécanique : tu peux rendre Bella heureuse. Pas comme elle l'était avant, mais plus qu'elle ne l'était ces derniers temps. Charlie et Billy s'appellent tous les jours, et tu es transporté de joie à l'idée de pouvoir l'aider. Tu la vois aller de mieux en mieux – souriant et rigolant de plus en plus, très excitée à propos de vos petites manigances – et tu te dis au fond de toi que tu ferais tout pour elle.
     
     Elle n'est pas redevenue comme avant, pourtant, et tu lui passes tous ses caprices. Elle a l'air de renaître d'elle-même, et tu lui donnes la place de le faire, juste en restant à ses côtés et en la laissant diriger.
     
     Avec Bella, tout va bien, mais si ça n'était pas pour elle, la vie serait nulle. Embry a rejoint le culte débile de Sam, et tu es à la fois inquiet pour lui et en colère après lui. Il ne te reparle plus. Toi et Quil essayez de vous imaginer ce qui se passe, mais vous ne comprenez pas. Billy est tellement exaspérant à propos de tout ça, et il te regarde en riant tout le temps. Ça te rend anxieux. Tu en parles à Bella, et elle te remonte le moral parce qu'elle le prend au sérieux elle aussi. Elle te prend dans ses bras, et ton cœur explose presque.
         Bien sûr, tu es conscient que tu es en train de tomber amoureux d'elle. Tu sais aussi qu'elle n'est pas prête, et qu'elle ne pense pas à toi de cette façon. Tu sais être patient pourtant, et tu croises les doigts pour qu'un jour elle te voie différemment. Tu es content d'être si grand, parce que tu ne parais pas avoir seize ans. Tu prends de la carrure sans pour autant avoir à faire de la muscu comme le fait Quil, et ça te rend heureux aussi. Elle dit que tu es pas mal...
     
     Elle t'invite à sortir avec sa bande d'amis, mais les plans tombent à l'eau, et il n'y a que toi, Bella et Mike Newton. Il est aisé de percevoir la tension dans l'air. Tu te détends quand tu les vois – elle n'aime pas trop ce gars. Elle n'est pas à l'aise avec lui comme elle l'est avec toi. Elle lui parle à peine. Tu apprécies le film d'horreur plus que ceux que tu as déjà vus. Elle te préfère. C'est évident.
     
     Il tombe malade. Tu l'attends avec Bella, et tu te sens vraiment lourd. C'est bizarre – tu te sens supérieur, plein d'assurance. Tu planes, et les choses que tu lui dis te choquent toi-même. Tout sort comme ça. Elle admet que tu es son préféré, bien qu'elle pleure encore la pourriture qui lui a brisé le cœur. Pendant une demi-seconde, tu es rempli de rage à l'idée que quelqu'un puisse la blesser autant. Tu voudrais le tuer. Tu es surpris par cette vague d'émotion, et tu te reprends rapidement.
         Tu ramènes Bella chez elle, et tu es plein d'espoir. Ça va marcher. Tu es le seul avec qui elle est heureuse. Elle a besoin de toi. Tu feras tout ce qui est en ton pouvoir pour continuer à la rendre heureuse. Tu le lui promets. Tu te sens bien. Encore une fois...
     
     Tu rentres à la maison, et Billy te regarde d'une façon agaçante. Tu te sens énervé, comme si on te plantait des aiguilles partout sur la peau. La pièce semble trop chaude – Bella t'a dit que tu avais de la température. Tu parviens avec peine à rester calme.
     
     Billy dit que tu as l'air bizarre, d'une voix critique, et une vague de rage te transporte. Cette fois-ci, tu ne peux pas l'arrêter. Tu te sens perdre le contrôle, une colère si puissante que tout ton corps en tremble. Une part de toi sait que cette réaction est stupide, mais l'autre part, plus importante, est habitée par la fureur. Tout est brûlant, comme si la pièce était en feu. Tu peux sentir la chaleur dans tes os.
     
     Et puis, horrifié et choqué tu vois que les tremblements sont de plus en plus incontrôlables et tu sens ton corps se détacher. Tu es terrifié. Ça prend seulement une seconde, mais c'est la plus longue seconde de ta vie. Tu te sens exploser, et tu as l'impression de mourir.
     
     Mais ton corps se rattrape avant cela – tu ne voles pas en éclats. Tu es dans une nouvelle forme que tu ne comprends pas. Ta tête cogne le plafond, et tu regardes Billy d'une certaine hauteur. Les tremblements ont stoppé, mais la colère est toujours là. Tout ce qu'il y a autour de toi est brûlant et rouge. Tu essayes de crier après Billy pour qu'il t'explique, mais tout ce qui sort de ta bouche est un grognement monstrueux. Tu recules d'un pas, et la pièce tremble. Tes lèvres sont retroussées sur tes dents et tu peux t’entendre grogner et tu veux secouer Billy et lui demander ce qu'il t'a fait. Tu tends le bras dans sa direction, et cette énorme patte avec des griffes bouge à la place de ta main. Tu te regardes, et un terrible hurlement sort de ta bouche.

         Billy te parle comme si tu étais un enfant, lentement et calmement, te disant d'être calme, que tout va bien. Mais il ne te dit pas ce qui s'est passé – ce que tu es. Ça te met en colère à nouveau qu'il n'ait pas l'air surpris. Est-ce qu'il s'y attendait ? Pourquoi ne t'en avait-il pas averti ?
     
     Billy s'approche du téléphone et appelle quelqu'un. Aussitôt que tu entends le nom de Sam, tu t'énerves. Sam était au courant de ça. Un horrible grognement emplit la maison. Billy paraît effrayé, et tu es juste en face de lui, tes mâchoires à deux doigts de le mordre. Tu te fais violence pour reculer, et entends encore ce cri effrayant.
     
     C'est à ce moment que les voix commencent à parler dans ta tête. Mais il y a tellement plus que des voix. Derrière les mots, tu peux voir des images et ressentir des émotions. En quelques secondes, tu comprends. Tu vois le mot derrière ces mots, la réponse à ta question. Loup-garou. Tu es un monstre.
     
     C'est Embry qui t'aide le plus. Tu reconnais sa voix même si elle n'a pas de son. Tu vois à quel point il est soulagé de t'avoir avec lui maintenant. Sam le laisse t'expliquer, le laisse te parler hors de la maison (Billy te facilite la tâche en te gardant la porte ouverte – tes épaules peuvent à peine passer). Dans les bois derrière la maison, tu vois les autres pour la première fois. Ils sont énormes et terrifiants. Tu es horrifié d'être comme eux.

         C'est une longue nuit. Ils te montrent tout. Toutes les histoires et les légendes dont tu as entendu parler au long de ta vie sont des faits historiques. C'est comme atterrir dans le pays d'Oz, où tout devient coloré, sauf que ce nouveau monde n'est pas un beau petit lieu rempli de munchkins. Tu es en train de vivre un film d'horreur. Tu es l'un des monstres. Ils te montrent pourquoi c'est arrivé, et c'est le pire. Parce que les vampires sont réels, eux aussi. Et c'est leur faute si tu t'es transformé en cette horrible chose. Plus que ça, à part le fait qu'il existe des vampires assoiffés de sang, ta meilleure amie, la fille que tu aimes, est toujours amoureuse de l'un d'entre eux. Au début, tu ne veux pas croire qu'elle connaît la vérité, mais ils réussissent à te convaincre qu'elle en est pleinement consciente. Ça te rend malade maintenant, de te rappeler combien elle a pleuré pour lui.
     
     Tu es un monstre, toi aussi, mais pas un méchant. Tu es de ceux qui existent pour protéger ta famille contre les méchants. Et ce n'est pas facile. Surtout quand ils t'annoncent que ton statut de protecteur légendaire implique que tu ne peux plus fréquenter les gens normaux. Tu es trop dangereux pour ça maintenant. Dans six mois, dans un an, peut-être. Tu dois aller à l'école pour garder le secret, mais pas d'autres risques inutiles. À l'école, tu dois focaliser toute ton énergie pour rester calme. Oublie tes études. Contente-toi de ne tuer personne.

         Et Bella, c'est totalement hors de question. Quand tu protestes, tu vois les souvenirs de Sam. C'est comme si tu y étais. Tu le vois implorer Emily. Tu entends la réponse qui a envoyé Sam dans un accès de folie irrationnelle – la furie qui est la marque de fabrique et le fléau de l'existence des loups. Tu le vois se mettre hors de lui, sa main toujours tendue vers elle. Tu regardes ses griffes lacérer son visage. Tu la vois tomber par terre, inconsciente. Tu ressens sa panique, sa terreur. C'est si fort qu'il ne peut pas se retransformer pour l'aider. Tu penses que tu es en train de regarder sa mort (même si tu sais qu'elle est toujours en vie, ça te frappe – tu ressens la souffrance du souvenir). Tu vois Jared et Paul accourir pour aider, amenant Sue Clearwater (une aide-soignante – le meilleur choix possible quand l'un des employé de l'hôpital est un vampire). Sue s'occupe d'Emily tandis que Sam se tord de douleur dans la forêt, caché, encore incapable de revenir à lui-même…
     
     Et tu comprends qu'ils ont raison, tu ne peux pas voir Bella. Ta promesse sera inutile. Tu vas la blesser, comme l'autre monstre.
         En regardant les souvenirs de Sam continuer à défiler, tu vois comment revenir à toi-même. Tu te calmes comme il l'a fait, et tu reviens à ta forme normale. Nu et malade, tu t'enfonces dans le noir et tu pleures comme tu n'as jamais pleuré de ta vie.
         Les autres sont surpris. Il leur avait fallu des jours, voire des semaines pour comprendre vraiment comment redevenir humain.

         Ta nouvelle vie commence sur des accès de tension. Non seulement les vampires sont réels, mais en plus ils sont ici. Des nouveaux, pas les Cullen. Ils chassent dans le coin, et c'est ton job de les arrêter. Tu peux le faire. Toute ta haine envers ce qu'Edward et le reste des Cullen ont fait à Bella est canalisée dans ta chasse après ces deux-là, le mâle aux cheveux noirs et sa compagne aux cheveux oranges.
     
     Tu attrapes le mâle en un rien de temps. Tu flaires le vampire, en prenant soin de l'éviter. Jared fait le guet, car ses yeux sont comme des télescopes – il peut voir à des kilomètres. Le vampire s'arrête dans une petite clairière, et Jared le voit parler à Bella. Tu te précipites vers eux, mais Sam hésite. Tu as dépassé les frontières du traité. Est-il un des amis des Cullen ? Il a violé le traité avec ses meurtres, mais tu ne peux pas le prouver – tu n'en as pas été témoin. Sam ne veut pas commencer une guerre sans être sûr des conséquences. Tu penses qu'il devient trop précautionneux. Vous vous disputez, et quand il est clair que Laurent veut faire du mal à Bella, Sam est aussitôt à tes côtés.
         Tuer Laurent est plus simple que vous ne vous y étiez attendus. C'était peut-être dû au fait que vous étiez cinq contre un ? Tu sais que ce n'est pas le cas. Toi et Sam avez fait le plus gros du boulot, et tu penses que tu aurais pu le faire tout seul. Peut-être que les vampires ne sont pas aussi solides que les histoires le laissent penser.
     
     L'image du visage terrifié de Bella dans la clairière est toujours ancrée en toi. Elle était horrifiée – plus horrifiée par ta nouvelle image que par le vampire aux yeux rouge sang. Tu te demandes constamment comment elle s'explique ce qu'elle a vu.
     La chasse continue, et la femelle aux cheveux orange vous donne plus de fil à retordre. La meute ne comprend pas ses motivations, il est donc difficile de deviner ses actes. Et elle est vraiment très forte pour s'éclipser.
         Avoir un vampire dans les pattes te rend nerveux. Ils ont tous l'air d'en avoir après Bella, à la fin. Tu tournes autour de sa maison la nuit, pour t'assurer qu'elle est en sécurité.
         La vie quotidienne devient une corvée. Mais les autres sont impressionnés par ton contrôle, et durant ces quelques semaines à traquer la vampire aux cheveux orange, ils sont de plus en plus stupéfaits. Tu es meilleur pour contrôler tes "épisodes" (comme tu les appelles) que les autres. Il avait fallu an et demi à Sam pour arriver au point où tu en es au bout de deux semaines. Tu es déjà meilleur pour ça qu'Embry, Jared et Paul. Mais ça ne te rend pas plus heureux pour autant. Pourquoi quelqu'un voudrait-il être meilleur en tant que loup-garou qu'un autre ?
         Pourtant, tu commences à penser que tu pourrais aller voir Bella. Tu es certain, maintenant que tu sais à quoi t'attendre, que tu peux te contrôler en sa présence. Et elle appelle tout le temps. Les monstres dans la forêt l'ont sans aucun doute traumatisée. Elle a besoin de toi. Ça occupe tes pensées la plupart du temps. Sam te met en garde – personne mieux que lui ne peux savoir ce qu'on ressent lorsqu'on a fait une erreur.
         Tu ne peux même pas lui parler par téléphone. Tous les loups et les anciens sont perturbés par tes souvenirs – ils ont été si prudents par rapport au traité, et tu l'as brisé, bien qu'inconsciemment. Au moins, les vampires qui avaient signé le traité sont partis, donc ça ne provoquerait pas de guerre. Et Bella ne semblait pas croire plus que ça à cette histoire... Mais Sam te donne un ordre : tu n'es pas autorisé à dire la vérité à Bella. Il te l'a dit sous sa forme de loup, et tu peux percevoir tout l'autorité que ça implique à travers ses pensées. C'est le chef de meute, et tu ne peux pas lui désobéir.
     Bella est persistante pourtant, et tu n'es pas surpris de la voir camper devant la maison. Tu convaincs les autres que tu peux soutenir une conversation, de toute façon elle doit bien avoir lieu. Sam accepte – il ne veut pas être trop dictatorial dans son rôle de chef de meute, surtout avec toi (mais c'est une autre histoire). Il te conseille de rester calme, et il insiste sur le fait que tu dois lui dire ce qui est nécessaire pour la garder éloignée. Il pense à Emily, et comment peux-tu lui en vouloir ?
         C'est plus difficile que tu le pensais. Tu regardes le visage de Bella alors que tu reviens sur tes mots, et c'est comme si quelqu'un te plantait une lame dans le ventre. Tu es aussi minable que ce vampire qui l'a brisée. Tu as l'impression de prendre toute ton espérance et toute ta joie, les siennes aussi, et de les écraser dans ta main. Pendant un moment, la colère est tangible – tu commences à avoir chaud, mais tu te maîtrises. Tu es à deux doigts de perdre le contrôle quand elle se met sur la défensive à propos des vampires. Comment peut-elle penser qu'ils sont si bons, en particulier maintenant, après tout ce qu'ils lui ont fait ? Comme si être un vampire n'était pas déjà assez.
     
     Et puis elle rejette la faute sur elle – elle pense qu'elle a fait quelque chose de mal, et que c'est pour ça que tu es comme ça. Elle te supplie presque de la pardonner. Tu te détestes terriblement de lui faire ça. Tu t'enfuis, mutant aussitôt que tu es hors de vue afin de ne pas pleurer comme tu l'as fait la dernière fois.
         C'est une longue après-midi. Tu en as ras-le-bol qu'Embry essaie de te réconforter, ras-le-bol que Sam approuve sans arrêt ce que tu as fait. Tu te demandes si tu n'as pas blessé Bella aujourd'hui de la même façon qu'il avait blessé Emily. Tu retournes à ta forme humaine pour t'éloigner d'eux, et tu rumines toute la nuit. Tu quittes la maison pour t'éloigner de Billy, qui est aussi énervant que les autres.
         Tu réalises cependant que bien que Sam t'ait interdit d'expliquer la vérité à Bella, il ne t'a pas pour autant interdit de la voir. Tu sais que ça va être difficile, mais tu ne peux pas rester là en la laissant penser que tu ne veux plus être son ami. Tu dois t'excuser, trouver une solution.
     
     Tu prends ta moto et la caches dans une autre rue. Tu rentres furtivement dans sa chambre, et tu es surpris par sa colère. En plus, elle est dans un état épouvantable – presque aussi épouvantable que le jour où elle a débarqué chez toi. Ses yeux sont rouges et ses joues sont humides. Tu te détestes encore plus, en voyant ça. Tu essayes de lui expliquer, mais les ordres de Sam te retiennent.
     
     Tu essaies au moins de lui faire clairement comprendre à quel point elle est importante à tes yeux et que ce n'est pas toi qui as voulu cette séparation. Alors que tu lui parles, tu penses d'abord que tu as eu tort de venir. Tu n'arranges rien. Ça ne peut pas s'arranger, du moment qu'elle ne comprend pas. Si seulement elle avait pu croire à toutes les histoires que tu lui as racontées le premier jour...
     
     Tu réalises alors qu'elle sait déjà ce que tu veux qu'elle sache. Tu essaies de la faire se rappeler, mais elle est à moitié endormie, complètement dans les vapes. Tu as un peu plus d'espoir, mais tu es aussi plus tendu. Va-t-elle s'en souvenir ? Va-t-elle trouver ? Si oui, que va-t-elle penser ? Va-t-elle être effrayée et dégoûtée ? La perspective qu'elle puisse réagir comme ça te rend triste. Elle est capable d'accepter un vampire... Ça te débecte.
     
     Tu sais qu'aussitôt que tu auras muté, Sam et les autres seront au courant de cette escapade. Tu espères que tu pourras le cacher jusqu'à ce que Bella comprenne. Tu rentres en moto chez toi, et tu te promets que tu vas rester calme, quoi qu'il arrive.
     
     Quand tu te réveilles le matin, Billy te signale que Bella est passée, et qu'elle t'attend sur la plage. Tu es surexcité et stressé. Peut-être qu'elle a déjà compris. Elle n'a pas simplement appelé. A-t-elle déjà accepté ce que tu es ?
     Donc tu te rends sur la plage et tu vois son visage. Elle est effrayée et chamboulée. Tu peux voir dans son expression qu'elle n'accepte pas ta nouvelle vie. Ça te met hors de toi. Tu dois focaliser ton énergie pour rester humain. Tu l'accuses de son hypocrisie, et puis tu ressens un soulagement accablant lorsque les malentendus sont éclaircis. C'est toujours énervant de voir à quel point elle est protectrice envers ses vampires, mais au moins elle accepte aussi ta situation. Encore une fois, tu es plein d'espoir. Peut-être que vous pourrez vous voir encore malgré tout ce bazar.
     
     C'est un immense soulagement de pouvoir parler ouvertement avec elle. Tu es surpris d'apprendre qu'elle en sait plus à propos des vampires qui rôdent autour de Forks que la meute, et horrifié de savoir que la femelle aux cheveux orange lui en a toujours voulu. Tu as hâte d'en parler aux autres ; tu veux mettre un plan en place pour protéger Bella. Tu te sens furieux, sachant que quelqu'un veut la blesser. Pour la première fois, tu es content d'être un loup-garou. C'est horrible, mais, en même temps, tu peux protéger Bella. Finalement, c'est quand même utile.
     Tu réunis la meute. Alors que tu es confiant, maintenant que tu peux te contrôler en présence de Bella, tu as oublié d'en faire un compte rendu aux autres. Paul réagit plus violemment que tu ne t'y étais attendu. Tu es obligé de muter devant Bella pour la protéger, mais tu ne peux pas voir sa réaction. Tu dois éloigner Paul d'elle. Heureusement pour toi, tu es plus imposant et fort de jour en jour. Ce n'est pas difficile de pousser Paul dans les bois. Sam te rejoint rapidement, et ordonne à Paul de se calmer. Tu leur parles de la vampire aux cheveux orange et de Bella – ça ne prend pas longtemps, en communiquant par les pensées comme vous le faites. Bien que Sam doive reconnaître l'importance et la nécessité de ces informations, il t'enguirlande un moment. Il met le doigt sur la façon dont tu as mis Bella en danger ce jour-ci, et ensuite, il passe un savon à Paul pour être ce danger. Finalement, il te rappelle qu'il comprend, et vous vous réconciliez tous les trois. Tu réalises que vous vous entendez mieux qu'avant. Tu trouves plus agréable de faire partie de la situation, maintenant que tu peux aider Bella.

         C'est étrange comme les choses redeviennent normales, bien qu'en même temps tout soit différent et dangereux. Bella est la seule chose qui te permet d'équilibrer la situation. Tu passes quelques heures à dormir la nuit, mais la plupart du temps tu parcours les bois avec Sam ou Embry, à la recherche d'un indice montrant le retour de la buveuse de sang aux cheveux orange. Quand ce n'est pas ton tour, tu passes autant de temps que possible avec Bella. Votre amitié a atteint un nouveau niveau d'intimité. Vous connaissez tous les secrets de l'autre, et ça fait une plus grande différence que tu ne l'avais imaginé. Tu es stupéfait de voir à quel point elle avait été incapable de partager, à quel point elle est seule depuis qu'elle a eu le cœur brisé. Ça te perturbe encore de voir qu'elle pleure toujours les Cullen. Tu n'arrives pas à voir la différence entre eux et les vampires qui lui tournent autour, mais elle, elle y arrive. C'est évident qu'elle est terrifiée par ce vampire. Tu essaies de la rassurer. Et tu es content qu'elle n'ait plus à rester seule maintenant.
         Tu t'inquiètes pour Bella quand elle est seule lorsque tu patrouilles. Tu n’es pas heureux quand tes projets pour l'aider à s'amuser, à se détacher de l'anxiété constante, sont interrompus par Victoria. Elle fait une tentative peu enthousiaste pour traverser votre territoire. Ça te semble suspect, et lorsqu'elle prend la fuite par la mer, tu t'inquiètes de savoir si elle a un nouveau plan. Toi, Jared et Embry courez le long de la côte, cherchant un signe montrant qu'elle a essayé de revenir un peu plus loin. Vous retournez à La Push sans rencontrer son odeur. Embry continue de chercher avec Jared, mais tu veux prendre des nouvelles de Bella. Juste pour être sûr que la rousse ne vous a pas échappé.

         Bella n'est pas sur la plage, pas plus que la buveuse de sang ; il n'y a personne. Tu restes au milieu des arbres, mais la tempête est si forte que personne ne peut te voir. Sa camionnette n'est plus devant chez toi. Tu penses d'abord qu'elle est rentrée chez elle, mais des marques fraîches se dirigent dans l'autre direction. Ce n'est qu'au moment où tu trouves la camionnette abandonnée au bord de la route près des falaises que tu te rappelles la promesse que tu lui as faite quelques jours auparavant. Sauter des falaises. Au même moment, tu entends au loin le cri de Bella, diminuer au fur et à mesure qu'elle tombe.
     
     Tu te précipites jusqu'au bord en quelques secondes. Tu n'arrives pas à distinguer quoi que ce soit au-dessous – les vagues sont violentes, il n'y a aucune trace d'impact récent. Tu t'élances au-delà du bord, et tu plonges tête la première dans les eaux sombres.

         Il y a beaucoup de courant. Tu sais quelle force tu déploies pour réussir à nager malgré lui, et tu sais que Bella n'est pas aussi forte. Aucun humain n'est assez fort pour lutter contre ce courant.
     
     Tu cherches frénétiquement, tes yeux perçants ratissent l'eau. Finalement, tu vois quelque chose d'un blanc éclatant – ses mains qui luttent inutilement contre les vagues. Tu es submergé, essoufflé, et complètement paniqué. Personne d'autre n'aurait été capable de le faire dans les mêmes circonstances, même pas Sam, mais tu te concentres et te forces à retrouver ta forme humaine. Alors tu t'accroches à Bella et la remonte à la surface.
     
     Tu souhaites avoir pris des cours de secourisme. Tout ce à quoi tu penses est de lui enlever l'eau des poumons. Il y en a tellement. Elle reprend conscience, puis s'évanouit. Tu ne sais pas quoi faire. Tu la ramènes sur la plage, espérant que de l'aide arrive. Les pensées de Jared et d'Embry étaient avec toi pendant que tu plongeais, mais maintenant tu es coupé d'eux.
     
     Sam arrive, mais Bella se réveille avant qu'il ait pu t'annoncer la nouvelle de la tragédie qui a eu lieu au village. Tu es désolé de l'avoir fait quitter l'endroit où on avait besoin de lui. Bella semble aller bien. Tu ne sais pas si elle a besoin d'un docteur, mais elle veut seulement se reposer, alors tu la ramènes chez toi. Tu es exténué par toutes ces nuits à courir, et tu tombes de sommeil à ses côtés. Tu te sens bien là, tous les deux sans secrets, en sachant qu'elle est en sécurité.
         Billy te réveille quand il rentre à la maison. Il est chamboulé de réaliser que Harry est parti. C'était un des meilleurs amis de Billy, un oncle pour toi en quelque sorte, et aussi un des trois seuls anciens au courant pour les loups. Ça semble injuste qu'il soit mort.

         Tu ramènes Bella chez elle, sachant que Charlie sera affligé lui aussi. De plus, tu remarques qu'il y a quelque chose de différent avec elle, mais tu n'arrives pas à mettre le doigt dessus. Perdre Harry te fait prendre conscience que tu as bien failli la perdre aussi – c'était si juste. Cette pensée te terrifie. En même temps, tu es heureux d'avoir pu la sauver. Elle est vivante parce que tu es un loup-garou. Tu te réconcilies avec ton destin.

         Comme vous allez bientôt arriver, tu la prends dans tes bras, soulagé de pouvoir le faire. Pour la première fois depuis la première nuit où tu as muté – la nuit du film d'horreur – tu penses que ça peut marcher. C'est tellement agréable de la porter comme ça. Est-ce qu'elle ressent la même chose ? Peut-être que ce n'est pas aussi fort que ce qu'elle ressentait pour le vampire, mais ça doit bien vouloir dire quelque chose qu'aucun de vous ne soit entier sans l'autre. C'est comme si tu étais destiné à être avec elle.

         Elle commence à se débattre. Elle n'est pas encore prête pour le moment, mais tu penses qu'elle le sera un jour. Il faut juste être patient. Tu ouvres la portière de la voiture, et cette prise de conscience réconfortante est gâchée.
     
     Il y a un vampire à proximité. Tu penses d'abord à la femelle aux cheveux orange, et tu crois deviner qu'elle s'est servie de la distraction causée par la mort d'Harry pour s'infiltrer à l'intérieur. Tu ne sais pas exactement où elle est ou si elle vous regarde. Tu as peur de te changer pour la chasser, au cas où elle se servirait du moment où tu muteras pour attaquer. Tu décides que le meilleur plan est de ramener Bella à La Push, de laisser Embry avec elle, et d'aller la traquer avec Sam.
     
     Cependant, quelque chose ne va pas. L'odeur n'est pas la bonne. Un vampire, c'est sûr, mais pas la même que celle dont l'odeur te brûle le nez depuis une semaine.
         Avant que tu n'aies pu donner un sens à cela, Bella te demande de t'arrêter. Son visage est nettement plus éclairé et coloré que d'habitude, depuis qu'elle est venue te chercher, totalement détruite. Elle pense que les Cullen sont revenus, et la voiture rutilante près de la maison confirme sa théorie. Son enthousiasme t'écœure. Tout ce qu'elle veut c'est aller retrouver son vampire, comme si elle n'avait pas été touchée par ce qu'il lui avait fait. Tu es furieux. Tu as du mal à te calmer.
     
     Il est clair que tu vas devoir utiliser la force si tu veux l'empêcher de rentrer. Elle a l'air certaine que ce sont ses vampires. Elle est déjà partie – mentalement, elle est à des kilomètres de toi. Et tu as des responsabilités. La meute a totalement ignoré les limites du traité depuis que les Cullen sont partis. Tu ne peux pas laisser tes frères avoir des problèmes en ignorant que les Cullen sont de retour.
         Tu détestes avoir à la laisser partir ici, tu es tellement en colère que ce soit ce qu'elle veuille. Le futur qui semblait si prometteur quelques secondes auparavant est réduit à néant. S'en fiche-t-elle qu'ils l'aient quittée ? Ça ne compte donc pas ? Pas une fois elle n'avait exprimé de colère envers ce qu'ils lui avaient fait. Tu supposes qu'elle n'a même jamais été en colère contre eux. Elle accepte ce qu'ils ont fait sans poser de questions.
         Il faut que tu t'en ailles, parce que tu ne vas pas être capable de te contrôler plus longtemps. Tu peux sentir la fureur monter. Tu la laisses toute seule dans la rue, souhaitant plus que tout qu'elle t'appelle, qu'elle change d'avis. Elle ne le fait pas.

         Tu cours à l'hôpital, et finalement reviens sur tes pas. La colère a légèrement baissé, et tu es à nouveau malade pour sa sécurité. Tu appelles, et elle répond. C'est donc vrai. Les Cullen sont de retour, et elle t'a préféré les vampires.
     
     C'est une mauvaise nuit pour les loups Quileute. Sam a remis les limites en place, si bien que vous ne pouvez plus protéger que la réserve. Sam ne veut laisser aucune brèche – il peut y avoir une demi-douzaine de vampires de l'autre côté, et leurs intentions ne sont pas claires. Tu t'inquiètes pour Bella et la rouquine, mais Sam te dit de laisser les Cullen s'occuper d'eux. Tu détestes l'idée que Bella leur appartienne.
         Les jours passent. Personne n'a essayé de franchir la frontière. Billy appelle Charlie, et il s'avère qu'un seul des Cullen est revenu, et elle va rester avec eux. Ça te rend fou. Sam est inquiet – quelle est la nouvelle politique ? Les frontières sont-elles maintenues ? Pour combien de temps ? Le reste d'entre eux va-t-il revenir ? Sont-ils au courant pour la femelle aux cheveux orange ? Considèrent-ils qu'elle soit sous la protection du traité ? Si c'est le cas, le traité est violé. Et s'ils ne s'occupent pas d'elle, la meute se verra obligée de les considérer comme ses complices. Sam, Billy et le vieux Quil discutent des possibilités d’une guerre…
     
     Mais Sam veut d'abord avoir des informations – il essaye de rester pacifiste autant que possible – et tu te portes volontaire. Tu insistes pour y aller en personne. Tu as besoin de voir son visage, de voir à quel point elle est impliquée là-dedans. Tu dis à Sam que tu pourras mieux connaître la vérité si tu y vas toi-même, que tu seras capable de voir si elle ment ou pas. Tu ne le trompes pas sur tes motivations, mais il te laisse y aller quand même. 
     Tu y vas pendant l'enterrement, afin de pouvoir lui parler honnêtement, sans que Charlie ne vous interrompe. Jared et Embry ne veulent pas te laisser y aller tout seul, même si tu es certain que la vampire est partie pour le moment. Tu sais qu'ils vont rester à proximité, mais tu ne veux pas qu'ils entendent. Tu veux pouvoir parler vraiment à Bella, mais ça dépend de capacité à rester calme. Sa maison sent mauvais – ça te brûle le nez. Elle est imprégnée de l'odeur de la vampire. Vous êtes tous les deux quelque peu hostiles, mais elle répond à tes questions. La Cullen est juste de visite. Tu te dis que les choses vont redevenir normales une fois qu'elle sera repartie.
     
     Tu n'arrives pas à partir. Tu peux voir que tu l’as blessée, et tu reviens pour la trouver en pleurs. Tu te sens à la fois pire, et mieux. Mieux parce qu'au moins elle ne s'en fiche pas de toi. Elle pleure pour toi. C'est quelque chose.
     Tu es capable de parler maintenant, mais c'est difficile. Elle les aime. Les monstres qui l'ont blessée – elle les aime. Elle s'intéresse à toi aussi, mais pas autant. Cependant, la vampire est repartie… Tu es confus, pas certain de savoir comment te sentir.

         Tu la prends dans tes bras, et c'est comme avant, comme ça doit être. Tu prends son visage dans tes mains, et soudain, tu as envie de l'embrasser plus que tout au monde. Ce n'est pas comme tu l'avais prévu, avec la vampire dans les parages. Mais tu penses que c'est peut-être comme ça que ça doit se passer. Peut-être qu'elle va le sentir. Tu vois le conflit dans ses yeux, et tu te demandes quelle part d'elle va gagner quand tes lèvres toucheront les siennes.
     
     La sonnerie du téléphone retentit à ce moment si inopportun, et tu réponds. Quel autre choix as-tu ? Ça peut être Sam, il peut y avoir des ennuis là-bas. Tu entends le ton clair de la voix, avec ce léger accent anglais, et tu sais qui c'est au premier mot. Encore l'un d'entre eux. Peut-être que Bella avait tort à propos du retour des autres. Peut-être qu'elle mentait.
     
     Bella est à nouveau en colère lorsque le vampire te raccroche au nez. Avant de pouvoir éclaircir les choses, tu sens la brûlure causée par l'approche d'un vampire. Tu entends le bruit sourd de son arrivée presque silencieuse. Tu essayes de t'en aller, mais l'odeur est plus forte dans le hall. Avant que tu aies pu sortir, la buveuse de sang est là.
     Ce n'est pas grand-chose, mais après ce que Bella t'a dit à sur les vampires avec des dons, tu n'es pas près de relâcher ta garde. Elle te prête à peine attention, cependant. Elle semble à peine consciente de ce qui l'entoure, distraite par quelque chose. Bella l'appelle Alice. Alice prononce le prénom d'Edward une fois, et Bella s'écroule. La vampire l'a-t-elle blessée ? Tu ne vois rien. Mais tu t'empresses d'attraper Bella avant que la vampire ne la touche, et tu l'éloignes.

         La petite vampire semble très inquiète, et ça te surprend. Tu n'avais pas réalisé qu'ils pouvaient aussi avoir des sentiments et des émotions. Tu es révolté et stupéfait de voir combien Bella et Alice sont à l'aise quand elles se touchent. Tu aurais pu penser que les vampires ne pouvaient pas toucher les humains comme ça sans les blesser. Et Bella est tellement à l'aise avec Alice, capable d'interagir avec elle comme si Alice était humaine. Bella semble la voir comme ça, comme une personne, presque.
         La conversation est dure à suivre. Tu crois comprendre qu'Edward Cullen a des problèmes et c'est la faute de quelqu'un du nom de Rosalie. Bella gémit et exige d'aider, et la petite vampire va la laisser faire, bien qu'il soit clair que c'est une mission-suicide.

         Tu suis Bella dans la cuisine, où elle écrit un petit mot à Charlie. Tu lui demandes de ne pas y aller. C'est comme si tu n'avais rien dit du tout. Elle te demande de prendre soin de son père.
     
     Bella court prendre des affaires, et tu te retrouves seul avec Alice. Tu te mets le plus loin possible d'elle – l'instinct qui te pousse à muter et à attaquer est dur à contrôler – et tu l'accuses de conduire Bella à sa mort. En fait, c'est plus facile de lui parler que tu l'aurais pensé, elle réagit et parle comme un humain ; bien que son apparence se rapproche affreusement de celle d'un monstre. Pour tes yeux perçants, elle est comme un cristal mobile, anguleux et brillant. 
     Alice s'énerve juste un moment, mais Bella revient et elles partent. La reverras-tu un jour ? Tu la supplies littéralement de ne pas y aller, mais Bella s'en va après t'avoir embrassé la main. Tu ne tiens pas plus d'une seconde en réalisant qu'elle fonce vers la mort pour cette sangsue qui a ruiné sa vie. Pour la première fois depuis le début, tu perds le contrôle et tu mutes contre ton gré.
         La vie est plus sombre qu'elle ne l'a jamais été auparavant. Les autres sont soulagés qu'Alice soit partie, qu'elle ait emmené Bella avec elle ou pas. Ils essayent de garder leurs sentiments pour eux, mais bien sûr, il n'y a aucun secret dans une meute de loups. Sam te fait patrouiller encore plus, et tu prends un soin tout particulier à veiller sur Charlie, comme Bella te l'a demandé.
     
     C'est comme ça que tu découvres que la rousse traque encore Bella. La meute l'encercle, rétrécissant lentement le périmètre, la laissant se rapprocher de Forks tout en plaçant un mur entre elle et Charlie… Cependant, elle fait demi-tour et détale. Tu la poursuis, mais elle est rusée et plus rapide que son copain aux cheveux noirs. Sa fuite inattendue te prend par surprise, tu n'avais pas donné signe de ta proximité. Faisant quelques recherches sur les lieux après, Sam réussit à voir ce qui s'est passé. Sa trajectoire avait rencontré la trace récente qu'avait laissée Alice Cullen. Ça semble avoir été suffisant pour qu'elle panique. Au moins, il est clair que ce n'est pas une amie des Cullen.
     
     Charlie est paniqué, naturellement. Il débarque à La Push pour t'interroger, pour voir si tu sais quoi que ce soit qui pourrait l'aider à retrouver Bella. Tu aimerais pouvoir tout lui dire à propos des Cullen, mais tu ne peux pas trahir ton propre secret, et quel bien cela lui ferait-il ? Aucun d'entre vous ne peut plus sauver Bella.

         Certaines rumeurs provenant de Forks disent que Bella est revenue vivante. Charlie n'appelle pas Billy pour autant – il est trop furieux apparemment – alors tu l'apprends par Leah Clearwater. Charlie a appelé pour annuler la visite à sa mère : il ne voulait pas laisser Bella toute seule, parce qu'elle a de gros ennuis. Tu es si soulagé qu'elle aille bien, tu ne te soucies de rien d'autre au début. Mais il ne faut pas longtemps avant que les autres ne débarquent. Le Dr. Cullen retourne à l'hôpital – la famille entière est revenue à Forks. Sam remet les patrouilles en place, mais pas aussi loin qu'avant. Les vampires n'étaient pas au courant de la présence des loups-garous avant, mais à présent ils le sont. S'ils sont revenus pour de bon, alors la meute doit renforcer les frontières. Pour être sûrs qu'ils ne se méprennent pas sur ce qui appartient aux Quileutes.
         Billy a des nouvelles de tout ça, grâce à Charlie. Edward est revenu, apparemment à nouveau possesseur du titre de petit ami de Bella, sans aucune répercussion pour son abandon. Bella ne vient pas te voir, et tu es en colère, même si tu ne t'attendais pas à ce qu'elle le fasse. Tu es aussi en colère que Charlie laisse Bella sortir avec Edward. Ne pourrait-il pas, en tant que père, faire quelque chose à ce propos ?
         Tu échafaudes un plan, sans te préoccuper de tous les détails. Si tu arrives à la faire priver de sortie, elle ne pourra plus le voir… Peut-être que si elle est loin de lui, elle sera capable de se dégager de son emprise sur elle, se rappeler ce qu'il est et ce qu'il a fait.
     
      De plus, tu as un nouveau souci maintenant. Depuis qu'Alice est revenue, ta plus grande frayeur est que l'un des vampires perde le contrôle en présence de Bella et la tue, trop assoiffé. Ça te vient à l'esprit maintenant qu'il y a peut-être quelque chose de pire. Peut-être qu'ils ont des intentions pire que de vouloir se désaltérer. Tu ne veux même pas y penser, mais tu n'arrives pas à t'enlever ça de la tête.
     
     Peut-être qu’ils vont essayer de la faire devenir l'une des leurs.
     
     C'est la plus horrible chose que tu puisses imaginer. Pire que de la tuer ; la voler à elle-même et la faire devenir une créature de pierre inhumaine, une parodie de ce qu'elle était avant. Ça serait comme de laisser un étranger entrer dans son corps, seule une version détournée et froide de ce corps.
     
     Tu sais que la seule chose qui pourrait mettre Charlie en colère plus que tout (à part la vérité, que tu ne peux pas lui dire) est la moto de Bella. Tu la conduis jusqu'à sa maison et dis à Charlie que tu la ramènes, puisque Bella ne vient plus à La Push. Charlie vire au rouge et te crie dessus pendant un quart d'heure, te promettant d'appeler Billy pour lui raconter ce que tu as fait. Quand il te laisse partir, tu préfères te retirer dans les bois plutôt que de rentrer, sachant que le buveur de sang saura que tu es là, à cause de ton odeur. Tu as un avertissement à lui délivrer. 
     Comme prévu, Edward Cullen vient avec Bella pour te voir avant qu'elle n'affronte Charlie. C'est très dur de te contrôler, mais tu ne vas pas te battre ici, devant Bella. Elle pourrait être blessée, et cette fois-ci ce n'est pas toi qui vas violer le traité. Que les Cullen aient le mauvais rôle, pour une fois.
     
     Bella est furieuse. Tu étais préparé à ça, mais c'est dur de la blesser comme ça.

         Le vampire te prend par surprise, en te remerciant pour tout ce que tu as fait pour Bella. Tu refuses de croire qu'il est véritablement sincère. C'est juste par politesse. Tu découvres que ses capacités à lire dans les pensées sont pires que ce que tu croyais. Il voit tout ce que tu penses.
     
     Bien qu'il sache l'avertissement que tu étais venu lui donner, tu réponds à la question de Bella à propos du traité. Non seulement ils ne sont pas autorisés à se nourrir des humains s'ils veulent préserver la paix avec les loups-garous, mais ils ne sont pas non plus autorisés à créer de nouveaux vampires.
     
     La réaction de Bella t'en apprend tellement plus que ce que tu voulais savoir. Jusqu'ici, tu pensais seulement que les Cullen voulaient la transformer. Tu ne t'étais pas attendu à ce qu'elle ait connaissance de ce projet. Maintenant tu apprends qu'elle l'a planifié elle-même ; c'est ce qu'elle veut.
         Tu dois lutter plus que jamais pour rester calme et ne pas muter. Le reste de la conversation ne veut plus rien dire. Bella veut être un vampire. Elle ne réalise pas que ce changement est une forme de mort ; pire que toutes les autres.
         S'il la transforme, la guerre sera ouverte. Tu rentres pour l'annoncer à tes frères. Vous devez vous préparer…


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  • Note de Stephenie Meyer : 

    C’est une drôle d’histoire – en fait j’ai écrit cet extrait comme une blague. J’ai lu quelque chose sur le site Twilight Fanfiction, et le concours “Mettez-vous à ma place”, et j’ai dit à Alphie (une célébrité du Lexicon) que j’y participerais peut-être, pour m’amuser. Elle m’a dit que ça ne marcherait jamais, Pelirroja me reconnaîtrait en une seconde. Je pariai que Pel ne m’aurait pas, et Alphie paria le contraire. Donc, j’ai écrit cette portion de New Moon (NdT : Tentation) du point de vue de Rosalie (ce fut très intéressant d’être dans la tête de Rosalie !), et je l’ai envoyée, gloussant de ma propre blague. Pour finir, la blague s’est retournée contre moi. Ma participation à été perdue dans le cyberespace et Pel ne l’a jamais su. Donc, j’imagine qu'Alphie et moi ne connaîtrons jamais le vainqueur de notre pari... sauf si Twilight Fanfiction organise un autre concours...

    Voici donc ma blague loupée, le coup de téléphone entre Alice et Rosalie dans le chapitre 18 de New Moon: 

     


         Un léger son chuchoté – pas près de moi, mais à des centaines de mètres plus au nord – me fit sursauter. Ma main se serra automatiquement autour du téléphone, le fermant, et l’éloignant de ma vue dans le même mouvement. 

         Je remis mes cheveux en place sur mes épaules, jetant un vague coup d’œil par la grande fenêtre en direction de la forêt. La lumière du jour était faible, sombre ; mon propre reflet était plus clair que les arbres et les nuages. Je fixai mes grands yeux surpris, mes lèvres qui tiraient vers le bas en une moue, la petite ride verticale entre mes sourcils… 

         Je me jetai un regard hargneux, effaçant avec mépris mon expression de culpabilité. Un mépris séduisant. Je notai, absente, que cette expression féroce m’allait bien, contrastant à merveille le doré angélique de mes boucles épaisses. En même temps, mes yeux scrutaient le vide de la forêt d’Alaska, et je fus soulagée de voir que j’étais toujours seule. Le son n’était rien – un oiseau ou la brise. 

         Il n'y avait pas de quoi être soulagée, me dis-je. Pas de quoi me sentir coupable. Je n’avais rien fait de mal. 

         Les autres n’avaient-ils pas l’intention de dire la vérité à Edward ? Le laisser se complaire dans son angoisse existentielle pour l'éternité au fin fond de bidonvilles répugnants, pendant qu’Esmée et Carlisle anticipaient chacune de ses réactions, et que la joie existentielle d’Emmett s'en allait doucement pour laisser place à la solitude? Pourquoi cela serait-il juste ? 

         De plus, il n’y avait aucun moyen de cacher un secret à Edward à long terme. Tôt ou tard il serait venu nous trouver, pour voir Alice ou Carlisle pour une raison ou une autre, et alors il aurait découvert la vérité. Nous aurait-il remerciés de lui avoir menti par ce silence ? Je ne le pensais pas. Edward devait toujours tout savoir ; il vivait avec cette omniscience. Il aurait piqué une crise, seulement exacerbée par le fait que nous nous serions abstenus de lui faire part de la mort de Bella. 

         Quand il serait calmé et remis de tout ça, il me remercierait sûrement d’avoir été la seule assez courageuse pour être honnête avec lui. 

         A des kilomètres, un faucon cria ; le son me fit sauter et vérifier la fenêtre de nouveau. Mon visage avait de nouveau cette expression coupable, et je me jetai un regard noir dans la vitre. 

         Bien, donc j’avais mon programme. Était-ce une si mauvaise chose de vouloir que ma famille soit de nouveau réunie ? Était-ce si égoïste que la paix quotidienne me manque, ce bonheur sous-jacent que j’avais pris pour acquis, le bonheur qu’Edward semblait avoir emmené avec lui dans l’avion ? 

         Je voulais juste que les choses redeviennent comme avant. Était-ce si mal ? Cela ne me semblait pas être une chose horrible. Après tout, je n’avais pas fait cela pour moi seule, mais pour tout le monde. Esmée et Carlisle, et Emmett. 

         Pas vraiment pour Alice, même si je l’aurais assumé... Mais Alice avait été tellement sûre que les choses allaient s’arranger dernièrement – qu'Edward serait incapable de rester loin de sa petite amie humaine – qu'elle ne s’était pas embêtée à faire son deuil. Alice avait toujours évolué dans un monde différent du nôtre, enfermée dans sa réalité toujours changeante. Puisqu’Edward était le seul qui pouvait participer à cette réalité, j'avais pensé que son absence serait plus dure pour elle. Mais elle était certaine, comme toujours, vivant dans le futur, son esprit dans un moment que son corps n’avait pas encore atteint. Toujours si calme. 

         Elle avait pourtant été folle d’inquiétude lorsque Bella avait sauté...

         Avais-je été impatiente, moi aussi? Avais-je agi trop tôt ?

         Je devais au moins être honnête envers moi même, parce qu’Edward verrait chaque parcelle de mesquinerie dans ma décision dès qu’il rentrerait à la maison. Mieux valait reconnaître mes mauvaises motivations dès maintenant, les accepter tout de suite.

         Oui, j’étais jalouse de ce qu’Alice ressentait pour Bella. Alice aurait-elle détalé si vite, prise de panique, si c'était moi qui avais sauté de la falaise ? Devait-elle vraiment aimer plus que moi cette fille humaine banale à ce point ? 

         Mais la jalousie n'était qu'une chose. J’avais sûrement précipité ma décision, mais je n’y pouvais rien. J’aurais appelé Edward de toute façon. J’étais sûre qu’il préférerait cette honnêteté abrupte à la gentille déception des autres. Leur gentillesse était maudite depuis le début ; Edward serait rentré de toute façon. 

         Et maintenant, il pourrait rentrer plus tôt.

         Ce n’était pas la satisfaction de ma famille qui me manquait. 

         Edward me manquait sincèrement aussi. Ses petites remarques cinglantes me manquaient, son esprit sombre qui était plus en harmonie avec mon propre sens de l’humour noir que la nature enjouée d’Emmett. La musique me manquait – sa stéréo beuglant sa dernière découverte d'un groupe indé, et le piano, le son d’Edward tissant ses pensées habituellement dissimulées pour les transformer en une chanson transparente. Il me manquait lorsqu’il fredonnait dans le garage à côté de moi lorsque je trafiquais les voitures, le seul moment où nous étions parfaitement en harmonie. 

         Mon frère me manquait. Sûrement ne me jugerait-il pas trop sévèrement quand il le verrait dans mes pensées. 

         Ce serait délicat pendant un moment, je le savais. Mais plus tôt il reviendrait à la maison, plus tôt nous pourrions retrouver une vie normale...

         Je fouillai mon esprit pour trouver une quelconque trace de deuil pour Bella, et je fus heureuse de voir que je pleurais la fille. Un petit peu. En cela au moins : elle avait rendu Edward heureux, comme jamais auparavant. Bien sûr, elle l’avait aussi rendu plus malheureux que quoi que ce soit durant son siècle de vie. Mais la paix qu’elle lui avait donnée durant ces quelques mois me manquerait. Je pourrais vraiment regretter sa perte. 

         Prendre conscience de cela me fit me sentir mieux, suffisante. Je souris devant mon visage dans la glace, encadrée par mes cheveux d’or et les murs cèdre rouge du long salon douillet de Tanya, et j’appréciai cette vue. Quand je souriais, il n’y avait aucune femme ou homme sur cette planète, mortel ou immortel, qui pouvait égaler ma beauté. C’était là une pensée réconfortante. Peut-être n’étais-je pas la personne la plus facile à côtoyer. Peut-être étais-je égoïste et superficielle. Peut-être aurais-je eu meilleur caractère si j’étais née avec un visage quelconque et un corps ennuyeux. Peut-être aurais-je été plus heureuse si cela avait été le cas. Mais c’était impossible à prouver. J’avais cette beauté, c’était une chose sur laquelle je pouvais compter. 

         Je souris encore plus grand. 

         Le téléphone sonna et je serrai automatiquement la main, même si le son venait de la cuisine et non de mon poing.

         Je savais que c’était Edward. Appelant pour vérifier l’information que je venais de lui donner. Il ne me faisait pas confiance. Il pensait apparemment que j'étais assez cruelle pour lui faire une blague. Je me renfrognai en me dirigeant vers la cuisine d’un pas léger pour répondre au téléphone de Tanya. 

         Le téléphone était tout en haut du long comptoir de boucherie. Je l’attrapai avant que la première sonnerie ne se termine, et je tournai mon visage vers la porte-fenêtre tout en répondant. Je ne voulais pas l’admettre, mais je savais que je surveillais le retour d’Emmett et Jasper. Je ne voulais pas qu’ils m’entendent parler à Edward. Ça les énerverait...

         - Oui ? demandai-je.

         - Rose, je dois parler à Carlisle, maintenant, dit sèchement Alice. 

         - Oh, Alice ! Carlisle est parti chasser. Qu’est ce que…?

         - Très bien, dès qu’il reviendra alors.

         - Qu'est-ce qui se passe ? Je vais le pister tout de suite, et je m’assurerai qu’il te rappelle… 

         - Non, interrompit de nouveau Alice. Je serai dans l’avion. Écoute, est-ce que tu as eu des nouvelles d’Edward? 

         Mon estomac se contracta bizarrement, semblant s’abaisser dans mon abdomen. Cette sensation amena avec elle un sentiment de déjà-vu, une légère pointe d'une sensation humaine perdue depuis bien longtemps. La nausée...

         - Eh bien, oui, Alice. J’ai parlé à Edward. Il y a quelques minutes à peine. 

         Pendant une brève seconde je m’amusai à l’idée de prétendre qu’Edward m’avait appelé, une pure coïncidence. Mais bien sûr, il ne servait à rien de mentir. Edward allait déjà être assez dur avec moi en rentrant à la maison. 

         Mon estomac continua de se resserrer étrangement, mais je l’ignorai. Je décidai d’être énervée. Alice ne devait pas être sèche envers moi de la sorte. Edward n’aimait pas les mensonges ; il voulait la vérité. Il me soutiendrait quand il rentrerait à la maison. 

         - Toi et Carlisle aviez tort, dis-je. Edward n’apprécierait pas qu’on lui mente. Il voudrait connaître la vérité. Il l’a voulu. Alors je la lui ai donnée. Je l’ai appelé... Je l’ai appelé de nombreuses fois, admis-je. Jusqu’à ce qu’il décroche. Un message aurait été... déplacé.

         - Pourquoi ? haleta Alice. Pourquoi ferais-tu cela Rosalie ?

         - Parce que plus tôt il s’en remettra, plus tôt les choses pourront revenir à la normale. Le temps n’aurait rien arrangé, alors pourquoi repousser l’échéance ? Le temps ne changera rien. Bella est morte. Edward va faire son deuil, puis il s’en remettra. Autant qu’il commence maintenant.

         - Eh bien pourtant, tu as tort sur tous les tableaux, Rosalie, et cela va poser un problème, tu ne crois pas ? demanda Alice d’un ton vicieux et féroce. 

         Tort sur tous les tableaux ? Je clignai rapidement des yeux, essayant de comprendre. 

         - Bella est toujours en vie ? murmurai-je, ne croyant pas mes propres mots. 

         Essayant juste de deviner à quels tableaux Alice faisait référence. 

         - Oui, c’est ça. Elle va très bien…

         - Bien ? Tu l’as vue sauter d’une falaise !

         - J’avais tort.

         Les mots sonnèrent étrangement dans la bouche d’Alice. Alice n’avait jamais tort, il n’y avait pas d’éléments de surprise pour elle...

         - Comment ? murmurai-je.

         - C’est une longue histoire.

         Alice avait tort. Bella était en vie. Et j’avais dit...

         - Eh bien, tu as mis une belle pagaille, grognai-je, changeant mon chagrin en accusation. Edward va être furieux lorsqu’il rentrera à la maison. 

         - Mais tu as tort à ce propos aussi, dit Alice. 

         Je pouvais entendre qu’elle parlait entre ses dents. 

         - C’est pour ça que j'appelle.

         - Tort à propos de quoi ? D'Edward qui ne rentrerait pas ? Bien sûr que si. 

         Je ris d’un ton moqueur. 

         - Quoi ? Tu penses qu’il va se la jouer à la Roméo ? Ha ! Comme un stupide romantique...

         - Oui, siffla Alice, d’une voix glaciale. C’est exactement ce que j’ai vu.

         La dure conviction de ses mots fit flancher mes genoux, me rendant bizarrement instable. Je m’agrippai au mur de cèdre pour me retenir – retenir mon corps dur comme du diamant qui n’en avait certainement pas besoin. 

         - Non. Il n’est pas aussi stupide. Il… il doit sûrement se rendre compte que…

         Mais je ne pus pas finir cette phrase, parce que je pouvais voir dans ma tête, ma propre vision. Une vision de moi. Une impensable vision de ma vie si d’une façon ou d’une autre Emmett devait cesser d’exister. Je frissonnai à cette horrible idée. 

         Non, il n’y avait pas de comparaison. Bella n’était qu’une humaine. Edward ne voulais pas qu’elle soit immortelle, donc ce n’était pas la même chose. Edward ne pouvait pas ressentir la même chose !

        - Je… Je ne voulais pas que ça se passe comme ça, Alice ! Je voulais juste qu’il revienne à la maison ! 

         Ma voix était presque un hurlement. 

         - C’est un peu tard pour ça, Rose, dit Alice, plus dure et froide qu'auparavant. Garde tes remords pour quelqu’un qui y croit.

         Il y eut un clic et une tonalité. 

         - Non, murmurai-je. 

         Je secouai la tête lentement pendant un moment. 

         - Edward doit revenir à la maison. 

         Je fixai mon visage dans le pan de la vitre de la porte-fenêtre, mais je ne pouvais le voir. C’était une tâche sans forme blanche et or. 

         Puis, à travers cette tâche, loin dans les bois, un arbre énorme oscilla irrégulièrement, en décalé avec le reste de la forêt. Emmett. 

         J'écartai la porte de mon chemin d’un coup sec. Elle claqua contre le mur, mais le son était déjà loin derrière moi puisque je fonçais dans le vert. 

         -Emmett ! criai-je. Emmett, au secours !


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  •     Le téléphone vibra de nouveau dans ma poche. C’était la vingt-cinquième fois en vingt-quatre heures. Je pensai à ouvrir le téléphone, au moins pour voir qui essayait de me contacter. Peut-être était-ce important. Peut-être Carlisle avait-il besoin de moi.
         J’y pensai, mais je ne bougeai pas.
         Je ne savais pas exactement où j’étais. Un quelconque grenier sombre et minuscule, pleins de rats et d’araignées. Les araignées m’ignoraient, et les rats m’offraient une large couchette. L’air était chargé de fortes odeurs d’huile de cuisine, de viande rance, de sueur humaine et de couches presque solides de pollution qui était visible dans cet air humide, comme un film plastique posé sur quelque chose. Sous moi, quatre étages d’un immeuble de ghetto branlant, grouillant de vie. Je ne cherchais plus à séparer les pensées des voix - elles constituaient une grande et bruyante clameur espagnole que je n’écoutais pas.  Je laissais simplement le son me bercer. Dénué de sens. Tout cela était dénué de sens. Ma propre existence était dénuée de sens.
        Le monde entier était dénué de sens.
         Mon front posé sur mes genoux, je me demandai combien de temps encore je pourrais rester ainsi.  Peut-être n’y avait-il aucun espoir. Peut-être, si mon essai était voué à l’échec, devrais-je simplement arrêter de me torturer et revenir...

         Cette idée était si puissante, tellement salutaire - comme si les mots contenaient une sorte d'anesthésique puissant, lavant les montagnes de douleur que j’avais enterrées - que cela me faisait haleter, au bord du vertige.
         Je pouvais partir maintenant, je pouvais retourner là-bas.
         Le visage de Bella, toujours derrières mes paupières, me sourit.
         C’était un sourire de bienvenue, de pardon, mais cela n’eut pas sur ma conscience l’effet que j’attendais.
         Bien sûr que je ne pouvais pas rentrer. Qu’était ma douleur, après tout, en comparaison de son bonheur ? Elle devait être capable de sourire, libre de toute peur, de tout danger. Libre de la convoitise d’un futur sans âme. Elle méritait mieux que ça. Elle méritait mieux que moi. Quand elle quitterait ce monde, elle irait dans un endroit qui me serait à jamais verrouillé, peu importe comment je me conduirais ici.
         L’idée de cette séparation finale était tellement plus intense que la douleur que je la ressentais déjà. Mon corps en frémit. Quand Bella irait dans cette endroit auquel elle appartenait, auquel je n’appartiendrais jamais, je ne m’attarderais pas ici. Cela faciliterait l’oubli. Cela faciliterait le soulagement.
         Là était mon espoir, mais sans garanties. To sleep perchance to dream. Ay, there's the rub, me récitai-je. "Dormir pour pouvoir rêver. Aïe, voilà le hic." Même quand je serais poussière, sentirai-je encore la torture de l’avoir perdue ?

         Je frissonnai de nouveau.

         Et puis mince, j’avais promis. Je lui avais promis que je ne hanterais plus sa vie, en ramenant mes démons noirs. Je ne reviendrais pas sur mes mots. Ne pouvais-je donc rien faire de bien pour elle ? Rien du tout ?
         L’idée de mon retour dans cette petite ville nuageuse qui serait toujours ma véritable maison sur cette planète serpenta dans mes pensées une fois de plus.

         Juste pour vérifier. Juste pour voir qu’elle allait bien, qu’elle était hors de danger, et heureuse. Pas pour interférer. Elle ne saurait jamais que j’étais là...

         Non. Mince, non.
         Le téléphone vibra de nouveau.
         - Merde, merde, merde, grognai-je.
         J’imaginai que je pourrais profiter de la distraction. J’ouvris le téléphone et vérifiai le numéro, recevant mon premier choc en six mois.
         Pourquoi Rosalie m’appellerait-elle ? Elle devait être la seule personne à apprécier mon absence.
         Il devait sûrement y avoir quelque chose qui allait mal pour qu’elle ait besoin de me parler. M’inquiétant soudain pour ma famille, j’appuyai sur le bouton de rappel.
         - Quoi ? demandai-je tendu.

         - Oh, wow. Edward répond au téléphone. Je me sens tellement honorée.
          Dès que j’entendis son ton, je sus que la famille allait bien. Elle devait juste s’ennuyer. Il était difficile de deviner sa motivation sans ses pensées pour me guider. Je n’avais jamais vraiment compris Rosalie. Ses pulsions étaient souvent fondées sur un sens logique très alambiqué.
         Je fermai le téléphone pour l’éteindre.
         - Laisse-moi tranquille, murmurai-je dans le vide.

         Evidemment, le téléphone sonna de nouveau.

         Continuerait-elle d’appeler jusqu’à ce qu’elle me transmettre un quelconque message avec lequel elle comptait m'embêter ? Probablement. Il faudrait des mois pour qu’elle commence à s’ennuyer de ce petit jeu. Je m’amusai à l’idée de la laisser appuyer sur le rappel automatique pour les six prochains mois... puis je soupirai et répondis au téléphone une nouvelle fois.
         - Lâche le morceau.
         Rosalie expédia les mots.
         - Je pensais qu’il t'intéresserait de savoir qu’Alice est à Forks.
         Mes yeux s’ouvrirent et je fixai les poutres pourries à huit centimètres de mon visage.
         - Quoi ?
         Ma voix était plate, sans émotion.
         - Tu sais comment est Alice - elle croit qu’elle sait tout. Comme toi.
         Rosalie gloussa. Sa voix avait un ton nerveux, comme si soudainement, elle ne savait plus ce qu’elle faisait.
         Mais ma rage m'empêchait de me soucier de son problème.

         Alice m’avait juré qu’elle suivrait mon exemple en ce qui concernait Bella, même si elle n’approuvait pas ma décision. Elle avait promis de laisser Bella tranquille... tant que je ferais de même. Clairement, elle avait pensé que je plierais sous le poids de la douleur. Peut-être avait-elle raison là-dessus.
         Mais je n’avais pas plié. Pas encore. Donc, que faisait-elle à Forks? Je voulais lui tordre son petit cou fluet. Non pas que Jasper me laisserait faire, une fois qu’il aurait ressenti la bouffée de furie me consumant...

         - Tu es toujours là, Edward ?
         Je ne répondis pas. Je me pinçai l'arête du nez, me demandant s'il était possible pour un vampire d’attraper une migraine.

         D’un autre côté, si Alice y était déjà...

         Non. Non. Non. Non.
         J’avais fait une promesse. Bella méritait d’avoir une vie. J’avais faire une promesse. Bella méritait d’avoir une vie.

         Je répétais ces mots comme un mantra, essayant de vider ma tête des images séduisantes de la sombre fenêtre de Bella. La porte d’entrée de mon unique sanctuaire. Pas de doute, je devrais ramper à mon retour. Mais je m’en moquais. Je pourrais passer la prochaine décennie à genoux si c’était pour elle, avec joie même.

         Non. Non. Non.
         
    - Edward ? Le fait qu’Alice soit là-bas ne t’inquiète pas ?

          - Pas particulièrement.

         La voix de Rosalie, prit une légère teinte de suffisance, enchantée, sans aucun doute, de m’avoir fait parler.
         - Bien sûr, elle n’enfreint pas exactement les règles. Je veux dire, tu lui as seulement dit de rester loin de Bella n’est-ce pas ? Le reste de Forks ne compte pas.
         Je clignai des yeux doucement. Bella était partie ? Mes pensées tournèrent autour de cette idée inattendue. Elle n’avait pas encore passé son bac, donc elle avait dû retourner chez sa mère. Une bonne chose. Elle vivrait au soleil. Une bonne chose qu’elle soit capable de laisser l’ombre derrière elle.
     
     J’essayai de déglutir, je n'y arrivai pas.
         Rosalie tressaillit, d’un rire nerveux.

         
    - Donc, tu n’as pas à être énervé après Alice.

          - Alors pourquoi as-tu appelé, Rosalie, si ce n’est pas pour chercher des ennuis à Alice ? Pourquoi m’embêtes-tu, hein ?

          - Attends !
    dit-elle, sentant, à juste titre, que j’étais capable de raccrocher une nouvelle fois.
    Ce n’est pas pour ça que j’appelais.
         - Alors pourquoi ? Dis-le-moi rapidement, et laisse-moi tranquille.

         - Eh bien...
    hésita-t-elle.
        
    - Crache le morceau, Rosalie. Tu as dix secondes.

         - Je pense que tu devrais rentrer à la maison,
    dit-elle hâtivement.
    J’en ai marre qu’Esmée soit en deuil et que Carlisle ait cessé de rire. Tu devrais avoir honte de ce que tu leur as fait. Tu manques à Emmett en permanence, et ça m'énerve. Tu as une famille. Grandis et pense à autre chose qu’à toi-même.
          - Conseil intéressant, Rosalie. Laisse-moi te raconter une petite histoire sur un hôpital qui se moquait de la charité...

          - Moi, je pense à eux, contrairement à toi. Tu te fiches même de savoir combien tu as blessé Esmée ? Elle t’aime plus que nous tous, et tu le sais bien. Reviens à la maison.

          Je ne répondis pas.
        
    - Je pensais qu’une fois que toute cette histoire à Forks serait finie, tu t’en remettrais.
         - Forks n’a jamais été le problème, Rosalie,
    dis-je essayant d’être patient.
         Ce qu’elle avait dit sur Esmée et Carlisle avait touché ma corde sensible.
         - Ce n’est pas parce que Bella - il m’était difficile de dire son nom à voix haute -
    a déménagé en Floride que cela veut dire que je suis capable... Ecoute, Rosalie. Je suis vraiment désolé, mais crois-moi, personne ne sera plus heureux si je suis là-bas.

         - Hmm...

          Et voilà, cette hésitation nerveuse une nouvelle fois.
        
    - Qu’est ce que tu ne me dis pas, Rosalie ? Est ce qu'Esmée va bien ? Est ce que Carlisle -

         - Ils vont bien. C’est juste... eh bien, je n’ai pas dit que Bella avait déménagé.

         Je ne parlai pas. Je déroulai notre conversation dans ma tête. Si, Rosalie avait bien dit que Bella avait déménagé. Elle avait dit : "tu nous as seulement demandé de rester loin de Bella n’est pas ? Le reste de Forks ne compte pas." Puis : "Je pensais qu’une fois que cette histoire à Forks serait finie..." Donc Bella n’était pas à Forks. Que voulait-elle dire, Bella n’avait pas déménagé ?
          Puis Rosalie expédia ses mots une nouvelle fois, les prononçant avec colère cette fois.

          - Ils ne voulaient pas que je te le dise, mais je pense que c’est stupide. Plus vite tu t’en remettras, plus vite les choses reviendront à la normale. Pourquoi te laisser te morfondre dans les coins sombres du monde quand ça ne sert plus à rien ? Tu peux revenir à la maison maintenant. Nous pouvons de nouveau être une famille. C’est fini.
         Mon esprit semblait bloqué. Je n’arrivais pas à déchiffrer ses paroles. C’est comme si il y avait quelque chose de particulièrement évident qu’elle était en train de me dire, mais je ne savais pas du tout ce dont il s’agissait. Mon cerveau jouait avec l’information, créant des formes bizarres. Sans aucun sens.

         - Edward ?
         - Je ne comprends pas ce que tu es en train de dire, Rosalie.
         Une longue pause, longue de quelques battements de cœur humain.

          - Elle est morte, Edward.
          Une pause encore plus longue.
          - Je suis... désolée. Pourtant, tu as le droit de savoir, je pense. Bella... s‘est jetée du haut d’une falaise il y a deux jours. Alice l’a vue, mais il était trop tard pour faire quoi que ce soit. Je pense qu’elle aurait aidé, brisé sa promesse, si il y avait eu assez de temps. Elle est retournée là-bas pour faire ce qu’elle pouvait pour Charlie. Tu sais qu’elle l’a toujours beaucoup aimé -
         Le téléphone se coupa. Il me fallut quelques secondes pour réaliser que j’avais pressé le bouton pour l’éteindre.
         Je m'assis dans l’ombre poussiéreuse pendant un long moment, le temps se figea. Comme s'il s’était arrêté. Comme si l’univers s’était arrêté.

         Doucement, me mouvant comme un vieillard, je rallumai mon téléphone, et composai le numéro que je m’étais promis de ne jamais rappeler.

         Si elle était là, je raccrocherais. Si c’était Charlie, j’obtiendrais l'information dont j’avais besoin grâce à un subterfuge. Je prouverais à Rosalie que sa petite blague malsaine n’avait pas fonctionné, puis je retournerais à mon vide.

         - Résidence Swan, répondit une voix que je n’avais jamais entendue.
         La voix d’homme était rauque, profonde, mais toutefois jeune.

         Je ne fis aucune pause pour penser à ce que cela impliquait.
          - C’est le Dr. Carlisle Cullen, dis-je, imitant parfaitement la voix de mon père.
    Puis-je parler à Charlie ?
          - Il n’est pas là,
    répondit la voix, et je fus faiblement surpris par la colère qu’elle contenait. Les mots avaient presque été aboyés. Mais ça n’avait pas d’importance.
         - Et où se trouve-t-il ? demandai-je, impatient.
         Il y eut une courte pause, comme si l’étranger refusait de me donner l’information.
         - Il est à l’enterrement, lâcha le garçon.

         J'éteignis le téléphone.


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  • Note de Stephenie Meyer :
    C'est la partie la plus grosse que j'ai coupé de Tentation, il s’agit de la plupart du chapitre six d'origine (Amitié), plus sept petites scènes qui continuent l'histoire de la "Bourse d'étude" tous au long du roman, jusqu à la fin.
    Je pensais que ce serait quelque chose d'amusant, mais mes éditeurs n étaient pas d'accord.
    Ce n'était pas essentiel, donc je les ai sacrifiés sur l'autel de l'édition.

    Scène 1 : le jour suivant le soir où Bella est allé voir le film sur les zombies avec Jessica :

         Phoenix me manquait toujours, en de rares occasions, quand quelque chose m'embêtait. Maintenant, par exemple, alors que je me dirigeais vers la Banque Fédérale de Forks pour y déposer mon salaire.      Que n’aurais-je pas donné pour utiliser un distributeur de billets pour les voitures. Ou pour au moins avoir un inconnu derrière son bureau.
         - Bonjour, Bella, me salua la mère de Jessica.
         - Bonjour, Madame Stanley.
         - C'est bien que tu soies sortie avec Jessica hier soir. Ca faisait bien longtemps.
         Elle me faisait la conversation, souriant pour paraître plus amicale. Quelque chose dans mon expression devait être mort, parce que tout d'un coup le sourire se figea, et elle se tordait nerveusement les mains, alors qu’une minute plus tôt elles étaient croisées; ses cheveux étaient aussi bouclés que ceux de Jessica et arrangés en de vaporeuses boucles souples.
         Je lui souris aussi, réalisant que je le faisais quelques secondes trop tard. Mes reflexes étaient rouillés.
         - Oui, dis-je d'une voix que j’espérais sociable. J'ai été très occupée, vous savez. Le lycée, ... le travail...
    Je faisais un effort pour trouver quelque chose à rajouter dans ma courte liste, mais j'eu un blanc.
         - Bien sûr, elle souriait plus chaleureusement, certainement ravie que ma réponse semble tout à fait normale et bien équilibrée.
         Soudain il m'apparut que je ne pourrai pas sourire quand je connaîtrais ce qui se cachait derrière son sourire. Qui sait ce que Jessica était allée lui raconter pour hier soir. Quoi que cela puisse être, ce ne serait absolument pas fondé. J'étais la fille de l'ex épouse excentrique de Charlie - la folie devait être héréditaire. Ancien membre du groupe de monstres de la ville; je laissai tomber cette idée rapidement en tressaillant. Récente victime d'un coma éveillé. J'estimai qu'il y avait assez de bonnes raisons pour justifier ma folie, sans parler des voix que j'entendais maintenant, et je me demandais si Mme Stanley était réellement en train de penser ça.
         Elle dû voir ma réflexion dans mes yeux. Elle détourna rapidement les yeux, vers la fenêtre derrière moi.
        - Le travail répétai-je, attirant son attention en posant mon chèque sur le comptoir. C'est la raison pour laquelle je suis là, bien sûr.
         Elle sourit à nouveau. Son rouge à lèvres se fendillait à mesure que la journée avançait, et il était clair qu'elle s'était redessiné des lèvres plus pleines qu'elles ne l'étaient à l'origine.
         - Comment vont les choses chez les Newton? me demanda-t-elle brièvement.
         - Bien, la saison s'annonce bonne, répondis-je automatiquement, en pensant qu'elle passait près du  parking de la Quincaillerie d'Olympique plusieurs fois par jour et qu'elle avait dû voir des voitures peu familières. Elle devait connaître les fluctuations du commerce de la randonnée mieux que moi.
         Elle acquiesça d'un air absent alors qu'elle pianotait sur le clavier de l'ordinateur en face d'elle. Mes yeux déambulèrent sur le comptoir marron foncé avec ses lignes d'un orange chatoyant, très années soixante-dix, qui décoraient les bords. Un gris plus neutre s'étendait sur les murs et la moquette, le comptoir restait l'élément de décor original du bâtiment.
         - Humm. Le murmure de Mme Stanley était beaucoup plus aigu que d'ordinaire. Je jetai un coup d'œil, seulement à moitié intéressée, et espérai que c'était une araignée sur le bureau, qui l'avait effrayée.
    Ses yeux étaient rivés sur l'écran de l'ordinateur. Maintenant, ses doigts étaient inactifs, elle était surprise et mal à l'aise. J'attendais, mais elle ne dit rien d'autre.
         - Il y a un problème? Les Newton m’avaient-ils fait un chèque sans provision?
         - Non, non bredouilla-t-elle rapidement, me regardant avec une étrange lueur dans les yeux. Elle semblait réprimer une quelconque excitation. Elle me rappelait Jessica, quand elle avait un nouveau potin qu'elle ne pouvait pas s'empêcher de partager.
         - Est-ce que tu veux que je t'imprime ton solde? me demanda Mme Stanley avec impatience. Ce n'était pas dans mes habitudes - mon pécule croissait si lentement et si invariablement qu'il n'était pas difficile de faire le calcul de tête. Mais son changement de ton m'intrigua. Qu'y avait-il sur l'écran qui la fascinait?
         - Oui, approuvai-je.
         Elle appuya sur une touche et un petit document sortit rapidement de l'imprimante.
         - Et voilà. Elle tira le papier avec tellement de précipitation qu'elle le déchira en deux. Oups, je suis vraiment désolée. Elle s’agitait à son bureau, sans jamais croiser mon regard curieux, jusqu'à ce qu'elle trouve un rouleau de ruban adhésif. Elle scotcha les deux morceaux de papiers et me le tendit brusquement.
         - Heu, merci, grommelai-je. Le papier en main, je me tournai et allai vers la porte, y jetant un rapide coup d'œil pour voir quel était le problème de Mme Stanley.
    Je pensais que mon compte allait être en hausse d'environ mille cinq cent trente-cinq dollars. Je me trompais. Il n’y avait pas trente-cinq dollars, mais trente-six cinquante.
         Et il y avait aussi un bonus de vingt mille.
          Je me figeai sur place, essayant de comprendre les chiffres. Mon compte avait été augmenté de vingt milles dollars avant mon dépôt d'aujourd'hui, qui avait bien été ajouté.
         Pendant un bref instant je pensai à fermer mon compte immédiatement. Mais après avoir soupiré, je retournai vers le comptoir où Mme Stanley m'attendait gaiement, une lueur d’intérêt brillant dans ses yeux.
         - Il y a dû avoir une erreur avec l’ordinateur, Mme Stanley, lui dis-je en lui rendant le morceau de papier. Il devrait y avoir mille cinq cent trente six dollars cinquante.
         Elle sourit avec un air de conspiratrice.
        
    - Je savais que c’était un peu étrange.
         - Ça ne serait possible que dans mes rêves,
    je ris aussi. Parler aussi normalement m’impressionnait.
         Elle tapait vivement.
         - Je vois d’où vient le problème … Il y a trois semaines il y a eu un dépôt de vingt milles dollars de … humm, il semblerait que ce soit une autre banque. Je suppose que quelqu’un n’a pas pris les bons numéros de compte.
         - Qu’est ce que je risque si je soldais mon compte ? la taquinai-je.
         Elle gloussa distraitement tout en continuant à taper.
         - Humm, dit-elle à nouveau, trois rides profondes plissant son front. Il semblerait que ce transfert soit un virement. Nous n’en avons pas beaucoup de ce genre-là. Tu sais quoi ? Je vais demander à Mme Gérandy de jeter un coup d’œil … Sa voix s'estompa comme elle se détourna de l'ordinateur, et elle tendit le cou pour regarder par la porte ouverte derrière elle.
         - Charlotte, es-tu occupée ? demanda-t-elle.
         Pas de réponse. Mme Stanley n'attendit pas la réponse, et passa rapidement par la porte derrière elle pour entrer dans ce qui devait être les bureaux.
    Je scrutai la porte pendant une minute, mais elle ne réapparut pas. Je me tournai et contemplai distraitement par la fenêtre la pluie ruisseler sur la vitre. Elle dégoulinait en ruisseaux irréguliers, et elle tombait parfois en biais à cause du vent. L'attente m'évitait de remarquer les minutes s'écouler. J'essayais de laisser mon esprit vagabonder, ne pensant à rien, mais je n'avais pas l'air de revenir à cet état de semi-coma.
         Finalement, j'entendis à nouveau des voix derrière moi. Je me tournai pour voir Mme Stanley et la femme du Dr Gérandy entrer dans la pièce avec le même sourire poli sur leur visage.
         - Désolée pour tout ça, Bella, dit Mme Gérandy, je devrais pouvoir éclaircir ceci avec un petit coup de fil. Tu peux attendre si tu veux. Elle désigna une rangée de chaises en bois contre le mur. Elles avaient l'air d'appartenir à la salle à manger de quelqu'un.
         - Ok, approuvai-je. Je me dirigeai vers les chaises et m'assis en plein milieu de la rangée, souhaitant subitement avoir un livre. Je n'avais rien lu depuis un moment, excepté pour le lycée. Et quand par hasard, certaines histoires d'amour ridicules faisaient partie du programme d'études, je trichais en utilisant un guide de notes. J'étais soulagée d'étudier La Ferme des Animaux désormais. Pourtant, il y avait bien d'autres bons livres. Les thrillers politiques. Les meurtres non élucidés. Les meurtres macabres ne posaient aucun problème, tant que l'intrigue secondaire n'était pas fleur bleue et romantique.
         L’affaire s’éternisa et je commençai à m’énerver. J'en avais assez de l'ennuyeuse pièce grise, sans une seule image pour rehausser les murs vides. Je ne pouvais qu'observer Mme Stanley brasser une pile de papiers et faisant une pause de temps en temps pour entrer quelque chose dans l'ordinateur - elle leva les yeux vers moi une fois, et quand elle croisa mon regard, elle semblait mal à l'aise et fit tomber un dossier. Je pouvais entendre la voix de Mme Gérandy, un murmure à peine audible filtrant de la pièce du fond, mais il n'était pas difficile de comprendre qu'elle avait menti sur la longueur de l'appel. C’était si long que l'on pouvait s'attendre à ce que mon esprit sombre, et si ça ne se terminait pas très vite, je ne pourrais plus rien faire. Je devais réfléchir. Je paniquai légèrement, essayant de trouver un sujet décent auquel je pourrais penser.
         Le retour de Mme Gérandy me sauva. Je lui souris avec gratitude, alors qu'elle passait la tête par la porte, ses épais cheveux blancs attirant mon regard pour la première fois.
         - Bella, voudrais-tu bien venir? demanda-t-elle, et je réalisai qu'elle avait le téléphone contre son oreille.
         - Bien sûr, marmonnai-je alors qu'elle disparaissait.
         Mme Stanley dû ouvrir le portillon au bout du comptoir pour me laisser entrer. Elle sourit distraitement, elle ne croisait toujours pas mon regard. J'étais absolument certaine qu'elle était en train d'envisager un moyen pour écouter aux portes.
         Je songeai à quelques solutions possibles alors que je me hâtais d'aller vers le bureau. Quelqu'un avait blanchi de l'argent avec mon compte. Ou peut-être que Charlie touchait des pots-de-vin et j'étais sa couverture. Qui avait assez d'argent pour soudoyer Charlie, après tout? Peut-être que Charlie appartenait à la pègre, touchait des pots-de-vin et utilisait mon compte pour blanchir de l'argent. Non, je ne pouvais pas imaginer Charlie dans la pègre. C'était peut-être Phil. Connaissais-je bien Phil, après tout?
         Mme Gérandy était toujours au téléphone, et elle me montra du menton une chaise pliante en métal devant son bureau. Elle griffonnait précipitamment quelque chose au bas d'une enveloppe. Je m’assis en me demandant si Phil avait un sinistre passé, et si j'allais finir en prison.
         - Merci, oui. Et bien, je pense que ce sera tout. Oui, oui. Merci beaucoup pour votre aide. Mme Gérandy adressa un sourire inutile à son interlocuteur avant de raccrocher. Elle n'avait pas l'air en colère ni même menaçante. Plutôt excitée et confuse. Cela me rappela Mme Stanley dans le couloir. Pendant une seconde je caressai l'idée de franchir la porte d'un bond et de l'effrayer.
         Mais Mme Gérandy se mit à parler.
         - Et bien, je pense que j'ai une excellente nouvelle pour toi ... bien que je ne puisse pas imaginer que tu n'aies pas été informée de ça. Elle me fixait d'un air grave, comme si elle attendait que je me tape le front en disant Oh, ces vingt milles dollars LÀ! Ça m'était complètement sorti de la tête!
          - Bonnes nouvelles? la poussai-je. Ces mots devaient signifier que ce problème était trop compliqué pour qu'elle puisse le résoudre et qu'elle avait l'impression que j'étais plus riche que nous le pensions il y a quelques minutes.
         - Bon, si tu ne sais vraiment pas ... alors toutes mes félicitations. On t'a accordé une bourse d'étude de... elle regarda ses notes la Pacific Northwest Trust.
         - Une bourse? répétai-je incrédule.
         - Oui, n'est-ce pas excitant? Mon Dieu, tu peux aller à l'université de ton choix.
        C'est à cet instant précis, alors qu'elle s'extasiait joyeusement sur ma bonne fortune, que je su exactement d'où venait l'argent. En dépit d'un soudain élan de colère, d'émotion, d'humiliation et de souffrance, j'essayai de parler calmement.
         - Une bourse de vingt mille dollars qui a été virée en liquide sur mon compte, remarquai-je Au lieu de la verser à l'école. Sans même avoir la certitude que je m'en servirais pour l'université.
         Ma réaction l'énerva. J'avais l'impression de l'avoir offensée par mes paroles.
         - Il serait vraiment imprudent de ne pas utiliser cette argent pour ce à quoi il est destiné, ma chère Bella. C'est le genre de chance qu'on n'a qu'une fois dans sa vie.
         - Bien sûr, dis-je aigrement. Et, est-ce que cette Pacific Northwest Trust a expliquée pourquoi elle m'avait choisie?
         Elle regarda ses notes une fois de plus, mon ton lui faisant légèrement froncer les sourcils.
        
    - C'est vraiment un honneur - il ne décerne pas une bourse comme celle-là tous les ans.
         - Ça, j'en mettrais ma main à couper.

         Elle me jeta un coup d'œil et regarda ailleurs promptement.
         - La banque à Seattle qui dirige la transaction m'a renvoyée vers l'homme qui gère l'allocation des bourses. Il a dit que la bourse est attribuée sur la base du mérite, le sexe de la personne et le lieu. Ça concerne les étudiantes dans les petites villes qui n'ont pas l'opportunité d'une ville plus grande.
         Il semblait que ce quelqu'un se trouvait drôle.
         - Mérite? Répondis-je avec désapprobation. J'ai une moyenne de 17. Je peux vous citer trois filles à Forks qui ont de meilleurs résultats que moi, et l'une d'elles est Jessica. Par ailleurs - je n'ai jamais fais de demande de bourse.
         Elle était vraiment énervée maintenant, prenant son stylo et le reposant encore, attrapant le pendentif qu'elle portait entre le pouce et l'index. Elle parcouru ses notes à nouveau.
         - Il n'a pas évoqué ça ...  Elle baissa les yeux vers l'enveloppe, elle n'était pas certaine de savoir comment réagir face à mon comportement. "Ils n'acceptent pas les demandes. Ils vérifient les demandes rejetées pour d'autres bourses et ils choisissent les étudiants qu'ils estiment avoir été injustement oubliés. Ils ont eu ton nom sur une demande de bourse que tu as envoyé pour une demande d'aide financière pour l'Université de Washington.
         Je senti les coins de ma bouche s'affaisser. Je ne savais pas que ma demande avait été rejetée.    C'était quelque chose que j'avais rempli il y a longtemps, bien avant ...
         Et je n'avais pas pensé à d'autres alternatives, bien que les dates limites fussent dépassées. Je n'arrivais pas à me concentrer sur mon futur. Mais l'Université de Washington était le seul lieu où je serais assez près de Charlie et de Forks.
         - Comment reçoivent-ils les demandes rejetées ? demandais-je d'une voix plate.
         - Je n'en suis pas sûre, ma chère. Mme Gérandy n'était pas contente. Elle s'attendait à de l'excitation et elle avait trouvé de l'hostilité. J'aurais souhaité lui expliquer que ma réaction négative n'était pas dirigée contre elle. Mais l'administrateur m'a laissé son numéro au cas où j'aurais d'autres questions - tu pourrais l'appeler toi-même. Je suis sûre qu'il arrivera à te convaincre que cet argent est bien pour toi.
         Je n'avais aucun doute là-dessus.
         - J'aimerais avoir le numéro.
         Elle écrivit rapidement sur un petit bout de papier déchiré. Je me mis en tête d'envoyer anonymement un bloc de post-it à la banque.
         C'était un appel longue distance.
         - Je suppose qu'il n'a pas laissé une adresse e-mail? demandai-je sans grande conviction. Je ne voulais pas faire grimper la facture de Charlie.
         - En fait, si. Elle souriait, contente d'avoir quelque chose que je voulais. Elle se pencha par dessus le bureau pour écrire une autre ligne sur mon bout de papier.
          - Merci. Je vais le contacter dès que je serais rentrée chez moi. Ma bouche formait une ligne dure.
          - Ma chère, dit Mme Gérandy hésitante.
    Tu devrais être heureuse pour tout ça. C'est une grande opportunité.
          - Je ne vais pas prendre vingt milles dollars que je n'ai pas mérité,
    répliquai-je en essayant de cacher le dégout dans ma voix.
          Elle se mordit la lèvre et baissa les yeux à nouveau. Elle aussi pensait que j'étais folle. Et bien, j'allais le lui faire dire à haute voix.
          - Quoi? demandais-je.
          - Bella ... elle s'arrêta et attendit, les dents serrées. C'est beaucoup plus que vingt mille dollars.
          - Excusez-moi?
          J'étais choquée.
         
    - Plus?
          - En fait, le paiement initial est juste de vingt mille. À partir de maintenant, tu recevras cinq mille dollars tous les mois jusqu'à la fin du lycée. Si tu t'inscris à l'université, la bourse continuera à être versée.
    En me disant ça, elle était à nouveau excitée.
          Dans un premier temps je n'arrivais plus à parler, j'étais trop furieuse. Cinq milles dollars par mois pendant une durée indéterminée. J'aurais voulu casser quelque chose.
          - Comment?" réussi-je à lâcher.
         
    - Je ne comprends pas ce que tu veux dire.
          - Comment vais-je recevoir cinq milles dollars par mois?
          - Ça sera viré sur ton compte,
    répondit-elle, perplexe.
          Il y eut un bref instant de silence.
          - Je vais clôturer mon compte maintenant, dis-je d'une voix blanche.
          Cela me prit quinze minutes pour la convaincre que j'étais sérieuse. Elle finit par me dire que mes raisons, quelles qu'elles fussent, n'étaient pas bonnes. Je discutai avec entêtement, jusqu’à ce qu'il me vienne à l'esprit qu'elle se faisait du souci pour me donner les vingt mille dollars. Est-ce qu'ils disposaient d'une telle somme?
          - Attendez, Mme Gérandy, la rassurai-je. Je veux juste retirer mes mille cinq cents dollars. J'apprécierais vraiment si vous pouviez renvoyer le reste de l'argent d'où il vient. Je vais m'arranger avec ce - Je vérifiai le papier. - Monsieur Isaac Randall. C'est vraiment une erreur.
          Elle sembla se détendre.
          Environs vingt minutes plus tard, avec une liasse de mille cinq cent dollars, un billet de vingt, un de dix, un de cinq, un de un et cinquante cents en poche, je m'enfuyais de la banque avec soulagement. Mme Stanley et Mme Gérandy se tenaient debout près du comptoir me regardant avec de grands yeux.

    Scène deux : la même soirée après avoir acheté les motos, et après avoir rendu visite à Jacob la première fois…

         Je refermai la porte derrière moi, et je sorti mon argent pour l’université de ma poche. Ça semblait bien modeste dans la paume de ma main.  Je le mis au fond d’une chaussette immettable et la rangeai au fond d’un tiroir avec mes sous-vêtements. Ce n’était sûrement pas le lieu le plus original pour cacher quelque chose, mais je m’occuperais de trouver quelque chose de plus inventif plus tard.
          Dans mon autre poche, il y avait le petit morceau de papier avec le numéro de téléphone et l’adresse e-mail d’Isaac Randall. Je le pris et le posai sur le clavier de mon ordinateur, ensuite j’appuyai sur le bouton, tapant impatiemment du pied pendant que l’écran s’éclairait.
         Quand je fus connectée, j’ouvris ma messagerie.  Je dû patienter, car il me fallut fermer une montagne de fenêtre de pubs qui avait inondé ma boîte mail durant les quelques jours où j’avais écris à Renée. J’en finissais avec ce travail laborieux, et je pus ouvrir une page vierge pour écrire un message.
          L’adresse e-mail indiquait « irandall », donc je supposais que j’allais être dirigée vers la personne concernée.
      
       
         Cher Monsieur Randall, écrivais-je,
          J’espère que vous vous souvenez de la conversation que vous avez eue cet après-midi avec Mme Gérandy de la Banque Fédérale de Forks. Mon nom est Isabella Swan et apparemment, il s’avère qu’il m’a été attribué  une très généreuse bourse scolaire de la Pacific Northwest Trust Company.
    Je suis navrée, mais je ne peux pas accepter cette bourse. J’ai déjà demandé que l’argent soit renvoyé sur le compte d’où il  venait, et clôturé mon propre compte à la Banque Fédérale de Forks. S’il vous plaît, veuillez attribuer cette bourse à une autre candidate.
    Merci. I. Swan.


         Il me fallut plusieurs essais pour que cela sonne bien – formel et explicite. Je le relu deux fois avant de l’envoyer. Je n’étais pas tout à fait certaine des instructions que Mr Randall avaient reçues à propos de cette fausse bourse, mais je ne voyais aucune alternative à ma réponse.

    Scène trois : quelques semaines plus tard, juste avant le « rendez-vous » de Bella et Jacob avec les motos…

         En rentrant, je pris le courrier sur le chemin. J’écartai rapidement les factures et les pubs, jusqu’à ce que je trouve la lettre pratiquement à la fin de la pile.
          C’était une enveloppe administrative normale qui m’était adressée – mon nom était en manuscrit, ce qui était inhabituel. Je regardai l’adresse de l’expéditeur avec intérêt.
    Intérêt qui se transforma rapidement en une nausée nerveuse. La lettre venait de la Pacific Northwest Trust, Bureau d’Attribution des Bourses. Il n’y avait pas de rue sous le nom.
          C’était sûrement juste une confirmation de mon refus, me disais-je. Il n’y avait aucune raison pour que je sois nerveuse. Aucune raison du tout, bien qu’un seul petit détail pourrait me renvoyer en bas de la spirale de zombie land. Seulement ça.
          Je déposai le reste du courrier sur la table pour Charlie, ramassai mes livres qui gisaient sur le sol du salon et me précipitai dans les escaliers. Une fois dans ma chambre, je verrouillai la porte et déchirai l’enveloppe. Je ne devais pas oublier que je devais rester en colère. La colère, c’était la solution.

       
      Chère Melle Swan,
          Permettez-moi de vous féliciter officiellement pour l’attribution de la prestigieuse bourse J. Nicholls de la Pacific Northwest Trust. Cette bourse n’est attribuée que rarement, et vous devez être fière de savoir que le Comité d’Attribution ayant retenu votre nom a fait l’unanimité pour cet honneur.
    Il y a eu quelques petites difficultés dans le versement de votre bourse, mais je vous prie de ne pas vous sentir concernée. J’ai pris sur moi de vous évitez tout désagrément. Vous trouverez ci-joint un chèque de caisse d’un montant de vingt-cinq mille dollars ; le versement initial plus le premier mois de l’allocation.
    Encore une fois je me permets de vous adresser mes félicitations pour votre bourse. Veuillez accepter tous les vœux de la Pacific Northwest Trust pour votre scolarité.
    Cordialement, I. Randall

         Pour ce qui était d'être en colère, il n'y avait aucun problème.
          Je regardai dans l'enveloppe, et bien entendu, il y avait le chèque à l'intérieur.
          - Qui sont ces gens? grognai-je les dents serrées, écrasant la lettre, d'une main, en une boule bien serrée.
          J'avançai furieusement vers ma poubelle, pour y dénicher le numéro de téléphone de Mr Randall. Peu importe que ce soit un appel longue distance, ce sera une conversation très courte.
          - C'est pas vrai! sifflai-je. La poubelle était vide. Charlie avait jeté les ordures.
          Je jetai l'enveloppe avec le chèque sur le lit et défroissai la lettre. C'était un papier à entête, en haut duquel était inscrit en vert foncé Pacific Northwest Bureau d'Attribution des Bourses, mais il n'y avait aucune autre information, ni adresse, ni numéro de téléphone.
          - Bon sang.
          Je m’assis sur le rebord de mon lit et essayai de réfléchir calmement. Apparemment ils avaient décidé de m'ignorer. J'avais pourtant été très claire, ce n'était donc pas un problème de compréhension. Ça ne ferait probablement aucune différence si je téléphonais.
          Il n'y avait donc qu'une seule chose à faire.
          Je chiffonnai de nouveau la lettre, détruisis l'enveloppe ainsi que le chèque, et dévalai les escaliers.
         Charlie était au salon, le volume de la télé fort.
          Je me dirigeai vers l'évier de la cuisine, et jetai les boules de papiers à l'intérieur. Ensuite, je farfouillai dans notre tiroir à bazar jusqu'à ce que je trouve une boîte d'allumettes. J'en allumai une, et l'insérai délicatement dans un des trous du papier. J'en allumai une autre, et fis de même. J'avais l'intention d'en allumer une troisième, mais le papier avais brûlé avec enthousiasme, ce n'était donc vraiment pas nécessaire.
          - Bella? La voix de Charlie couvrait le son de la télé.
          J'ouvrai rapidement le robinet, ressentant un sentiment d'intense satisfaction alors que la force du jet réduisait le brasier en une espèce de pâte de cendre plate et gluante.
          - Oui, Papa? je remis les allumettes dans le tiroir et le fermai rapidement.
         
    - Tu ne sens pas de la fumée?
          - Non, Papa.
          - Mmmm.
          Je rinçai l'évier, pour être certaine que toutes les cendres finiraient dans le tuyau d'évacuation, et allumai le broyeur par prudence.
          Je retournai dans ma chambre, quelque peu apaisée. Ils pourraient m'envoyer tous les chèques qu'ils voulaient pesai-je gravement. Quand je manquerai d'allumettes, je pourrais toujours en racheter.

    Scène quatre : pendant la période où Jacob l'évitait…

         Il y avait un colis sur le pas de la porte. Je le ramassai avec curiosité, m'attendant à un retour de courrier de Floride, mais il venait de Seattle. Il n'y avait aucun nom  d'expéditeur inscrit sur le côté du carton.
         C'était à moi qu'il était adressé, pas à Charlie, ainsi je le posai sur la table et je déchirai l'étiquette du carton pour l'ouvrir.
          À peine avais-je vu le logo vert foncé de la Pacific Northwest Trust que je sentis ma gastro-entérite revenir. Je m'affalai sur la chaise la plus proche sans un regard pour la lettre, ma colère grandissant lentement.
          Je ne pouvais pas me résoudre à la lire, même si ça n'avait pas été long. Je la sortis du carton, la posai en la retournant sur la table, et jetai à contre cœur un autre coup d'œil dans le carton pour voir ce qu'il y avait dedans. C'était une enveloppe bombée. J'avais peur de l'ouvrir, mais j'étais malgré tout assez en colère pour l'arracher au carton.
         Mes lèvres formaient une ligne dure alors que je l’ouvrai sans prendre la peine d'utiliser l'ouverture.    J'avais déjà assez à faire maintenant. Réminiscence et provocation étaient vraiment les dernières choses dont j'avais besoin.
          J'étais choquée, mais cependant pas surprise. Qu'est-ce que ça aurait pu être d'autre à part ça - trois grosses liasses de billets, attachées proprement par de larges bandes. Je n'avais pas besoin de regarder les coupures. Je savais exactement combien ils me forçaient à accepter. C'était trente milles dollars.
          Tout en me levant, je soulevai précautionneusement l'enveloppe, puis me retournai et la laissai tomber dans l'évier. Les allumettes étaient au fond du tiroir à bazar, exactement là où je les avais laissées la dernière fois. J'en pris une et l'allumai.
          La flamme s'approchait de plus en plus près de mes doigts alors que je fixais l'horrible enveloppe. Je ne parvenais pas à la lâcher. J'éteignis l'allumette avant de me brûler. Une grimace de dégout se dessina sur mon visage.
          Je saisis la lettre de la table, en fit une boule et la balançai dans l’autre bac de l’évier. Je grattai une autre allumette et la glissai entre les papiers, et je regardai le tout brûler avec une amère satisfaction. Un simple échauffement. Je m’emparai d’une autre allumette. Encore une fois, la tenant, elle se consumait, au-dessus de l’enveloppe. Encore une fois, je me brûlai presque les doigts avant de la jeter dans  les cendres de la lettre. Je ne pouvais pas me résoudre à brûler trente milles dollars.
          Qu’allais-je donc faire de ça ? Il n’y avait pas d’adresse où les renvoyer – j’étais pratiquement sûre que la société n’existait pas réellement.
         Puis il me vint à l’esprit que j’avais une adresse.
         Je fourrai à nouveau l’argent dans le carton, arrachant l’étiquette portant mon nom, comme ça si quelqu’un d’autre le trouvait, il serait impossible de faire le rapprochement avec moi. J’allai vers ma camionnette, râlant stupidement tous le long du trajet. Je me promis d’être particulièrement téméraire avec ma moto cette semaine.
          Je ferais quelques cascades s’il le fallait.
          Je haïssais chaque centimètre de la route alors que je m’enfonçais dans les arbres sombres, serrant les dents à en avoir mal aux mâchoires. Mes cauchemars seraient violents ce soir – je ne demandais que ça. Des fougères remplacèrent les arbres, je roulai rageusement dessus, laissant deux traces de pneus derrière moi. Je m’arrêtai devant les escaliers du porche, les gravis impassiblement.
          La maison était toujours dans le même état, tristement vide, morte. Je savais que je projetais mes propres émotions en son apparence, mais ça ne changeait en rien la façon dont je la voyais. En prenant soin de ne pas regarder par les fenêtres, je marchai vers la porte d’entrée. Je souhaitai désespérément être un zombie un instant de plus, mais ma léthargie avait pris fin.
          Je posai minutieusement le carton sur le palier de la maison abandonnée, et m’en allai.
          Je m’arrêtai en haut de la première marche. Je ne pouvais quand même pas laisser un tas de billets devant la porte d’entrée. C’était presque aussi mal que de les brûler.
          Avec un soupir, baissant les yeux, je fis demi-tour et ramassai le carton injurieux. Peut-être pourrais-je en faire don anonymement à une œuvre de charité. Une œuvre de bienfaisance pour les gens atteints de maladie du sang, ou quelque chose comme ça.
         Mais je secouai la tête en retournant vers la camionnette. C'était son argent, et bon sang, il allait le garder. Si on lui volait sous son porche, ça serait de sa faute, pas de la mienne.
         Ma fenêtre était ouverte, et au lieu de descendre de ma camionnette, je lançai simplement le carton aussi fort que possible vers la porte d'entrée.
          Je n'avais jamais su viser, et le carton brisa bruyamment la baie vitrée, laissant un trou si gros qu'on aurait dit que j'avais envoyé une machine à laver.
          - Oh, c'est pas vrai!, soupirai-je tout haut, couvrant mon visage avec mes mains.
          Ce que j'avais fais n'avait aucune importance, je le savais, je rendais juste les choses encore plus difficiles.
          Heureusement, ma colère reprit le dessus. C'était de sa faute, me répétai-je. Je lui rendais simplement ce qui lui appartenait. S'il devait faire cette réparation, ça serait son problème.
          Par ailleurs, le bruit du verre brisé était plutôt agréable - je me sentais un peu mieux d'une façon perverse.
          Je n’étais pas vraiment convaincue, mais je démarrai la camionnette, passai une vitesse et m'en allai.  C'était si proche que je pouvais revenir prendre l'argent où il reposait. Et maintenant, j'avais un endroit approprié pour laisser le colis du mois prochain.
          C'était le mieux que je pouvais faire.
          J'y repensai, une demi heure plus tard quand je fus à la maison. Je me dirigeai vers le bottin pour chercher un vitrier, mais il n'y avait aucun témoin qui puisse m'aider. Comment allais-je justifier l'adresse?  Est-ce que Charlie devrait m'arrêter pour vandalisme?

    Scène cinq : la première nuit où Alice est revenue après qu'elle aie vu Bella "se suicider"...

          - Jasper n'a pas voulu t'accompagner?
          - Il n'approuvait pas que j'intervienne.

          Je reniflai.
          - Tu n'es pas la seule.
          Elle se raidit, puis se détendit.
          - Est-ce que ça a un rapport avec le trou dans la baie vitrée de ma maison et le carton rempli de billets de mille dollars sur le sol du salon?
          - Assurément, dis-je avec colère.
    Désolé pour la fenêtre. C'était un accident.
          - C'est souvent le cas avec toi. Qu'a-t-il fait?
          - Quelque chose appelé la Pacific Northwest Trust m'a attribué une très étrange et très persistante bourse d'étude. Ce n'était rien de plus qu'une couverture. Je veux dire, je pense qu'il ne voulait pas que je sache que c'était lui, mais j'espère qu'il n'imaginait pas que je serais aussi naïve.
          - Et bien, quel gros tricheur,
    murmura Alice.
         
    - Exactement.
          - Et il me disait de ne pas t'épier.
    Elle secouait la tête avec irritation.

    Scène six : Avec Edward, la nuit après l'Italie, dans la chambre de Bella…


          - Y a-t-il une raison pour que le danger ne puisse te résister plus que moi ?
          - Le danger n'essaie pas,
    marmottai-je.
         
    - Bien sûr, il semble que tu cherchais activement le danger. À quoi pensais-tu Bella? J'ai vu dans la tête de Charlie le nombre de fois où tu as fini aux urgences ces derniers temps. T'ai-je dis que j'étais furieux contre toi?
         De sa voix paisible on percevait plus la douleur que la colère.
          - Pourquoi? Ce ne sont pas tes affaires, dis-je, embarrassée.
          - En fait, je me rappelle clairement que tu avais promis de ne rien faire de téméraire.
          Ma réponse fut prompte.
        
      - Et tu n'avais pas promis de ne plus interférer?
          - À l'époque, tu avais franchi la limite,
    me signifia-t-il avec précaution.
    J'ai respecté ma part du contrat
          - Ah, c'est comme ça? Trois mots, Edward : Pacific. Northwest. Trust
          Il releva la tête pour me regarder, il paraissait perplexe et innocent - beaucoup trop innocent. C'était peine perdue.
        
      - C'est censé me dire quelque chose?
          - C'était vraiment insultant,
    me plaignis-je.
    Tu penses que je suis aussi stupide?
          - Je ne comprends pas un mot de ce que tu dis,
    dit-il les yeux écarquillés.
          - Si tu le dis, grommelai-je.

    Scène sept : conclusion de ce fil d’Ariane : la même nuit/matin, quand ils arrivent chez les Cullen pour le vote…

         Soudainement, la fumière du porche s’alluma d’un coup, et je pus voir Esmé nous attendre sur le pas de la porte. Ses cheveux caramel ondulés étaient détachés, et elle tenait une sorte de truelle dans la main.
          - Est-ce que tout le monde est à la maison ? demandai-je avec espoir alors que nous montions les marches.
          - Oui, ils sont là. Alors qu’elle parlait, les fenêtres furent soudain pleines de lumières.
          Je regardai par la plus proche pour voir qui nous avait aperçus, mais posé sur un tabouret, un seau contenant une épaisse bouillie grise attira mon attention. Je regardai la perfection lisse du verre, et réalisai ce que faisait Esmé sous le porche avec une truelle.
        
      - Oh non, Esmé. Je suis vraiment désolée pour la fenêtre ! J’allais …
          - Ne t’en fais pas pour ça,
    m’interrompit-t-elle avec un sourire. Alice m’a raconté l’histoire, et je tiens à te dire que je ne te blâme pas d’avoir fait ça pour cette raison. Elle dévisageait son fils, qui me dévisageait.
          Je levai un sourcil. Il regardait ailleurs marmonnant quelque chose d’indistinct à propos qu’à cheval donné on ne regarde pas la bouche.


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