• Voici des photos de la maison de Bella dans Twilight :

    Rappelez-vous, je vous avais déjà présenté la maison de Bella qui était en train d'être reconstruite à l'identique à Vancouver pour les besoins du tournage de New Moon (ICI). Et bien Charlie Swan et sa fille vont très bientôt pouvoir emménager car la maison est enfin terminée. En voici des photos :


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  • Le personnage Alice Cullen

    Nom complet : Mary Alice Brandon Cullen
    Taille : 4'10"
    Age : 19 ans : âge humain / 109 ans : âge vampire
    Lieux de vie : Forks, Washington, Biloxi, Mississippi
    Cheveux : Noir
    Yeux : vampire : or/noir
    Peau : Très pale
    Talent particulier : Peut voir l'avenir
    Modifiée par : Un travailleur de la santé mentale
    Hobbies : Shopping
    Biographie/Histoire :  Alice connait de nombreux soucis, sans son existence "humaine", à savoir qu'elle vît dans de piètres conditions, dont elle ne se souvient que très peu, juste la vague impression d'avoir été aveugle et impuissante face à cette existence. Elle n'apprendra que plus tard avoir été sequestrée par l'agresseur de Bella, officieusement son "créateur". Et surcoît, avoir vécue dans un asile psychiatrique. Alice "né" dans les années 20, à une date inconnue, des lors agée de 19ans, Alice doit faire face seule à son problème d'identité, le fait qu'elle soit vampire, immortelle, et qui plus est... seule. Elle vit assez mal les 20 premières années de son existence, parcourant de nombreux pays, en quète de réponses, essayant au maximum de ne pas avoir à recourire à la "chair humaine", et à ne pas tisser de liens avec les gens "normaux"...
    Après ce cap décisif de son existence, ou elle apprend à se connaître et à se maitriser, elle prend connaissance, d'autres personnes "comme elle", partout dans le monde, et décide donc de partir en quète.. Dans laquelle, elle apprendra non seulement l'existence de son "don", mais aussi, la séparation en deux catégories de vampires.. Les semblables à elle, et les "autres".. .Qu'elle veillera soigneusement à éviter pendant ses voyages.
    Premièrement chamboulée par son don de vision, Alice a assez de mal à faire face, ce qui la rendra assez fragile émotionellement, à savoir qu'elle ne comprend pas ce qui lui arrive à chaque "démonstration" de son don, et qu'elle reste parfois inconsciente à leurs suites. Par chance, après un chemin parssemé d'embûches, son chemin croisera celui d'Edward, qui la menera à son clan, à sa future famille, les Cullen. Chez lesquels, elle conduira quelques années plus tards, son alter-ego, son double... Jasper.
    Dans sa vie chez les Cullen, Alice, est la petite troisième, residant à Forks depuis peu, elle est l'une des seules, ou des premières, à avoir toujours soutenue Bella, et l'une des seules qui l'accepte réelement, ou du moins, qui lui démontre une quelconque attention.
    Autres caractéristiques :  "La petite, mince à l'extrême, fine, rappelait un lutin. Ces cheveux noir corbeau coupés très courts pointaient dans toutes les directions. [...] Elle se leva de ses grandes enjambées rapides et élégantes qui n'appartiennent qu'aux mannequins [...] sa démarche gracile de danseuse." Fascination



    Interprétée par l'actrice Ashley Greene


    Vrai nom : Ashley Michele Greene
    Surnom : Asher, Chewy (bear)
    Date de naissance : 21 février 1987
    Signe astrologique : Poisson
    Nationalité : Américaine
    Métier : Actrice
    Taille : 1.65 m (5'5")
    Poids : Inconnu

    Ashley est née à Jacksonville, Floride de Joe et Michele Greene. A l'âge de dix-sept ans, elle est graduée du lycée en avance, et déménage à Los Angelos, Californie pour poursuivre une carrière d'actrice. Ashley a un frère, Joe, qui vit toujours avec ses parents.

    Où lui écrire ?

    Ashley Greene
    McKeon-Myones Management
    3500 Olive Avenue
    Suite 770
    Burbank, CA 91505-5527
    USA


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  • - Puis-je juste te demander une dernière chose ? entama-t-elle au lieu de répondre à ma demande.
    
    J’étais tendu, anxieux d’entendre la suite. Et pourtant, combien il était tentant de prolonger ce moment. Avoir Bella avec moi, de son plein pour quelques secondes supplémentaires. Je soupirai devant le dilemme.

    - Juste une.
    - Eh bien...
    Elle hésita durant un court moment, comme si elle se demandait quelle question poser.
    - Tu as dit que tu savais que je n’étais pas rentrée dans la librairie, et que j’étais allée vers le sud. Je me demandais juste comment as-tu fait pour le savoir?
     
   
    Je regardai à travers la fenêtre. Voilà une autre question qui ne révélait rien de ses suppositions, et beaucoup trop sur moi.

        - Je pensais qu’on avait dépassé le stade où tu te défilais ? dit elle, la voix pleine de sarcasme et de déception.
        Quelle ironique. Elle-même se défilait sans même le savoir.

        Eh bien, elle voulait que je sois direct. Et cette conversation ne menait à rien de toute façon.

        - Très bien, tu l’auras voulu,
    dis-je. Je t’ai flairée.

       
    Je voulus regarder son visage, mais j’avais peur de ce que j’allais y voir. A la place, j’écoutai sa respiration s’accélérer puis se stabiliser. Elle parla de nouveau après un moment, et sa voix fut plus contrôlée que je ne l’aurais cru.


        - Et puis, tu n’as pas répondu à l’une de mes premières questions...
    dit-elle.
        Je la regardai, fronçant les sourcils. Elle ne bougeait plus.
      
      - Laquelle ?

        - Comment ça marche – pour lire dans les pensées ?
    demanda-t-elle, réitérant sa question du restaurant.
    Est-ce que tu peux lire les pensées de tout le monde, partout ? Comment fais-tu ? Est-ce que le reste de ta famille...?”
    Elle enchaîna tout, rougissant de nouveau.

        - Ça fait plus qu’une question, dis-je.
    
    Elle me regarda, attendant ses réponses.
    
    Pourquoi ne pas tout lui dire ? Après tout, elle avait deviné une grande partie, et c’était un sujet plus facile que celui qui allait suivre.
   

    - Non, je suis le seul. Et je ne peux pas entendre tout le monde partout. Je dois être assez près. Plus la voix est... familière, plus je peux l'entendre de loin. Mais pas plus que quelques kilomètres.
    J’essayai de penser à un moyen de le décrire pour qu’elle puisse comprendre. Une analogie à laquelle elle pourrait s'accrocher.
    - C’est un peu comme être dans un grand hall rempli de gens qui parlent tous en même temps. C’est un brouhaha – des voix en arrière-plan. Il faut que je me concentre sur une voix, et ce que cette personne pense devient clair. La plupart du temps, j’éteins tout – c'est très perturbant sinon. Et puis c’est plus facile de me comporter normalement ainsi
    (Je grimaçai) quand je réponds aux mots des gens plutôt qu'à leurs pensées.

        - À ton avis, pourquoi ne peux-tu pas m’entendre?”
    demanda-t-elle.

        J’allais lui dire la vérité grâce à une autre analogie.
   
         - Je ne sais pas, admis-je. Ma seule supposition c’est que ton esprit ne fonctionne pas comme ceux des autres. Comme si tu était sur ondes courtes alors que je ne capte que les ondes longues.
        Je réalisai qu’elle n’aimerait pas cette analogie là. L'anticipation de sa réaction me fit sourire. Elle ne me déçut pas.
     
        - Mon esprit ne fonctionne pas correctement ? demanda-t-elle, la voix remplie de chagrin. Est-ce qu’il y a un problème avec moi ?
          Ah, encore l’ironie.

         - Je lis dans les pensées, et tu penses que tu as un problème.
         Je ris. Elle comprenait les moindres petits détails, et pourtant, les choses évidentes lui échappaient. Elle avait de mauvais instincts...
     
    Bella mordillait ses lèvres, et le creux entre ses yeux se plissa.

         - Ne t’inquiète pas, la rassurai-je. C’est juste une théorie...
        
    Et il y avait une théorie bien plus importante dont nous devions discuter. J’étais anxieux d’en finir.  Chaque seconde qui passait me semblait de plus en plus comme la dernière.
   
         - Ce qui nous ramène à toi, dis-je, divisé en deux, anxieux et réticent.
   
         Elle poussa un soupir, mordant toujours sa lèvre - je me demandai si allait se faire mal. Elle fixa mes yeux, le visage crispé.

       
         - Est-ce que tu te défiles ?
    dis-je doucement.
   
         Elle baissa le regard, luttant avec elle même. Soudainement, elle ouvrit grand les yeux. La peur s’inscrivit sur son visage pour la première fois.

         - Oh mon Dieu ! hurla-t-elle.
         Je paniquai. Qu’avait-elle vu ? Comment l’avais-je effrayée ?
         Puis elle lança

         - Ralentis !
         - Qu’est ce qui ne va pas ?
     
        Je ne comprenais pas d’où venait sa terreur.
         - Tu roules à 160 kilomètres heure ! hurla-t-elle.
        
    Elle jeta un regard par la fenêtre, en direction des arbres sombres qui filaient sur le côté. C’était ça, un petit peu de vitesse qui l’avait terrorisée ?
         Je levai les yeux au ciel.

         - Relax, Bella.”
         - Est-ce que tu essaies de nous tuer ?
    demanda-t-elle, sa voix haute et aiguë.
         - On ne va pas avoir d’accident,
    lui promis-je.
         Elle reprit sa respiration puis dit un peu plus fort.

         - Pourquoi vas-tu si vite ?
         - Je conduis toujours ainsi.
        
    Je rencontrai son regard, amusé par son expression choquée.
         - Garde tes yeux sur la route, me cria-t-elle.
         - Je n’ai jamais eu d’accidents, Bella. Je n’ai même jamais eu d’amendes.
        
    Je lui fis une grimace en me touchant le front. Cela fut encore plus drôle - l’absurdité de pouvoir lui faire une blague sur un sujet aussi secret et bizarre.
         - J’ai un détecteur de radar intégré.
         - Très drôle,
    dit-elle sur un ton sarcastique, sa voix plus effrayée qu'énervée.
         - Charlie est un flic, tu te souviens ? J’ai le code de la route dans le sang. Et puis, si tu écrasais ta petite Volvo contre un tronc d’arbre, tu t’en sortirais probablement indemne.
         - Probablement,
    répétai-je, riant sans humour.
         Oui, nous nous en sortirions différemment dans un accident de voiture. Elle avait raison d’avoir peur, malgré ma conduite...

         - Mais toi non.
         En soupirant, je réduisis la vitesse de la voiture.
         - Contente ?
         Ses yeux se fixèrent sur le compteur.
         - Presque.
        
    C’était encore trop rapide pour elle ?
         - Je déteste conduire lentement, murmurai-je, laissant l’aiguille s'abaisser un peu plus.
         - C’est lent pour toi, ça ?
    demanda-t-elle.
         - Assez de commentaires sur ma façon de conduire, dis-je impatiemment.
        
    Combien de fois avait-elle éludé ma question ? Trois ? Quatre ? Ses spéculations étaient-elles si horribles ? Je devais le savoir – immédiatement.
         - J’attends toujours ta dernière théorie.
         Elle mordilla ses lèvres une fois de plus, et son expression passa de l’embarras à la douleur.
         Je retins mon impatience, adoucissant ma voix. Je ne voulais pas qu’elle soit anxieuse.

         - Je ne rigolerai pas,
    promis-je, espérant que seul l'embarras l'empêchait de parler.
         - J'ai un peu peur que tu sois énervé après moi,
    murmura-t-elle.
        
    Je m'efforçai de garder une voix neutre.
         - Est-ce si horrible ?
         - Je crois que oui.
        
    Elle baissa le regard, refusant de rencontrer mes yeux ; les secondes défilaient.
         - Vas-y, l’encourageai-je.
        
    Sa voix était très basse.
         - Je ne sais pas par où commencer.
         - Pourquoi ne commences-tu pas par le début ?
        
    Je me souvins de ce qu’elle avait dit pendant le dîner.
         - Tu as dit que tu n’avais pas trouvé cette théorie seule.
         - C’est vrai,
    acquiesça-t-elle, puis le silence revint.
         Je pensai à ce qui avait pu l’inspirer.

         - Qu’est-ce qui t’as mise sur la voie – un livre ? Un  film ?
        
    J’aurais dû fouiller dans ses collections lorsqu’elle n’était pas chez elle. Je ne savais pas si Bram Stoker ou Anne Rice en faisait partie...
         - Non, rajouta-t-elle. C’était samedi à la plage.
        
    Je ne m’attendais pas à ça. Les rumeurs locales qui nous concernaient n’avaient jamais rapporté de faits trop étranges – ou trop précis. Y avait-il une nouvelle rumeur que j’avais loupée ? Bella me regarda rapidement, découvrant la surprise sur mon visage.
         - Je suis tombée sur un vieil ami de la famille, Jacob Black,
    continua-t-elle. Son père et Charlie sont amis depuis que je suis bébé.
        
    Jacob Black – le nom ne m’était pas familier, et pourtant me rappelait quelque chose... il y a longtemps... Je regardai à travers la fenêtre, cherchant à travers mes souvenirs pour établir une connexion.

         - Son père est un des Anciens de la tribu Quileute, dit-elle.
         Jacob Black. Ephraïm Black. Sans doute un descendant.
         Ça n'aurait pas pu être pire.
         Elle connaissait la vérité.
         Mon esprit se perdit en suppositions tandis que la voiture se perdait dans les virages, mon corps crispé par l’angoisse – immobile, à part un léger mouvement pour conduire la voiture.
         Elle connaissait la vérité.
         Mais... elle l’avait apprise samedi... donc elle l’avait su toute la soirée... et pourtant...

         - Nous sommes partis nous balader,
    continua-t-elle. Et il me racontait de vieilles légendes, pour me faire peur, je suppose. Il m’en a raconté une sur...
         Elle s'arrêta, mais son hésitation ne servait à rien. Je savais ce qu’elle allait dire. Le seul mystère qui persistait était de savoir pourquoi elle restait avec moi maintenant.
         - Continue,
    lui dis-je.

         - Sur les vampires.
        
    Elle souffla ces mots dans un murmure.
         D’une certaine façon, c’était pire que de savoir qu’elle savait, l’entendre prononcer ce mot à voix haute. Je frémis à ce son, puis repris le contrôle.

         - Et tu as immédiatement pensé à moi ?
    lui demandai-je.
         - Non. Il a mentionné ta famille.
         Comme c’était ironique que la propre descendance d’Ephraïm viole le traité que lui-même avait instauré. Son petit-fils, ou arrière-petit-fils peut-être. Combien d’années avaient passé ? Soixante-dix ?
         J’aurais dû me rendre compte que ce ne serait pas les vieux hommes qui croyaient aux légendes qui poseraient un problème. Bien sûr, la jeune génération – ceux qui auraient été prévenus, mais qui riaient des anciennes superstitions – bien sûr c’est de là que viendrait le danger.
         Je supposais que cela signifiait que je pouvais désormais m’attaquer à la petite tribu sans défense.
          Ephraïm et sa troupe de protecteurs étaient tous morts…

         - Il a juste pensé que c’était une superstition débile,
    dit Bella, sa voix pleine d'anxiété. Il ne pensait pas que j’y croirais.
        
    Du coin de l’œil, je la voyais se tordre les mains.

         - C’était ma faute, en fait,
    dit-elle après une courte pause, baissant la tête comme sous le poids le la honte. Je l’ai forcé à me le dire.
         - Pourquoi ?
         I
    l m’était plus facile de contrôler ma voix maintenant. Le pire était derrière moi. Alors que nous parlions des détails de cette révélation, nous éludions les conséquences.

         - Lauren a dit quelque chose à propos de toi – elle essayait de me provoquer.
        
    Elle fit une grimace. J’étais un peu perturbé, me demandant comment Bella pouvait se sentir provoquée par quelqu’un qui parlait de moi...
         - Un garçon plus âgé de la tribu a dit que ta famille ne venait pas à la réserve, mais on aurait dit qu’il disait quelque chose d’autre. Donc j’ai isolé Jacob, et je l’ai piégé.
        
    Sa tête se baissa encore un peu plus en admettant cela. Son expression ressemblant à de la... culpabilité.
         Je tournai mon regard, puis ris à pleine voix. Elle se sentait coupable. Qu’avait-elle pu faire pour mériter ce sentiment ?

         - Tu l’as piégé comment ?
    demandai-je
         - J’ai essayé de la draguer – ça a marché, et bien mieux que je ne l'espérais,
    expliqua-t-elle, sa voix incrédule devant le succès.
         Je pouvais déjà imaginer – considérant l’attraction qu’elle déclenchait chez tous les hommes, complètement inconsciemment – combien elle devait être irrésistible quand elle essayait d'être attrayante. J'éprouvais soudain une vague de pitié pour ce jeune garçon, sur lequel elle avait lâché un tel potentiel.

         - J’aurais aimé voir ça,
    dis-je, en proie à l'humour noir.
        
    J’aurais aimé voir les réactions de ce jeune garçon, être témoin de cette déchéance.
         - Et tu m’accuses d’éblouir les gens – pauvre Jacob Black.
         J
    e n’étais pas énervé après lui, la source de mon exposition, comme je pensais l’être. Il ne savait pas.  Et comment pouvais-je attendre de quelqu’un qu’il repousse cette fille? Non, j’avais juste de la sympathie pour tous les dégâts qu’elle avait dû occasionner à sa tranquillité d'esprit.
         Je sentis qu’elle rougissait, la chaleur émanait de ses joues. Je lui jetai un regard, elle regardait par la fenêtre. Elle ne parlait pas.

         - Qu’as tu fait après ?
        
    Il était temps de retourner à l’histoire d'horreur.
         - J’ai fait quelques recherches sur Internet.
        
    Toujours pratique.
         - Est-ce que ça t’a convaincue ?
         - Non,
    dit-elle. Rien ne correspond. Ce sont des bêtises pour la plupart. Et puis –
        
    Elle s'arrêta de nouveau, et j’entendis ses mâchoires se verrouiller.

         - Quoi ? demandai-je.
        
    Qu’avait-elle trouvé ? Est ce que ce cauchemar avait pris un sens pour elle ?
         Il y eut une courte pause, puis elle chuchota :

         - J’ai décidé que ça n’avait pas d’importance.
        
    Le choc gela mes pensées pendant une demi-seconde, puis je me ressaisis. Je vis clairement pourquoi elle avait quitté ses amies ce soir au lieu de s’échapper avec elles. Pourquoi elle était montée en voiture avec moi au lieu de partir en courant, appelant la police...
         Ses réactions étaient toujours mauvaises – totalement mauvaises. Elle attirait le danger. Elle l’invitait.

    - Pas d’importance ?
    fis-je les dents serrées, plein de rage.
         Comment pouvais-je protéger quelqu’un de si... si... si déterminé à ne pas l’être.

         - Non,
    dit-elle d’une voix basse et inexplicablement tendre. Ça n’a pas d’importance pour moi.
        
    Elle était impossible.

         - Tu t’en fiches que je sois un monstre ? Que je ne sois pas humain ?
         - Oui.
         Je la regardai pour m’assurer qu’elle avait tous ses esprits.
         Je suppose que je pourrais m’arranger pour qu’elle ait les meilleurs traitements possibles... Carlisle avait des relations avec les meilleurs médecins, les psychiatres les plus talentueux.  Peut être que quelque chose pouvait être fait pour réparer ce qui n‘allait pas chez elle, ce qui faisait qu’elle pouvait rester assise à côté d’un vampire, avec un rythme cardiaque stable. Je surveillerais l’institut, et lui rendrais visite aussi souvent que possible...
         - Tu es énervé. Je n’aurais rien dû dire.
         Comme si le fait qu’elle me cache ce genre de choses allait nous aider elle comme moi.
         - Non. Je préfère savoir ce que tu penses – même si c’est quelque chose de complètement fou.
         - Alors, j’ai encore tort ?
    demanda-t-elle, légèrement agressive.
         - Ce n’est pas ce que j’ai dit !
         
    Mes dents s’entrechoquèrent.
         - Ça n’a pas d’importance !
    répétai-je, blessé.
         Elle sursauta.

         - J’ai raison ?
         - Est-ce que c’est important ?
    contrai-je.
        
    Elle prit une grande inspiration. J’attendais sa réponse, énervé.
         - Pas vraiment, dit-elle, la voix calme une nouvelle fois. Mais je suis curieuse.
        
    Pas vraiment. Ça  n’avait pas d’importance. Elle s’en moquait. Elle savait que j’étais inhumain, un monstre, et ça ne la dérangeait pas.
         Mis à part mes interrogations sur sa santé mentale, je commençais à me sentir plein d’espoir. J’essayai de ne pas y penser.

         - Curieuse de quoi ? demandai-je.
        
    Il n’y avait plus de secrets, juste quelques petits détails non dévoilés.
         - Quel âge as-tu ? demanda-t-elle.
      
       Ma réponse fusa automatiquement.
         - Dix-sept ans.
         - Depuis combien de temps as-tu dix sept ans ?
         J’essayai de ne pas rire à son ton sérieux.
         - Un bout de temps
    , admis-je.
         - D’accord,
    dit-elle, enthousiaste.
         Elle me sourit. Quand je la regardai, anxieux une nouvelle fois concernant son état mental, son sourire s'agrandit. Je grimaçai.

         - Ne ris pas,
    prévint-elle. Mais comment se fait-il que tu sortes en plein jour ?
        
    Je ris malgré sa requête. Ses recherches ne lui avaient rien appris d'inhabituel.
         - Mythe, lui assurai-je.

         - Le soleil vous réduit en cendre ?
         - Mythe.
         - Vous dormez dans des cercueils ?
         - Mythe.
      
       Dormir n’avait pas fait partie de ma vie depuis longtemps – jusqu’à ces dernières nuits, alors que je regardais Bella rêver...
         - Je ne dors pas,
    murmurai-je, répondant un peu plus à sa question.
         Elle resta silencieuse un moment.

         - Jamais ?
    demanda-t-elle
         - Jamais,
    soufflai-je.
         Je regardai ses yeux, si grands derrière ses cils, et priai pour pouvoir dormir. Pas pour oublier, pas pour échapper à l'ennui, mais parce que je voulais rêver. Peut-être, si je pouvais être inconscient, si je pouvais rêver, pourrais-je vivre quelques heures dans un monde ou elle et moi pouvions être ensemble. Elle rêvait de moi. Je voulais rêver d’elle.
         Elle me fixa à son tour, son expression pleine de questionnements. Je dus détourner le regard.
         Je ne pouvais pas rêver d’elle. Elle ne devait pas rêver de moi.

         - Tu ne m’as pas encore posé la question la plus importante,
    dis-je, mon cœur plus lourd et froid qu’avant.
         Je me devais de lui faire comprendre. Jusqu'à un certain point, elle devait se rendre compte de ce qu’elle faisait. Je me devais de lui faire comprendre que tout cela avait de l’importance – plus que tout le reste. Le reste comme le fait que je l’aimais.

         - Laquelle ?
    demanda-t-elle, surprise.
        
    Cela rendit ma voix plus dure encore.
         - Tu ne te demandes pas ce que je mange ?
         - Oh. Ça.
          Elle parla d’un ton calme que je ne pouvais pas interpréter.
         - Oui. Ça. Ne veux-tu pas savoir si je bois du sang ?
        
    Elle prit un peu de distance face à ma question. Enfin. Elle comprenait.
         - Eh bien, Jacob a dit quelque chose là dessus
    dit-elle.
         - Qu’a-t-il dit ?
         - Il a dit que vous ne... chassiez pas les gens. Il a dit que ta famille n’était pas supposée être dangereuse car vous chassiez seulement les animaux.
         - Il a dit que nous n’étions pas dangereux ?
    répétai-je cyniquement.
         - Pas exactement,
    clarifia-t-elle. Il a dit que vous n’étiez pas supposés être dangereux. Mais les Quileute ne vous veulent toujours pas sur leurs terres, juste au cas où.
        
    Je regardai la route, mes pensées désespérées, ma gorge luttant contre cette soif féroce.

         - Alors, il avait raison ?
    demanda-t-elle, aussi calmement que si je venais de lui confirmer des prévisions météorologiques. Sur le fait que vous ne chassiez pas les hommes ?
         - Les Quileute ont bonne mémoire.
       
      Elle acquiesça légèrement, perdue dans ses pensées.

         - Ne soit pas trop confiante cependant,
    dis-je rapidement. Ils ont raison de garder leurs distances avec nous. Nous sommes très dangereux.
         - Je ne comprends pas.
        
    Bien sûr qu'elle ne comprenait pas. Comment lui faire voir ?

          - Nous essayons, lui dis-je. Nous y arrivons la plupart du temps. Parfois nous faisons des erreurs. Moi, par exemple, en étant seul avec toi.
        
    Son parfum était toujours une entité à part entière dans la voiture. Je m’y habituais, je pouvais presque l’ignorer, mais je ne pouvais pas renier que mon corps était attiré par elle pour de mauvaises raisons. Ma bouche nageait dans le venin.
         - C’est une erreur ?
    demanda-t-elle, comme si elle avait le cœur brisé.
          Cela me désarma. Elle voulait être avec moi – malgré tout cela, elle le voulait.
         L'espoir revint de nouveau et me je m'obligeai à l'étouffer.

         - Une erreur très dangereuse,
    lui dis-je honnêtement, espérant que la vérité cesse d’être importante.
         Elle ne répondit pas pendant un moment. Je pouvais entendre sa respiration changer – dans une direction qui n’indiquait cependant pas la peur.

         - Dis m’en plus,
    dit-elle soudainement, sa voix tordue de douleur.
         Je l’examinai attentivement.
         Elle souffrait. Comment avais-je permis cela ?

         - Que veux-tu savoir de plus ?
    demandai-je, essayant de trouver un moyen pour ne pas qu’elle souffre.
         Elle ne devait pas souffrir. Je ne pouvais pas la laisser souffrir.

         - Dis-moi pourquoi vous chassez des animaux au lieu des hommes,
    dit-elle, toujours souffrante.
         N'était-ce pas évident ? Ou peut-être s’en moquait-elle aussi.

         - Je ne veux pas être un monstre,
    murmurai-je. 
         - Mais les animaux ne te suffisent pas ?
         Je recherchai une autre comparaison, une manière de lui faire comprendre.
         - Je ne suis pas bien sûr, mais disons c’est comme vivre de tofu et de lait de soja pour toi ; nous nous considérons comme végétariens, une petite blague entre nous. Cela ne satisfait jamais complètement notre faim – ou plutôt notre soif. Mais cela nous donne assez de force pour résister. La plupart du temps.
         Ma voix s’abaissait ; j’avais honte du danger dans lequel je la mettais. Un danger que je continuai d’accepter...
         - Parfois, c’est plus difficile que d’autres.
         - Est-ce que c’est très difficile maintenant ?
         Bien sûr, elle posait la question à laquelle je n’avais pas envie de répondre.
         - Oui, admis-je.
         Cette fois la réaction que j'attendais fut la bonne : sa respiration resta régulière, son rythme cardiaque resta stable ; je me doutais qu'elle réagirait ainsi, mais ne compris pas pourquoi. Comment pouvait-elle ne pas être effrayée ?
         - Mais tu n’as pas faim maintenant,
    déclara-t-elle, parfaitement sûre d’elle-même.
         - Qu’est-ce qui te laisse penser ça ?
         - Tes yeux,
    dit-elle calmement. Je t’ai dit que j’avais une théorie. J’ai remarqué que les gens – les hommes en particulier – sont plus maussades lorsqu’ils ont faim.”
        
    Je souris à sa description : maussade. C’était bien en dessous de la vérité. Mais elle avait raison sur toute la ligne. Comme d’habitude.

        - Très observatrice n’est pas ?
         Je ris de nouveau.
         Elle sourit légèrement, la ride entre ses yeux réapparaissant comme si elle était concentrée sur quelque chose.

         - Tu chassais, ce week-end avec Emmett ?
    demanda-t-elle après que mon rire se soit évanoui.
    Sa façon de parler si détendue était aussi fascinante que frustrante. Pouvait-elle vraiment accepter tout cela sans ciller ? J’étais plus choqué qu’elle.

         - Oui, lui dis-je
      
       Et, alors que j’allais la laisser là-dessus, je ressentis le même besoin que dans le restaurant ; je voulais qu’elle me connaisse.
         - Je ne voulais pas partir, continuai-je doucement, mais c’était nécessaire. Il m’est plus facile d’être avec toi quand je n’ai pas soif.
         - Pourquoi ne voulais-tu pas partir ?
        
    Je pris une grande inspiration, puis me tournai pour la regarder droit dans les yeux. Ce genre d'honnêteté était difficile à dire, mais pour d'autres raisons.
         - Ça me rend... anxieux… 
        
    Je pensais que ce mot suffirait, pourtant, il n’était pas assez fort.
         - …d'être loin de toi. Je ne plaisantais pas, jeudi dernier, quand je t’ai demandé de faire attention de ne pas tomber dans l’océan ou te faire écraser. J’ai été distrait tout le week-end, m’inquiétant pour toi. Et après ce qui est arrivé ce soir, je suis surpris que tu aies réussi à survivre tout le week-end sans une écorchure.
        
    Puis je me souvins de ses blessures aux mains.
         - Enfin, presque sans écorchure.
         - Quoi ?
         - Tes mains,
    lui rappelai-je.
         Elle les regarda en grimaçant.

         - Je suis tombée.
         J’avais eu raison.
         - C’est bien ce que je pensais,
    dis-je, incapable de réprimer un sourire. J’imagine qu’avec toi ça aurait pu être pire – et cette possibilité m'a tourmenté tout le temps où j’étais parti. Ce furent trois jours très longs. J’ai rendu Emmett complètement fou.
         
    Il était inutile de parler au passé. J'énervais probablement toujours Emmett et le reste de la famille.  Excepté Alice...

         - Trois jours ?
    dit-elle, la voix aiguë. Je croyais que tu étais rentré aujourd’hui seulement ?
         Je ne comprenais pas son ton.

         - Non, nous sommes revenus dimanche.
         - Alors pourquoi n’étais-tu pas au lycée ?
    demanda-t-elle.
         Son irritation me déboussola. Elle ne semblait pas réaliser que cette question avait un rapport avec ma mythologie.

         - Eh bien tu as demandé si le soleil nous blessait, et ce n’est pas le cas. Mais nous ne pouvons pas sortir en pleine lumière, pas si il y a du monde autour.
        
    Je la distrayais de ce qui la contrariait mystérieusement.
         - Pourquoi ? demanda-t-elle, penchant la tête sur le côté.
        
    Je doutais de trouver une analogie appropriée pour expliquer cela. Donc je décidai de simplement lui dire :
         - Je te montrerai un jour.
        
    Puis je me demandai si je tiendrais cette promesse. La reverrais-je après ce soir ? L’aimais-je assez pour m’éloigner d’elle ?
         - Tu aurais pu m’appeler,
    dit-elle.
         Quelle conclusion étrange.
         - Mais je savais que tu allais bien.
         - Mais moi je ne savais pas où tu étais. Je –
         
    Elle s'arrêta soudainement, regardant ses mains.
         - Quoi ?
         - Je n’ai pas aimé,
    dit-elle timidement, la peau de ses joues rougissant. Ne pas te voir. Ça me rend anxieuse aussi.
        
    Es-tu heureuse maintenant? me demandai-je à moi-même. Et bien, là était ma récompense pour avoir espéré.
         J’étais perplexe, exalté, horrifié – surtout horrifié – que tous mes rêves les plus fous se trouvassent si proche d’être exaucés. Voilà pourquoi ça ne la dérangeait pas que je sois un monstre. C'était pour l'exacte même raison que je me fichai complètement des règles à présent. Que le bien et le mal n’avaient plus d’influence sur moi. Que toutes mes priorités s’étaient éclipsées pour laisser cette fille seule en haut de ma liste.
         Bella m’appréciait aussi.
         Je savais que ça n’était rien en comparaison de combien moi je l’aimais. Mais c’était assez pour qu’elle risque sa vie en étant assise à côté de moi. Et qu'elle y prenne plaisir.
         Assez pour la blesser si je faisais enfin la bonne chose, c’est à dire, m’éloigner d’elle.
         Y avait-il quoi que ce soit que je puisse faire à présent sans la blesser ?
         J’aurais dû garder mes distances. Je n’aurais jamais dû revenir à Forks. Je ne lui apporterais que de la souffrance.
         Cela m’empêcherait-il de partir ? Empirant la situation?
         Cette sensation à présent, sa chaleur sur ma peau...
         Non. Rien ne pourrait m'arrêter.

         - Ah
    , grognai-je pour moi-même. Ça devient compliqué.
         - Qu’est-ce que j’ai dit ?
    demanda-t-elle, ramenant tout de suite la faute sur elle.

         - Ne vois-tu pas, Bella ? C’est une chose que je souffre, mais c’est totalement différent si toi tu commences à être impliquée. Je ne veux pas que tu souffres ainsi.
        
    C’était un mensonge, c’était la vérité. L'égoïste en moi planait de savoir qu’elle me voulait autant que je la voulais.
         - C’est mal. C’est risqué. Je suis dangereux, Bella – s'il te plaît, rentre-toi ça dans le crâne.
         - Non.
         Elle fit la moue.
         - Je suis sérieux.
         Je luttai avec moi même si fort – à moitié désespéré qu’elle accepte mes avertissements, à moitié qu’elle ne s’échappe pas – que les mots sortirent de ma bouche en un grognement.
         - Moi aussi je suis sérieuse,
    insista-t-elle. Je te l’ai dit, ça n’a pas d’importance ce que tu es. C’est trop tard.
        
    Trop tard ? Le monde fut désespérément noir et blanc durant une seconde interminable tandis que je regardais les ombres ramper vers la silhouette de Bella endormie. Inévitable, inéluctable. Elles volèrent la couleur de sa peau, la plongeant dans les ténèbres. 
         Trop tard ? La vision d’Alice tourbillonna dans mon esprit, les yeux rouge sang de Bella me fixant, impassibles. Sans expression – mais il était impossible qu’elle ne me haïsse pas pour ce futur. Pour lui avoir tout volé. Voleé sa vie et son âme.
         Il ne pouvait pas être trop tard.

         - Ne redis jamais ça,
    sifflai-je.
         Elle regarda à travers la fenêtre, se mordant les lèvres de nouveau. Ses mains étaient serrées en poings sur ses cuisses. Sa respiration s’accéléra puis se perdit.

         - À quoi penses-tu ?
        
    Je devais savoir.
         Elle secoua la tête sans se retourner. Je vis quelque chose briller, comme du cristal, sur sa joue.
         Agonie.

         - Est-ce que tu pleures ?
        
    Je l’avais fait pleurer. Je lui avais fait mal à ce point.
      - Non, mentit-elle, la voix cassée.
        
    Un instinct enfoui me poussa à tendre la main vers elle – à cet instant je me sentais plus humain que je ne l’avais jamais été. Puis je me souvins que... je ne l’étais pas.
         - Je suis désolé, dis-je, les mâchoires crispées.
        
    Pourrais-je un jour lui dire à quel point j’étais désolé ? Désolé pour toutes ces erreurs stupides que j’avais commises. Désolé pour mon égoïsme sans bornes. Désolé qu’elle soit assez malchanceuse pour être l’objet de mon premier et tragique amour. Désolé, aussi, pour les choses qui n’étaient pas de mon ressort – que je fusse le monstre choisi par le destin pour mettre un terme à sa vie, en premier lieu.
    Je pris une profonde inspiration – ignorant ma réaction méprisable au parfum dans la voiture – et essayai de me ressaisir.
         Je voulais changer de sujet, pour penser à quelque chose d’autre. Heureusement pour moi, ma curiosité à propos de cette fille était insatiable. J’avais toujours une question en réserve.

         - Dis-moi quelque chose…
    dis-je.
         - Oui ?
    demanda-t-elle sèchement, les larmes inondant toujours sa voix.
         - A quoi pensais-tu ce soir, juste avant que je ne débarque ? Je n’ai pas compris ton expression – tu n’avais pas l’air effrayée, c’est comme si tu étais concentrée sur quelque chose.
         Je me souvins de son visage – essayant d’oublier à travers les yeux de qui je la regardais – et de sa  détermination.
          - J’essayais de me rappeler comment immobiliser un adversaire, dit-elle, la voix calme. Tu sais, self-défense. J’allais lui écraser le nez jusqu’à le lui rentrer dans le crâne.
        
    Son calme disparut avant la fin de son explication. Son ton se transforma en haine. Ce n’était pas une hyperbole, et sa furie de petit chat n'était plus drôle du tout. Je pouvais voir sa silhouette frêle – la peau sur les os – dominée par ces hommes baraqués aux gros poings prêts à lui faire du mal. La furie bouillait au fond de ma tête.
         - Tu allais te battre avec eux ?
        
    Je voulais grogner. Ses instincts étaient mortels – pour elle-même.
         - Tu n’as pas pensé à courir ?
         - Je tombe souvent quand je cours,
    dit-elle, embarrassée.
         - Et appeler à l’aide ?
         - J’allais le faire.
       
      Je secouai la tête, incrédule. Comment avait-elle réussi à survivre avant d’arriver à Forks ?
         - Tu avais raison,
    lui dis-je, la voix amère. Je combats vraiment le destin en essayant de te garder en vie.
        
    Elle soupira, regardant à travers la vitre. Puis elle me regarda de nouveau.

         - Te verrai-je demain ? demanda-t-elle abruptement.
        
    Puisque j’allais droit en enfer – autant profiter du voyage.
         - Oui. J’ai d’un devoir à rendre aussi.
        
    Je lui souris, ça faisait du bien.
         - Je te garde une place à la cantine.
        
    Son cœur s’emballa, et mon cœur mort sembla soudain se réchauffer.
        
    J'arrêtai la voiture en face de la maison de son père. Elle ne fit aucun mouvement pour sortir, et me  quitter.
         - Tu me promets que tu seras là demain ?
    insista-t-elle.
         - Je te le promets.
        
    Comment pouvais-je retirer autant de bonheur à faire le mauvais choix ? Il y avait quelque chose d'inapproprié là-dedans.
         Elle acquiesça pour elle même, et commença à retirer ma veste.

         - Garde-la
    lui assurai-je rapidement.
        
    Je préférais qu’elle garde quelque chose qui m’appartenait. Un symbole, tout comme la capsule de bouteille au fond de ma poche...
         - Tu n’as pas de veste pour demain.
        
    Elle me la tendit, souriant d’un air piteux.
         - Je ne veux pas avoir à expliquer ça à Charlie,
    me dit-elle.
         J’imaginais bien que non. Je lui souris à mon tour.

         - Ah oui, bien sûr.
        
    Elle posa sa main sur la poignée, puis arrêta son geste. Elle ne désirait pas partir, et je ne voulais pas la laisser s’en aller.
        
    La savoir sans protection, même pour quelques instants...
    Peter et Charlotte était loin déjà, au-delà de Seattle, sans aucun doute. Mais il y en avait toujours d’autres. Ce monde n’était pas un endroit sûr pour quelque humain que ce soit, et pour elle, il semblait encore plus dangereux que pour les autres.

         - Bella ?
    demandai-je, surpris pas le plaisir que j’avais à simplement dire son nom.
         - Oui ?
         - Est-ce que tu peux me promettre quelque chose ?
         - Oui,
    accepta-t-elle facilement, puis ses yeux se plissèrent comme si elle imaginait une raison d’objecter.
         - Ne vas pas dans les bois toute seule,
    l’avertis-je, me demandant si cette requête était digne de l’objection dans ses yeux.
         Elle cligna des yeux, surprise.

         - Pourquoi ?
         J
    e jetai un regard noir aux ténèbres. Le manque de lumière n’était pas un problème pour mes yeux, mais cela ne gênerait aucun autre traqueur. L'obscurité aveuglait seulement les humains.
         - Je ne suis pas toujours la chose la plus dangereuse ici,
    lui dis-je. Restons-en là.
         
    Elle frissonna mais retrouva rapidement son calme, et sourit même en me répondant : 

         - Si tu le dis.
        
    Son haleine toucha mon visage, si douce et parfumée.
         J’aurais pu rester ici toute la nuit, mais elle avait besoin de dormir. Les deux désirs semblaient d'égal importance alors qu’ils continuaient de se faire la guerre : la vouloir pour moi contre vouloir sa sécurité.
         Je soupirai devant cette impossible situation.

         - Je te vois demain,
    dis-je, sachant que je la reverrais bien avant cela.
         Mais elle ne me verrait pas avant le lendemain.

         - Ok, à demain,
    acquiesça-t-elle en ouvrant la portière.
         L’agonie, à nouveau, tandis que je la regardais s’éloigner.
         Je me penchai vers elle, désireux de la retenir avec moi.

         - Bella ?
        
    Elle se retourna, et se figea, surprise que nos visages se retrouvent si proches.
         Moi aussi j’étais submergé par cette proximité. Le chauffage m’envoyait des effluves de son parfum par vague, caressant mon visage. Je pouvais sentir la douceur de sa peau…

        
    Son cœur se mit à battre frénétiquement et ses lèvres s’entrouvrirent.
         - Dors bien,
    murmurai-je, me reculant avant que l’urgence dictée par mon corps – soit la soif familière, ou la toute nouvelle et bizarre faim que je ressentais soudainement – ne me fasse faire quelque chose qui pourrait la blesser.
         Elle resta assise sans faire un mouvement pendant un petit moment, les yeux stupéfaits et grand ouverts. Éblouie, j’imagine.
         Tout comme moi.
         Elle reprit ses esprits – son visage restant toutefois un peu perplexe – tomba à moitié de la voiture, s'emmêlant les pieds, se rattrapant à la portière pour se relever.
         Je gloussai – trop bas pour qu’elle m’entende.
         Je la regardai marcher en trébuchant jusqu’au porche. En sécurité pour le moment. Je reviendrais vite pour m’en assurer.
         Je pouvais sentir ses yeux me suivre tandis que je conduisais dans la rue sombre.
         C’était une situation tellement différente de ce à quoi je m’étais habitué. D’habitude, je pouvais simplement me regarder m’éloigner à travers les yeux de quelqu’un. C’était étrangement excitant – cette sensation insaisissable de se sentir épié. Je savais que c’était simplement parce qu’il s'agissait de ses yeux.
         Un millions de pensées se chassèrent les unes les autres dans mon esprit tandis que je conduisais sans but dans la nuit.
         Pendant un long moment je fis des cercles dans les rues, sans direction fixe, pensant à Bella et au soulagement incroyable de savoir qu’elle connaissait la vérité. Je n’avais plus à me soucier qu’elle découvrît qui j’étais réellement. Elle savait. Et ça ne la dérangeait pas. Même si c’était évidemment une mauvaise chose pour elle, c’était étonnamment libérateur pour moi.
         Plus que ça, je pensai à Bella et l’amour qui me récompensait. Elle ne pouvait pas m’aimer comme moi je l’aimais – une chose si irrésistible, dévorante, cet amour écrasant aurait probablement brisé son corps fragile. Mais elle se sentait assez forte. Assez forte pour repousser la peur instinctive. Assez pour vouloir être avec moi. Et être avec elle était le plus grand des bonheurs que j'avais jamais connus.
         Pendant un moment – alors que j’étais seul, sans risque de blesser personne pour une fois – je me permis de ressentir ce bonheur sans la notion tragique. D'être juste heureux qu’elle m’apprécie. De simplement exulter du triomphe d’avoir acquis son affection. Imaginant être près d’elle jour après jour, entendant sa voix, gagnant ses sourires.
         Je rejouai ce sourire dans ma tête, voyant les coins de ses lèvres se soulever, les fossettes se dessiner sur ses joues, ses yeux chauds... Ses doigts avaient été si chauds et doux sur ma main ce soir.
       Je m’imaginai touchant sa peau délicate, caressant ses joues – soyeuses, chaudes... tellement fragiles.
        De la soie sur du verre... affreusement aisé à briser.
         Je ne vis pas où mes pensées m’emmenaient jusqu’à ce qu’il soit trop tard. Alors que je m’attardais sur sa vulnérabilité dévastatrice, de nouvelles images de son visage firent irruption dans mes fantaisies.
         Perdue dans l’ombre, pâle sous l’effet de la peur – pourtant les mâchoires fermes et déterminées, les yeux féroces, pleins de concentration, son corps fin tendu pour attaquer les imposantes formes rassemblées autour d’elle, des cauchemars dans l’obscurité...
    - Ah, grognai-je, plein de la haine que j’avais momentanément perdue face à cette joie, mais désormais prête à éclater de nouveau dans un accès de rage.
         J’étais seul. Bella était, j'en étais certain, en sécurité chez elle ; pour un moment j’étais furieusement content que Charlie Swan – chef de la Police Locale, entraîné et armé – soit son père. Cela voulait forcément dire quelque chose, procurer un bouclier à Bella.
         Elle était en sécurité. Cela ne ralentirait pas ma vengeance...
         Non. Elle méritait mieux. Je ne la laisserais pas s’enticher d’un meurtrier.
         Mais... que faire pour les autres ?
         Bella était en sécurité, certes. Angela et Jessica l’étaient aussi, sûrement, au fond de leurs lits.
         Et pourtant un monstre était libre dans les rues de Port Angeles. Un monstre humain – cela en faisait-il un problème exclusivement humain ? Commettre le meurtre que je désirais commettre ce soir était mal.   Je le savais. Mais le laisser en liberté, libre d’attaquer de nouveau ne pouvait pas être bien non plus.
         L'hôtesse blonde du restaurant. La serveuse que je n’avais pas vraiment regardée. Les deux m’avaient irrité d’une façon très triviale, mais cela ne voulait pas dire qu’elles méritaient d’être mises en danger.
         N’importe laquelle d’entre elles pouvait être la Bella de quelqu’un.
         Le fait de réaliser cela me décida.
         Je dirigeai la voiture vers le nord, accélérant, maintenant que j’avais un but. Dès que j’avais un problème qui me dépassait – quelque chose comme celui-ci – je savais où aller pour trouver de l’aide.
         Alice était assise sous le porche, m’attendant. Je me garai en face de la maison plutôt que de faire le tour du garage.

         - Carlisle est dans son bureau,
    dit Alice avant même que j’aie demandé.
         - Merci, dis-je,
    ébouriffant ses cheveux au passage.
          Merci de m’avoir rappelée,
    pensa-t-elle, sarcastique.
         - Oh.
         Je m'arrêtai près de la porte, sortant le téléphone et l’ouvrant au passage.
         - Désolé, je n’ai même pas vérifié qui m’avait appelé. J’étais...occupé.
          - Oui, je sais. Je suis désolé moi aussi. Quand j’ai vu ce qui se tramait tu étais déjà en chemin.
         - C’était juste,
    murmurai-je.
         Désolée,
    répéta-t-elle, honteuse.
         Il m’était facile d’être généreux, sachant Bella en sécurité.

         - Ne le sois pas. Je sais  que tu ne peux pas tout voir. Personne ne s’attend à ce que tu sois omnisciente, Alice.
         - Merci.
         - J’ai failli t’inviter à dîner ce soir – est-ce que tu as vu ça avant que je ne change d’avis?
        
    Elle me fit un grand sourire.
         - Non, j’ai loupé ça aussi. J’aurais aimé savoir. Je serais venue.
         - Sur quoi te concentrais-tu pour manquer tant de choses ?
         Jasper pense à notre anniversaire. Elle rit. Il essaie de ne pas prendre de décision pour mon cadeau, mais je pense avoir un bonne idée...

         - Tu es scandaleuse.
         - Yep.
        
    Elle pressa ses lèvres puis me fixa, une pointe d’accusation dans son expression. Je ferai plus attention plus tard. Vas-tu leur dire qu’elle sait ?
         Je soupirai.

         - Oui, plus tard.
        Je ne dirai rien. Fais-moi une faveur et attends que je ne sois pas dans le coin pour le dire à Rosalie, ok ?
         Je tressaillis.
         - Bien sûr.
         Bella l’a bien pris.
         - Trop bien.
         Alice me sourit de nouveau.
         Ne la sous-estime pas.
         J’essayai de bloquer l’image que je ne voulais pas voir – Bella et Alice, meilleures amies.
         Impatient à présent, je soupirai bruyamment. Je voulais en finir avec la prochaine étape de la soirée.   Mais j’étais inquiet de quitter Forks...

         - Alice...
    commençai-je. Elle vit ce que je prévoyais de lui dire.
         Tout ira bien pour elle ce soir. Je surveille à présent. Elle a vraiment besoin d’une surveillance 24h/24 n’est ce pas ?
         - Au moins.
         - De toute façon, tu seras bientôt avec elle.
        
    Je pris une grande inspiration. Ces mots étaient si beaux.
         - Vas-y – finis-en avec ça pour que tu puisses être là où tu veux être.
        
    J'acquiesçai, et me dépêchai de monter dans la chambre de Carlisle.
         Il m’attendait, les yeux sur la porte plutôt que sur le gros livre posé sur son bureau.

         - J’ai entendu Alice te dire où me trouver,
    dit-il en souriant.
         C’était un soulagement d’être avec lui, de voir son empathie et cette profonde intelligence dans ses yeux. Carlisle saurait quoi faire.

         - J’ai besoin d’aide.
         - Ce que tu veux, Edward,
    promit-il.
         - Est ce qu'Alice t’a dit ce qui est arrivé à Bella ce soir ?
         Ce qui a failli arriver,
    corrigea-t-il.
         - Oui, failli. J’ai un dilemme Carlisle. Tu vois, je veux... vraiment... le tuer.
       
      Les mots sortirent vite et avec passion.
         - Tellement. Mais je sais que c’est mal, parce que c’est de la vengeance, pas de la justice. De la haine sans impartialité. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas juste de laisser un violeur et tueur en série déambuler dans les rues de Port Angeles ! Je ne connais pas d’humains là bas, mais je ne peux pas laisser quelqu’un prendre la place de Bella comme victime. Ces autres femmes – quelqu’un pourrait ressentir pour elles ce que je ressens pour Bella. Ils pourraient souffrir autant que moi si elle avait été blessée. Ce n’est pas juste -
         Son sourire aussi large qu'imprévu m'arrêta dans mon flot de paroles.
    Elle est bien pour toi n’est ce pas ? Tellement de compassion, tellement de contrôle, je suis impressionné.
         - Je ne suis pas parti à la pêche aux compliments, Carlisle.
         - Bien sûr que non. Mais je ne peux pas retenir mes pensées, n’est ce pas ?
        
    Il sourit de nouveau.
         - Je vais m’en occuper. Tu peux te relaxer. Personne ne sera blessé à la place de Bella.
        
    Je vis son plan dans sa tête. Ce n’était pas exactement ce que je voulais, cela ne satisferait pas ma soif de brutalité, mais je pouvais voir que c’était la bonne chose à faire.
         - Je vais te montrer où le trouver,
    dis-je.
         - Allons-y.
        
    Il attrapa son sac noir au passage. J’aurais préféré une forme de sédation plus agressive – comme lui briser le crâne – mais je laisserais Carlisle gérer cela à sa façon.
         Nous prîmes ma voiture. Alice était toujours sur les marches. Elle fit un grand sourire et nous salua de la main tandis que nous nous éloignions. Je savais qu’elle avait regardé le futur pour moi ; nous n’aurions aucune difficulté.
      Le voyage fut rapide sur la sombre route déserte. J'éteignis mes phares pour ne pas attirer l’attention. Cela me fit sourire d’imaginer comment Bella réagirait à la vitesse à laquelle nous roulions à présent. J'étais déjà en train de rouler plus lentement que d’habitude - pour prolonger le temps passé avec elle – quand elle avait objecté.

        Carlisle pensait à Bella aussi.

        Je n’avais pas prévu qu’elle serait aussi bénéfique pour lui. C’est inattendu. Peut-être que cela devait se dérouler ainsi. Peut-être qu’il y a quelque chose derrière tout ça. Seulement...
        Il s’imagina Bella avec la peau froide, les yeux rouges sang, puis fit disparaître cette image.
        Oui. Seulement. Bien sûr. Qu'y aurait-il de bon à détruire quelque chose de si pur et adorable?
       
    Je jetai un regard dehors, toute la joie de cette soirée détruite par ses pensées.
        Edward mérite le bonheur. Il l’a acquis. Cette férocité dans les pensées de Carlisle me surprit. Il doit y avoir un moyen.
           J’aurais aimé croire à ses paroles - n’importe laquelle des deux. Mais il n’y avait rien derrière ce qui arrivait à Bella. Juste le destin, vicieux, horrible, amer, qui ne voulait pas donner à Bella la vie qu’elle méritait.

        Je ne m’attardais pas à Port Angeles. J’amenai Carlisle dans la rue ou la créature dénommée Lonnie noyait sa déception avec ses amis - deux d'entre eux s’étaient déjà évanouis. Carlisle pouvait voir à quel point cela était dur pour moi d’être aussi près - d’entendre les pensées de ce monstre, de voir ses souvenirs, les souvenirs de Bella mélangés à ceux d’autres filles pas assez chanceuses pour être sauvées.
    
   Ma respiration s’accéléra. Je serrai le volant.

       Va-t-en, Edward, me dit-il gentiment. Je vais m’en occuper. Rejoins Bella.
        C’était exactement ce qu’il fallait me dire. Son nom était la seule chose qui pouvait me distraire à ce moment.

        Je le laissai dans la voiture et courus jusqu’à Forks, tout droit, à travers la forêt endormie. Cela me prit moins de temps qu’à l’aller dans la voiture. Quelques minutes après, j'escaladais le flanc de sa maison, me glissant à travers la fenêtre.
        Je soupirai silencieusement, soulagé. Tout était en place. Bella était en sécurité dans son lit, rêvant, ses cheveux mouillés, emmêlés tels des algues sur son oreiller.
        Mais, contrairement aux autres nuits, elle était recroquevillée dans ses draps, les coins de sa couette bien calés sous ses épaules. Elle avait sûrement froid. Avant que je puisse m'asseoir dans ma chaise habituelle, elle frissonna dans son sommeil, et ses lèvres tremblèrent.
        Je réfléchis durant un moment, puis me glissai dans le couloir, explorant une nouvelle partie de sa maison pour la première fois.
        Les ronflements de Charlie étaient assez forts. Je pouvais presque attraper ses rêves. Quelque chose concernant la force de l’eau, une attente patiente... une partie de pêche, peut-être?
        Là, en haut des escaliers se trouvait un placard prometteur. Je l’ouvris, plein d'espoir, et trouvai ce que je cherchais. Je pris la plus grosse des couvertures de la toute petite étagère, et la ramenai dans sa chambre. Je la rangerais avant qu’elle ne se réveille, et personne n’en saurait jamais rien.

        Retenant ma respiration, j’étalai précautionneusement la couverture sur elle ; elle ne réagit pas à l’excédent de poids. Je retournai dans la chaise à bascule.
        Tandis que j'attendais anxieusement qu’elle se réchauffe, je pensai à Carlisle, me demandant ce qu’il faisait en ce moment. Je savais que son plan se déroulerait sans problèmes - Alice l’avait vu.
        Penser à mon père me fit soupirer - Carlisle me faisait trop confiance. J’aurais aimé être la personne qu’il pensait que j’étais. Cette personne, celle qui méritait d’être heureux, qui pourrait espérer être digne de cette fille endormie. Combien les choses seraient différentes si je pouvais être cet Edward-là.

        Alors que je méditais là-dessus, une image étrange surgit dans mon esprit.

        Pendant un moment, le destin maléfique que j’avais imaginé, celui qui annonçait la destruction de Bella, fut remplacé par le plus fou et téméraire des anges. Un ange gardien - quelque chose qui ressemblait à la version de Carlisle me concernant. Avec un sourire insouciant sur ses lèvres, ses yeux bleu ciel pleins d'espièglerie, l’ange représenta Bella d’une telle façon qu’il m’était impossible de la négliger. Un parfum d’une puissance ridicule demandant mon attention, un esprit silencieux enflammant ma curiosité, une beauté silencieuse retenant mes yeux, un esprit altruiste gagnant mon estime. Enlever l’instinct naturel de survie - pour que Bella puisse accepter de rester auprès de moi - et finalement, ajouter un don pour s'attirer des ennuis.
        Avec un rire imprudent, l’ange irresponsable propulsa sa fragile création directement sur mon chemin, croyant allègrement que ma moralité défectueuse suffirait à maintenir Bella en vie.
        Dans cette vision, je n’étais pas la punition de Bella, elle était ma récompense.
        Je secouais ma tête devant la fantaisie cet ange sans jugeote. Il n’était pas mieux que le destin maléfique. Je ne pouvais pas m’incliner devant un pouvoir supérieur qui agirait de manière si stupide et dangereuse. Au moins, le destin, je pouvais le combattre.

        Et je n’avais pas d’ange. Ils étaient réservés aux bonnes gens - les gens comme Bella. Où donc était passé son ange ? La surveillait-il?
        Je ris en silence, surpris de réaliser qu’à ce moment précis, je remplissais ce rôle.

        Un ange vampire - c’était contradictoire.
        Environ une demi-heure plus tard, Bella se relaxa sous son cocon. Sa respiration s'approfondit et elle commença à murmurer. Je souris, satisfait. C’était une petite chose, mais au moins, elle dormirait mieux ce soir, parce que j’étais là.
        - Edward, soupira-t-elle, et elle sourit, elle aussi.
Je repoussai la tragédie pour le moment, me laissant être de nouveau heureux.


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  • Ce fut CNN qui lâcha le scoop.
        J’étais content d’avoir la nouvelle avant de partir pour le lycée, anxieux d’entendre ce que les humains allaient dire à ce sujet, et quelles proportions cela prendrait.
        Heureusement, l’actualité était chargée aujourd’hui. Il y avait eu un tremblement de terre en Amérique latine, et un kidnapping politique au Moyen-Orient. La nouvelle ne prit donc que quelques secondes, quelques phrases, et une bien piètre photo.
        - Alonzo Calderas Wallace, violeur et tueur en série présumé, recherché dans les états du Texas et de l’Oklahoma, a été appréhendé la nuit dernière à Portland, dans l’Oregon, grâce à un témoignage anonyme. Wallace a été retrouvé inconscient, dans une allée, tôt ce matin, à quelques pas du commissariat de police. Les autorités sont pour le moment incapables de dire s'il sera extradé vers Houston ou Oklahoma City pour son procès.
        La photo était floue, une pièce d’identité judiciaire, il avait une épaisse barbe ou moment où elle avait été prise. Même si Bella l’avait vu, elle ne pourrait probablement pas le reconnaître. J'espérai qu’elle ne le reconnaîtrait pas ; cela ne ferait que l’effrayer inutilement.
        - La couverture de cet évènement ici va être très faible. C’est trop loin pour être considéré d'intérêt local, me dit Alice. Tu as eu raison de laisser Carlisle l’emmener en dehors de l’état.
        J'acquiesçai. Bella ne regardait pas beaucoup la télévision de toute façon, et je n’avais jamais vu son père regarder autre chose que des chaînes de sports.
        J’avais fait ce que j’avais pu. Ce monstre ne chassait plus, et je n’étais pas un meurtrier. Pas récemment en tout cas. J’avais eu raison d’avoir confiance en Carlisle, même si j’aurais préféré que ce monstre ne s’en tire pas à si bon compte. Je me surpris à espérer que l’extradition se fasse au Texas, où la peine de mort était si populaire...

        Non. Cela n’avait pas d’importance. J’allais laisser ça derrière moi, et me concentrer sur ce qui importait.
        J’avais quitté la chambre de Bella voilà moins d'une heure. Je mourais déjà d’envie de la revoir.
        - Alice, ça ne te dérange pas si…
     
    Elle m'interrompit.
        - Rosalie m'emmènera. Elle va faire comme si elle était énervée, mais tu sais à quel point elle adore trouver des excuses pour montrer sa voiture.
        Alice rit. Je lui adressai un grand sourire.
        - Je te vois au lycée.
        Alice soupira, et mon sourire se transforma en grimace.
        Je sais, je sais, pensa-t-elle. Pas encore. J'attendrai que tu sois prêt à ce que Bella me rencontre. Tu devrais savoir, pourtant, ce n’est pas du pur égoïsme de ma part. Bella va m’aimer aussi.
        Je ne lui répondis pas puisque je me précipitais vers la porte. Il y avait une autre façon de voir cette situation. Bella voudrait-elle rencontrer Alice ? Avoir un vampire comme amie ?
        Connaissant Bella... cette idée ne la dérangerait pas le moins du monde.

        Je fronçai les sourcils pour moi-même. Ce que Bella voulait et ce qui était bon pour elle étaient deux choses complètement différentes.
        Je commençai à me sentir agité en me garant dans l’allée devant chez Bella. L’adage humain voulait que les choses aient l’air différent le matin – qu'elles changeaient après une bonne nuit de sommeil. Apparaîtrais-je différent aux yeux de Bella dans la faible lumière de ce jour embrumé ? Plus sinistre ou moins sinistre que je l’étais dans la noirceur de la nuit ? La vérité l’avait-elle imprégnée durant son sommeil ? Serait-elle enfin effrayée ?

        Pourtant, ses rêves avaient été paisibles, la nuit dernière. Quand elle avait prononcé mon nom, encore et encore, elle avait souri. Plus d’une fois dans ses murmures elle avait supplié que je reste. Cela ne signifierait-il plus rien aujourd'hui ?
     
    J'attendis nerveusement, écoutant les bruits qu'elle produisait dans la maison - les pas rapides déboulant l’escalier, le papier aluminium arraché rapidement, les choses dans le réfrigérateur s'entrechoquant à l'ouverture de la porte. À l’entendre, elle semblait en retard. Impatiente de retourner à l’école ? Cette pensée me fit sourire, plein d’espoir une nouvelle fois.
        Je regardai l’heure. Je supposai – en tenant compte de la vélocité de sa camionnette délabrée – qu’elle était effectivement en retard.

        Bella se précipita hors de la maison, le sac lui tombant de l’épaule, les cheveux complètement emmêlés. Le gros pull vert qu’elle arborait ne l'empêchait pas de rentrer les épaules sous l’effet produit par le froid.
        Le long pull était trop grand pour elle. Peu flatteur. Cela cachait sa fine silhouette, réduisant ses courbes délicates et ses doux traits à un fouillis sans forme. J’appréciai cela autant que si elle avait porté quelque chose ressemblant à ce corsage bleu qu’elle avait mis hier soir... Sa coupe avait collé à sa peau d’une façon si attrayante, coupé assez bas pour révéler la façon hypnotique dont ses clavicules se courbaient juste sous le creux sous sa gorge. Le bleu avait coulé comme de l’eau sur les formes subtiles de son corps...

        Il était mieux – essentiel – que je garde mes pensées loin, très loin de ses formes, j’étais donc reconnaissant qu’elle porte ce sweat inapproprié. Je ne pouvais plus me permettre de faire d'erreurs, et ce serait une erreur monumentale que de m’attarder sur la faim étrange que le pensée de ses lèvres... sa peau...son corps... faisait vibrer en moi. Faim qui s’était esquivée voilà cent ans. Mais je ne pouvais pas me permettre de penser à la toucher, parce que c’était impossible.
        Je la briserais.
        Bella se détourna de la porte, si vite qu’elle faillit rentrer dans ma voiture sans même la remarquer.
        Puis, elle s'arrêta, les genoux verrouillés sous l’effet de la surprise. Son sac descendit un peu plus le long de son bras, et ses yeux s'écarquillèrent, concentrés sur la voiture.
        Je sortis, ne me forçant pas à bouger à une vitesse humaine, et lui ouvris la porte côté passager. J’allais essayer de ne plus la décevoir – quand nous étions seuls, du moins, je serais moi-même.

        Elle me regarda, surprise de nouveau comme si je venais de me matérialiser dans un rideau de fumée. Puis la surprise dans ses yeux se changea en quelque chose d’autre, et je n’eus plus peur – je n'espérai plus non  plus – que ses sentiments envers moi aient changé au cours de la nuit. Chaleur, fascination, émerveillement, tout cela nageait dans le chocolat fondu de ses yeux.

        - Veux-tu que je t’emmène ? dis-je.
        Contrairement au dîner, je la laisserais choisir. A partir de maintenant, elle devrait toujours avoir le choix.

        - Oui, merci, murmura-t-elle, grimpant dans la voiture sans hésiter.
        Cela cesserait-il un jour de me faire frissonner de plaisir, de savoir que j’étais celui à qui elle disait oui ? J’en doutais.

        Je montai dans la voiture en un clin d’œil, pressé de la rejoindre. Elle ne montra aucun signe de choc face à ma réapparition soudaine.
        Le bonheur que je ressentis quad elle s'assit près de moi n’avait pas de précédent. Même si j’appréciais l’amour et la compagnie de ma famille, malgré toutes les distractions et divertissement que le monde avait à offrir, je n’avais jamais été heureux à ce point. Même le fait de savoir que c’était mal, que cela ne pourrait que mal finir, ne put m'empêcher de sourire plus longtemps.

        Ma veste était pliée sur l’appui tête au dessus de son lit. Je la vis y jeter un coup d’œil.

        - J’ai rapporté la veste pour toi, lui dis-je.
        C’était mon excuse, si j'avais eu besoin d’en inventer une, pour me pointer ce matin sans être invité. Il faisait froid. Elle n’avait pas de manteau. C’était sûrement une forme acceptable de galanterie.
       
    - Je ne voulais pas que tu tombes malade ou quoi que ce soit.

        - Je ne suis pas si fragile,
    dit-elle, fixant mon torse plutôt que mon visage, comme si elle hésitait à rencontrer mes yeux.
        Mais elle mit le blouson avant que je ne recoure au commandement ou à la flatterie.
        - Vraiment ? murmurai-je, plus pour moi que pour elle.
        Elle fixa la route tandis que j’accélérais vers le lycée. Je ne pus supporter le silence que quelques secondes. Je devais savoir vers quoi se dirigeaient ses pensées ce matin. Tellement de choses avaient changé entre nous depuis la dernière fois que le soleil avait été présent.
        - Quoi ? Aucune question aujourd’hui ? demandai-je, le ton léger.

        Elle sourit, semblant heureuse que je lance le sujet.
       
    - Est-ce que mes questions te dérangent ?

        - Pas autant que tes réactions,
    lui dis-je honnêtement, souriant pour répondre à son sourire.

        Le sien se perdit.
       
    - Je réagis mal ?

        - Non, c’est le problème. Tu prends tout de façon tellement détendue – ce n’est pas naturel.

        Pas un seul cri jusqu’à présent. Comment était-ce possible ?
        - Je me demande juste ce que tu penses vraiment.
        Bien sûr, je me posais toujours cette question, quoi qu’elle fasse ou ne fasse pas.
       
    - Je te dis toujours ce que je pense vraiment.
        - Tu éludes.

        Ses dents se pressèrent sur ses lèvres une nouvelle fois. Elle ne semblait pas remarquer qu’elle faisait cela - c’était une réponse inconsciente à la tension.
        - Pas tant que ca.
        Ces simples mots suffirent à enflammer ma curiosité. Quelle information retenait-elle intentionnellement ?
        - Assez pour me rendre fou, dis-je.

        Elle hésitait puis soupira.
         - Tu ne veux pas le savoir.
        Je dus réfléchir un moment, repasser toute notre conversation de la nuit dernière, mot par mot, avant que la connexion ne se fasse. Peut-être que cela me prit trop de concentration car je ne pouvais pas imaginer une seule chose que je n’eus pas voulu qu’elle me dise. Et puis - car le ton de sa voix était le même que la nuit dernière; soudainement une douleur y était apparue - je me souvins. Une fois je lui avais demandé de ne pas exprimer ses pensées. "Ne redis jamais ça." Je l’avais surprise. Je l’avais fait pleurer...

        Était-ce ce qu’elle refusait de me dire ? La profondeur de ses sentiments pour moi ? Que le fait que je sois un monstre lui importait peu, et qu’il était trop tard pour qu’elle change d’avis ?

        J’étais incapable de parler, parce que la joie et la douleur étaient trop fortes pour être exprimées avec des mots, le conflit entre eux était trop violent pour permettre une réponse cohérente. Le silence s’installa dans la voiture, excepté pour les rythmes égaux de sa respiration et des battements de son cœur.
        - Où est le reste de ta famille ? demanda-t-elle soudainement.
        Je pris une profonde inspiration - enregistrant le parfum dans la voiture sans véritable douleur pour la première fois ; je m’y habituais, réalisai-je avec satisfaction - me forçant à être décontracté une nouvelle fois.
        - Ils ont pris la voiture de Rosalie.
         Je me garai sur une place libre, juste à côté de la voiture en question. Je cachai mon sourire quand je vis ses yeux grands ouverts.
        
    - Ostentatoire, n’est ce pas ?

        - Hmm, wow. Si elle a ça, pourquoi est-ce qu’elle monte en voiture avec toi ?
        Rosalie aurait apprécié la réaction de Bella... si elle avait été objective avec Bella, ce qui n’arriverait probablement pas.

       
    - Comme je l’ai dit, c’est ostentatoire. Nous essayons de passer inaperçus.
        - C'est raté,
    dit-elle, puis elle rit timidement.
        Le son insouciant, paisible de son rire me réchauffa le cœur même si ma tête se remplissait de doutes.
        - Alors pourquoi Rosalie se conduit-elle de façon si ostentatoire ? demanda-t-elle.
        - Tu n’as pas remarqué ? J’enfreins toutes les règles maintenant.
     
    Ma réponse aurait du être légèrement effrayante – et bien sûr Bella y sourit.
        
    Elle n’attendit pas que je lui ouvre la porte, comme la nuit dernière. Je devais feindre la normalité à l’école - donc je ne pouvais pas marcher assez vite pour empêcher ça - mais elle allait devoir s’habituer à être traiter avec plus de courtoisie, et vite.
        Je marchai aussi près d’elle que je l’osai, guettant consciencieusement le moindre signe démontrant que ma proximité la gênait. Deux fois sa main tressauta dans ma direction, puis elle la retint. C’est comme si elle voulait me toucher... ma respiration s'accéléra.
        - Pourquoi avez-vous de telles voitures? Si vous voulez passer inaperçus? demanda-t-elle en marchant.

        - C’est un péché mignon, admis-je. Nous aimons conduire vite.
        - J’avais compris, marmonna-t-elle, le ton amer.

        Elle ne leva pas les yeux pour voir mon sourire.

        Oh non ! Je ne peux pas y croire. Comment Bella a-t-elle fait ? Je ne comprends pas ! Pourquoi ?
    Les hésitations mentales de Jessica interrompirent mes pensées. Elle attendait Bella, à l’abri de la pluie, sous le toit de la cafétéria, avec le manteau d’hiver de Bella sur le bras. Ses yeux étaient grands ouverts d’incrédulité.

        Bella la remarqua, elle aussi, l’instant d'après. La joue de Bella vira légèrement au rose lorsqu’elle remarqua l’expression de Jessica. Les pensées de Jessica se dessinaient très bien sur son visage.
        - Hey Jessica. Merci de t’en être souvenue, la remercia Bella. Elle attrapa la veste que Jessica lui tendait, muette.
        Je devrai être poli envers les amis de Bella, qu’ils soient de bons ou de mauvais amis.
         - Bonjour Jessica.
     
    Whoa...
        Les yeux de Jessica s'écarquillèrent encore un peu plus. C’était bizarre et amusant... et honnêtement un peu embarrassant... de réaliser à quel point la proximité de Bella m’avait adouci. Il semblait que plus personne n’avait peur de moi. Si Emmett s’en rendait compte, il en rirait durant au moins cent ans.

        - Euh...salut, marmonna Jessica, les yeux rivés sur le visage de Bella, plein de signification. Je pense qu'on se voit en maths.

        Toi, tu vas cracher le morceau. Tu vas y passer. Des détails. Je dois avoir les détails. Edward CULLEN, nom de Dieu ! La vie est tellement injuste.
        La bouche de Bella se tordit.
         - Oui, on se voit là-bas.
        Les pensées de Jessica s’agitèrent tandis qu’elle entrait dans son premier cours, nous jetant des regards furtifs de temps en temps.
        Toute l’histoire. Je n'accepterai rien de moins. Est-ce qu’ils avaient prévu de se retrouver hier soir ? Est-ce qu’ils sortent ensemble ? Depuis combien de temps ? Comment a-t-elle pu garder ça secret ? Pourquoi voudrait-elle le garder secret ? Ça ne peut pas être un truc de passage - elle doit être à fond sur lui. Y’a-t-il une autre option? Je vais le savoir. Je ne peux pas ne pas savoir. Je me demande s'ils l’ont déjà fait? Oh mon Dieu... Les pensées de Jessica disjonctèrent soudain, et elle laissa des fantasmes sans nom tourbillonner dans sa tête. Je grimaçai devant ses spéculations, et pas seulement parce qu’elle s’était mise à la place de Bella dans ces images mentales.
        Je ne pouvais pas être comme ça. Et pourtant je... je voulais...
     
     Je résistai devant cette idée. De combien de mauvaises manières voulais-je Bella ? Laquelle finirait par la tuer ?
     
    Je secouai la tête, essayant de l'éclaircir.
        - Que vas-tu lui dire ? demandai-je à Bella.

        - Hé ! murmura-t-elle férocement.
    Je pensais que tu ne pouvais pas lire dans mon esprit!
     
    - Je ne peux pas.

         Je la fixai, surprise, essayant de comprendre le sens de mes paroles. Ah - nous avions dû penser la même chose au même moment. Hmmm... J’aimais plutôt ça.
         - Toutefois, lui dis-je, je peux lire dans le sien - elle attendra pour te tendre une embuscade en classe.
        Bella grogna, puis laissa la veste lui tomber des épaules. Je n’avais pas réalisé qu’elle me la rendait au début - je ne lui aurais pas demandé de le faire ; j’aurais préféré qu’elle la garde... comme un symbole - je fus donc trop lent à lui proposer mon aide. Elle me tendit la veste, puis glissa ses bras dans la sienne, sans même regarder mes mains tendues pour l’aider. Je fronçai les sourcils, puis contrôlai mon expression avant qu’elle ne s’en aperçoive.
     
    - Alors, que vas-tu lui dire ? la pressai-je.
     
    - Un petit coup de main ? Qu’est-ce qu’elle veut savoir ?
        Je souris, secouant la tête. Je voulais savoir ce qu’elle pensait sans avoir à lui souffler la réponse.
         - Ce n’est pas juste.
     
    Ses yeux se plissèrent.
         - Non, c'est le fait que tu ne partages pas ce que tu sais qui est injuste.
        Bien sûr - elle n’aimait pas qu’il y ait deux poids deux mesures.
        Nous arrivions à la porte de sa salle de cours - où je devrais la laisser ; je me demandai machinalement si Mme Cope serait plus accommodante pour faire un échange d’emploi du temps durant mon heure d’anglais... Je me concentrai. Je pouvais être juste.
        - Elle veut savoir si nous sortons secrètement ensemble, dis-je lentement. Et elle veut savoir ce que tu ressens pour moi.
     
    Ses yeux étaient grands ouverts - pas surpris, mais faussement innocents à présent. Ils étaient grand ouverts pour moi, lisibles. Elle jouait les ingénues.

        - Zut, murmura-t-elle.
    Comment pourrais-je qualifier notre relation ?
     
    - Hmm.

         Elle essayait toujours de me faire dire plus que ce que je voulais. Je pondérai ma réponse.

        Une mèche volage de ses cheveux, légèrement humide à cause du brouillard, tomba sur son épaule, et s’enroula là ou sa clavicule était caché par ce sweater ridicule. Elle entraîna mes yeux... bien au-delà des autres courbes cachées...
     
    Je l’attrapai précautionneusement, sans toucher sa peau - ce matin était déjà assez frisquet sans que je ne la touche - et la remis en place dans son chignon désordonné pour ne plus qu’il me distraie. Je me souvins du jour où Mike Newton avait touché ses cheveux, et mes mâchoires se serrèrent à ce souvenir. Elle l’avait repoussé. Sa réaction à présent n’avait rien de comparable ; à la place, ses yeux s'ouvrirent légèrement plus, le sang afflua sous sa peau, et soudain, son cœur eut un raté.
        J’essayai de cacher mon sourire en répondant à sa question.

       
    - Je suppose que tu pourrais répondre oui à la première question... si ça ne te dérange pas - le choix, je devais toujours lui laisser le choix - ce sera plus facile que n’importe quelle explication.
     
    - Ça ne me dérange pas,
    murmura-t-elle ; son cœur n’avait pas encore retrouvé son rythme normal.
    
      - Et pour l’autre question...
         Je ne pouvais plus cacher mon sourire à présent.
         - Eh bien, j’écouterai la réponse à celle-ci moi même.
     
    Voyons ce que Bella allait faire de ça. Je retins mon rire en voyant le choc apparaître sur son visage.
    Je me tournai rapidement, avant qu’elle ne me pose d’autres questions. J’avais eu du mal à ne pas lui donner ce qu’elle m’avait demandé. Et je voulais entendre ses pensées, pas les miennes.
        - Je te vois à la cafétéria, lui lançai-je par dessus mon épaule, en excuse pour voir si elle me fixait toujours, les yeux grands ouverts. Sa bouche aussi était grande ouverte. Je me retournai de nouveau et ris.
        En m'éloignant, j’avais vaguement conscience du choc et des pensées qui tourbillonnaient autour de moi - des yeux sautillant entre le visage de Bella et ma silhouette qui s’éloignait. Je leur accordai peu d’attention. Je ne pouvais pas me concentrer. C’était assez dur de faire bouger mes pieds à une vitesse acceptable en traversant la pelouse détrempée vers ma prochaine classe. Je voulais courir - vraiment courir, tellement vite que je disparaîtrais, tellement vite que j’aurais l’impression de voler. Une part de moi volait déjà.

        Je mis la veste en arrivant en classe, laissant son parfum flotter autour de moi. J’allais brûler - laisser l’odeur me désensibiliser - puis il serait plus facile de l’ignorer plus tard, quand je serais de nouveau avec elle au déjeuner...
     
    C’était une bonne chose que les professeurs ne cherchent même plus à m’interroger. Aujourd’hui aurait été le jour où ils m’auraient attrapé, non préparé et sans réponse. Mon esprit était si dissipé ce matin ; mon corps seulement se trouvait en classe.
        Bien sûr, je regardai Bella. Cela me devenait naturel - aussi automatique que de respirer. J’entendis la conversation qu’elle eut avec un Mike Newton complètement démoralisé. Rapidement, elle dirigea la conversation sur Jessica, et je souris tellement que Rob Sawyer, assis à la table juste à ma droite, tressaillit visiblement et s'enfonça un peu plus dans sa chaise, loin de moi.
        Ugh. Horrible.
        Eh bien, je n’avais pas complètement perdu la main.

        J’avais aussi mis Jessica sous surveillance distraite, la regardant peaufiner ses questions pour Bella. Je ne pouvais plus attendre d’être au déjeuner, dix fois plus désireux et anxieux que cette fille humaine curieuse de se procurer de nouveaux potins.

        Et j’écoutais aussi Angela Weber.

        Je n’avais pas oublié la gratitude que je ressentais pour elle - pour ne penser que du bien de Bella, en premier lieu, et pour m’avoir aidé la nuit dernière. Je patientai donc toute la matinée, cherchant quelque chose qu’elle désirait. Je pensais que ce serait facile ; comme tous les autres humains, il y avait bien une babiole ou un jouet qu’elle voulait en particulier. Plusieurs peut-être. Je lui livrerais quelque chose, anonymement, et nous serions quittes.
        Mais Angela se révéla aussi peu accommodante que Bella dans ses pensées. Elle était étrangement épanouie pour une adolescente. Heureuse. Peut-être était-ce la raison de son inhabituelle gentillesse - elle faisait partie de ces rares personnes qui ont ce qu’elles veulent et veulent ce qu’elles ont. Si elle ne prêtait pas attention aux professeurs, et à ses notes, elle pensait à ses deux petits frères jumeaux qu’elle emmènerait à la plage ce week-end - anticipant leur excitation comme une mère. Elle s’occupait d’eux souvent, mais ne s’en plaignait pas... c’était très gentil de sa part.

        Mais ça ne m’aidait pas beaucoup.

        Il devait bien y avoir quelque chose qu’elle désirait. Je devrais seulement continuer à guetter. Mais plus tard. C’était l’heure de maths pour Bella et Jessica.
     
     Je ne regardai même plus ou j’allais en me rendant en cours d’anglais. Jessica était déjà assise, ses deux pieds tapant impatiemment contre le sol en attendant que Bella arrive.
     
    Inversement, une fois que je fus assis sur ma chaise, je devins parfaitement immobile. Je dus me souvenir de gesticuler de temps en temps. Pour sauver les apparences. C’était difficile, mes pensées étaient concentrées sur Jessica. J'espérai qu’elle prêterait attention à Bella, essayant de déchiffrer ses expressions pour moi.
     
    Les battements de pieds de Jessica s’intensifièrent quand Bella entra dans la pièce.
        Elle a l’air... morose. Pourquoi ? Peut-être qu’il ne se passe rien avec Edward Cullen. Ce serait une déception. Sauf si... alors il serait libre... S'il est soudainement intéressé pour sortir avec quelqu’un. Ça ne me dérange pas de dépanner.
        Le visage de Bella ne paraissait pas morose, mais plutôt réticent. Elle était inquiète - elle savait que j’écouterais tout. Je me souris à moi-même.

        - Dis-moi tout ! demanda Jessica alors que Bella enlevait encore sa veste pour la pendre sur le dos de sa chaise. Elle bougeait avec mesure, de mauvaise grâce.

        Oh, elle est tellement lente. Allons directement au plus juteux!
        - Que veux-tu savoir ? temporisa Bella en prenant place.
       
    - Que s’est-il passé hier soir ?
     
    - Il m’a emmenée dîner, puis il m’a ramenée à la maison.

        Et après ? Allez quoi, il doit bien y avoir plus que ça ! De toute façon, elle ment, je le sais. Je vais lui faire cracher le morceau.
     
    - Comment es-tu arrivée chez toi si vite ?
        Je regardai Bella rouler les yeux devant la suspicion de Jessica.

        - Il conduit comme un dingue. C’était terrifiant.
        Elle fit un petit sourire, et je ris à haute voix, interrompant les annonces de M. Mason. J’essayai de transformer mon rire en toux, mais personne ne s’y laissa prendre. J’écoutai Jessica.

        Huh. On dirait qu’elle dit la vérité. Pourquoi est-ce qu’elle me fait lui tirer les vers du nez ? Je serais en train de hurler à m’en faire exploser les poumons si j’étais elle.
        - Est ce que c’était un rendez-vous - tu lui as demandé de te retrouver là-bas ?
        Jessica remarqua la surprise s’inscrire sur le visage de Bella, et fut déçue de la sincérité que cela dégageait.
        - Non - j’ai été très surprise de la voir là-bas, lui dit Bella.

        Qu’est ce qu’il se passe?
        - Mais il t’a emmené à l’école, aujourd’hui ? Il doit sûrement y avoir plus derrière cette histoire.
        - Oui - c’était une surprise aussi. Il a remarqué que je n’avais pas ma veste hier soir.
        Ce n’est pas très drôle, pensa Jessica, déçue une fois de plus.
        J’étais fatigué de sa suspicion - je voulais entendre quelque chose que je ne savais pas déjà. J'espérai qu’elle ne serait pas trop mécontente, et qu’elle continuerait à lui poser les questions que j'attendais.
        - Alors, est-ce que vous allez ressortir ensemble ? demanda Jessica.
        - Il a proposé de me conduire à Seattle ce week-end car il pense que ma camionnette ne fonctionne pas très bien – est-ce que ça compte ?
     
    Hmm. Il essaye sûrement de... eh bien s’occuper d’elle, en quelque sorte. Il doit bien y avoir quelque chose de son côté à lui, si ce n’est celui de Bella. Comment c’est possible ? Bella est folle?
        - Oui, répondit Jessica à la question de Bella.

        - Alors oui, conclut Bella.
     
    - Wow... Edward Cullen. Qu’elle l’aime ou pas, c’est déjà énorme.
        - Je sais, soupira Bella.

        Le ton de sa voix encouragea Jessica. Enfin - elle a l’air de réaliser. Elle doit réaliser...
        - Attends ! dit Jessica se souvenant soudain de sa question la plus vitale. Est-ce qu’il t’a embrassée ? S’il te plaît, dis oui. Puis décris-moi chaque seconde !
     
    - Non, marmonna Bella, puis elle baissa le regarde sur ses mains, le visage défait.
    Ce n’est pas comme ça entre nous.
     
    Merde. J'espérais... Ha. Elle aussi elle espérait.

        Je fronçai les sourcils. Bella avait l’air contrariée par quelque chose, mais ça ne pouvait pas être de la déception comme Jessica semblait le penser. Elle ne pouvait pas vouloir être aussi près de mes dents. D'après ce qu’elle savait, j’avais des crocs.
        Je frissonnai.

        - Tu penses que samedi... ? encouragea Jessica.
        Bella sembla encore plus frustrée en disant :
        - J’en doute.
     
    Ouais, elle espère. Ça craint pour elle.
        Était-ce parce que je regardais tout cela à travers le filtre des perceptions de Jessica qu’il me semblait qu’elle avait raison ?
        Durant une demi-seconde, je fus distrait par l’idée, l’impossibilité, de ce que ce serait de l’embrasser. Mes lèvres contre ses lèvres, la pierre froide contre la chaleur souple de la soie...
    
    Puis elle mourrait.
    
    Je secouai ma tête, grimaçant, et me forçant à prêter attention.

        - De quoi est ce que vous avez parlé ? Est-ce que tu lui as parlé, ou est-ce que tu l’a laissé t'extirper la moindre information comme ça ?
     
    Je souris, piteux. Jessica n’était pas si loin de la vérité.

        - Je ne sais pas, Jess, de pas mal de choses. Nous avons un peu parlé de la disserte d’anglais.
     
    Un tout petit peu. Je souris un peu plus.
        Oh, allez, quoi.
        - S’il te plaît, Bella ! Donne-moi des détails.
     
    Bella délibéra pendant un moment.
        - Eh bien... ok, j’en ai un. Tu aurais dû voir la serveuse flirter avec lui - c’était limite trop. Mais il ne l'a même pas regardée.
        Quel étrange détail à partager. Je fus surpris que Bella l’ait même remarqué. Cela semblait une chose très inconséquente.
        Intéressant...
        - C’est bon signe. Est-ce qu’elle était jolie ?
     
    Hmm. Jessica y pensait plus que je ne l’avais fait. Cela devait être un truc de fille.

        - Très, lui dit Bella. En plus elle avait probablement 19 ou 20 ans.
     
    Jessica fut momentanément distraite par un souvenir de Mike durant leur rendez-vous de lundi soir - Mike avait été un peu trop sympathique avec la serveuse que Jessica ne considérait même pas comme jolie. Elle chassa ce souvenir, et retourna, suffocant d’irritation, à sa quête de détails.
        - Encore mieux. Il doit t’aimer.
     
    - Je pense, dit Bella lentement ; j’étais au bord de mon siège, mon corps rigide et immobile. Mais c’est difficile à dire. Il est tellement énigmatique.
     
    Je n’avais pas du être aussi transparent et hors de contrôle que je ne le pensais. Mais tout de même... aussi observatrice qu’elle... Comment pouvait-elle ne pas réaliser que j’étais amoureux d’elle ? Je fouillai dans notre conversation, presque surpris de ne pas avoir dit ces mots à haute voix. C’était comme si cela avait été un sous-titre à chacun de nos mots ce soir là.
        
    Wow. Comment peut-on s'asseoir en face d'un top model masculin et lui faire la conversation?
        - Je ne sais pas comment tu es assez courageuse pour être seule avec lui, dit Jessica.
        Le choc s’inscrit en un flash sur le visage de Bella.
        - Pourquoi ?
        Réaction bizarre. Qu’est ce qu’elle pense que ça veut dire?
        - Il est tellement... Quel est le mot juste? Intimidant. Je ne saurais pas quoi lui dire. Je n’ai même pas pu lui répondre en anglais aujourd’hui, et tout ce qu’il m’a dit c’était bonjour. J’ai dû passer pour une idiote.
     
    Bella sourit.
        - J’ai quelques problèmes d’incohérence quand il est dans les parages.
     
    Elle devait essayer de rassurer Jessica. Elle était toujours anormalement maîtresse d’elle-même lorsque nous étions ensemble.
        - Oh, eh bien, soupira Jessica. Il est incroyablement magnifique.
     
    Le visage de Bella fut soudainement froid. Ses yeux étincelaient de la même façon que lorsqu’elle ressentait de l’injustice. Jessica ne perçut pas le changement d’expression.
        - Il est bien plus que ça, lança Bella.
        Ooooh. Enfin quelque chose d’intéressant.
        - Vraiment ? Comment ça ?
     
    Bella mordilla ses lèvres pendant un instant.
        - Je ne peux pas vraiment l’expliquer, dit-elle finalement. Mais il n’y a pas que son physique qui est extraordinaire.
        Elle détourna son regard de Jessica, les yeux légèrement distraits alors qu'elle semblait fixer quelque chose de très très loin.

        Le sentiment que je ressentais à présent était presque le même que lorsque Carlisle ou Esmée louaient des mérites que je n’avais pas. Similaire, mais plus intense, plus consumant.

        T’as qu’à le faire croire à quelqu’un d’autre - il n’y a rien de mieux que ce visage. À moins que ce ne soit son corps. Oh.
        - Est-ce que c’est possible ? ricana Jessica.
        Bella ne se tourna pas. Elle continuait à fixer ce point au loin, ignorant Jessica.

        Une personne normale serait en pleine exultation. Peut-être que je devrais lui poser des questions plus simples. Ha ha. Comme si je parlais à un enfant à la garderie.
        - Alors, il te plaît vraiment ?
        J’étais de nouveau rigide.
        Bella ne regarda pas Jessica.
       
    - Oui.
        - Je veux dire, il te plaît vraiment ?
        - Oui.

        Regardez moi ça, elle rougit.
        - Il te plaît comment ? demanda Jessica.
        La salle d’anglais aurait pu s’enflammer, je ne l’aurais même pas remarqué. Le visage de Bella était rouge vif à présent - je pouvais presque sentir la chaleur émanant de cette image mentale.

        - Trop, murmura-t-elle. Plus que je ne lui plais. Mais je ne sais pas si j’arriverai à changer ça.

        Mince ! Qu’est ce que M. Varner vient juste de me demander ?
        - Hmm… quel numéro, M. Varner ?
     
    Il était bien que Jessica arrête d'interroger Bella. J’avais besoin d’une minute.

        Mais à quoi cette fille pouvait-elle bien penser maintenant ?
       
    Plus que je ne lui plais ? Comment en était-elle arrivée à cette conclusion ? Mais je ne sais pas si j’arriverai à changer ça ? Qu’est-ce que c’était censé vouloir dire ? Je ne trouvais pas d’explication rationnelle à ces mots. Ils n’avaient pratiquement aucun sens.
        Il semblait que je ne pouvais rien prendre pour acquis. Des choses évidentes, parfaitement logiques, se retrouvaient complètement déformées et inversées dans son cerveau bizarre. Plus que je ne lui plais ? Peut-être ne devrais-je plus me fier à cet établissement.
        Je jetai un regard furieux à l'horloge, grinçant des dents. Comment de simples minutes pouvaient-elles paraître si incroyablement longues à un immortel comme moi ? Où était passé mon don pour relativiser les choses ?
     
    Mes mâchoires restèrent serrées durant tout le cours de mathématiques de M. Varner. J’entendis plus de son cours que du mien. Bella et Jessica ne parlaient plus, mais Jessica jeta plusieurs fois des regards vers Bella, voyant son visage devenir écarlate une nouvelle fois sans raison apparente.

        Le déjeuner se faisait attendre.
        Je n’étais pas sûr que Jessica puisse obtenir certaines des réponses que j’attendais avant la fin du cours, mais Bella fut plus rapide qu’elle.

        Dès que la sonnerie retentit, Bella se retourna vers Jessica.
        - En Anglais, Mike m’a demandé si tu m’avais dit quelque chose à propos de lundi soir, dit Bella, un sourire à la commissure de ses lèvres.
        Je savais ce qu’elle faisait – l'attaque était la meilleure des défenses.
     
    Mike a posé des questions sur moi ? La joie envahit l’esprit de Jessica en un instant, douce, irréfléchie, sans cette pointe sournoise qu’elle avait d’habitude.
       
    - Tu déconnes ? Qu’est ce que tu lui as dit ?

        - Je lui ai dit que tu t’étais beaucoup amusée – il avait l’air ravi.
     
    - Dis-moi exactement ce qu’il t’a dit, et ta réponse exacte !

        C’était tout ce que je tirerais de Jessica aujourd’hui, apparemment. Bella souriait comme si elle pensait la même chose. Comme si elle avait gagné cette manche.

        Eh bien, le déjeuner serait une autre histoire. Je m'assurerais de lui soutirer plus de réponses que Jessica.
        Je ne supportai plus de vérifier les pensées de Jessica durant la dernière heure. Je n’avais plus aucune patience pour ses pensées obsessionnelles envers Mike Newton. J’en avais plus qu’assez de lui depuis deux semaines. Il pouvait s'estimer heureux d’être encore en vie.
        Alice et moi nous contentâmes de nous mouvoir d'un pas apathique pendant le cours de gym ; nous marchions toujours ainsi lorsqu’il s’agissait d’activité physique impliquant des humains. Elle était ma partenaire, naturellement. C’était le premier jour de badminton. Je soupirai d’ennui, bougeant la raquette au ralenti pour renvoyer le volant. Lauren Mallory était de l’autre côté ; elle le rata. Alice faisait virevolter sa raquette comme une matraque, fixant le plafond.
        Nous détestions tous la gym, surtout Emmett. Truquer les matchs était un affront à sa philosophie personnelle. Le cours de gym semblait pire aujourd’hui que d’habitude – je me sentais aussi irrité qu'Emmett.

        Avant que ma tête n’explose sous l’effet de l'impatience, le coach Clapp arrêta les matchs et nous fit sortir plus tôt. J’étais ridiculement reconnaissant qu’il ait loupé son petit déjeuner – une nouvelle tentative de régime –, la faim qui en résultait le pressant à quitter le campus pour aller trouver un déjeuner bien gras quelque part. Il se promit de le retenter le lendemain...
        Cela me donna assez de temps pour arriver au bâtiment de sciences avant que le cours de Bella ne finisse.

        Amuse-toi bien, pensa Alice en partant retrouver Jasper. Plus que quelques jours à patienter. Je suppose que tu ne diras pas bonjour à Bella de ma part, n’est-ce pas ?
        Je secouai la tête, exaspéré. Depuis quand les voyants étaient-ils aussi suffisants ?

        Pour ton information, il va faire super beau ce week-end, tu ferais mieux de réarranger tes plans.
        Je soupirai en continuant dans la direction opposée. Elle était suffisante, mais définitivement utile.

        Je m’adossai au mur devant de la porte, attendant. J’étais assez près pour entendre la voix de Jessica à travers le mur, aussi bien que ses pensées.
        - Tu ne vas pas t'asseoir avec nous aujourd’hui, n’est ce pas ? Elle a l’air toute... gaie. Je parie qu’il y a une tonne de trucs qu’elle ne m’a pas dits.
        - Je ne crois pas, répondit Bella, bizarrement incertaine.
        Ne lui avais-je pas promis que je passerais le déjeuner avec elle ? À quoi pensait-elle ?

        Elles sortirent de la classe ensemble, et leurs yeux s’écarquillèrent lorsqu’elles me virent. Mais je ne pouvais entendre que Jessica.
        Sympa. Wow. Oh oui, il y beaucoup plus que ce qu’elle m'a raconté. Peut-être que je l'appellerai ce soir... Ou peut-être que je ne devrais pas l’encourager. Ouais. J'espère qu’il va se lasser d’elle rapidement. Mike est mignon, mais... wow.
        - On se voit plus tard, Bella.
        Bella s'avança vers moi, s'arrêtant à quelques pas, toujours aussi incertaine. Sa peau était rose au niveau des joues.

        Je la connaissais assez bien désormais pour être sûr que cela n’était pas une hésitation due à la peur. Apparemment, il s’agissait plus d’un fossé qu’elle imaginait entre ses sentiments et les miens. Plus que je ne lui plais. Absurde.
        - Bonjour, lui dis-je d'une voix légèrement brusque.
        Son visage s’éclaira
        - Salut.
     
    Elle ne semblait pas encline à dire quoi que ce soit d’autre, alors je l'accompagnai jusqu’à la cafétéria, elle marcha silencieusement à mes côtés.

        Le coup de la veste avait fonctionné – son parfum ne me faisait plus l’effet d'une explosion à présent. C’était juste une intensification de la douleur que je ressentais déjà. Je pouvais l’ignorer plus facilement que je ne l’aurais jamais cru possible.
        Bella était agitée en faisant la queue, jouant distraitement avec sa fermeture éclair, se balançant d’un pied à l’autre. Elle me jetait souvent des coups d’œil, mais dès qu’elle rencontrait mon regard, elle regardait par terre, embarrassée. Était-ce parce que tant de gens nous regardaient ? Peut-être pouvait elle entendre les murmures bruyants – la rumeur étaient aussi bien verbale que mentale aujourd’hui.
        Ou peut-être se rendait-elle compte, au vu de mon expression, qu’elle allait avoir des problèmes.
        Elle ne dit rien jusqu’à ce que je récupère son déjeuner. Je ne savais pas ce qu’elle aimait – pas encore – alors je pris un peu de tout.

        - Qu’est ce que tu fais ? siffla-t-elle, la voix basse. Tu ne prends pas tout ça pour moi ?
        Je secouai la tête, et poussai le plateau jusqu’à la caisse.
        - La moitié est pour moi, bien sûr.
        Elle haussa un sourcil, sceptique, mais n'ajouta rien tandis que je payais pour la nourriture et l’escortais à la table où nous nous étions assis la semaine précédente, juste avant l'expérience désastreuse sur les groupes sanguins. Il me semblait que c'était plus que quelques jours auparavant. Tout était différent à présent.

        Elle s’assit en face de moi. Je poussai le plateau dans sa direction.
         - Prends ce que tu veux, lui dis-je, encourageant.
        Elle prit une pomme, et la tourna dans sa main, le regard spéculatif.

        - Je suis curieuse.
        Quelle surprise.
        - Que ferais-tu si quelqu’un te défiait de manger de la nourriture ? continua-t-elle, la voix basse pour ne pas être entendue des oreilles humaines.
        Les oreilles d’immortels étaient une autre histoire, si ces oreilles-là prêtaient attention. J’aurais probablement dû leur en toucher un mot auparavant...
     
    - Tu es toujours curieuse, me plaignis-je.
         Oh, et puis tant pis. Ce n’était pas comme si je n’avais pas eu à manger avant. Cela fait partie de la mascarade. Une partie pas très plaisante. J’attrapai la chose la plus proche de moi, et soutins son regard en mordant un petit bout de cette chose. Sans regarder, je n’aurais su dire de quoi il s’agissait. C’était gluant, visqueux et repoussant, comme toute nourriture humaine. Je mâchai promptement et avalai, essayant de m'empêcher de grimacer. Le morceau de nourriture descendit lentement et inconfortablement le long de ma gorge. Je soupirai en pensant que j’allais m’étouffer plus tard en le recrachant. Répugnant.

        Bella était choquée. Impressionnée.
         Je voulus lever les yeux au ciel. Bien sûr, nous avions perfectionné notre petite supercherie.
        - Si quelqu’un te défiait de manger de la terre, tu pourrais le faire, n’est-ce pas ?
     
    Son nez se fronça, et elle sourit.
       
    - Je l’ai fait une fois... c’était un pari. Ce n’était pas si horrible.
     
    - J’imagine que je ne dois pas être surpris,
    ris-je.
        Ils ont l’air intimes, non ? Un bon langage corporel. Je donnerai mon opinion à Bella plus tard. Il se penche vers elle comme il devrait le faire s'il était intéressé. Il a l’air intéressé. Il a l’air... parfait. Jessica soupira. Mmm.
        Je croisai les yeux curieux de Jessica, elle se détourna nerveusement, gloussant avec la fille à côté d’elle.
        Hmm, c’est probablement mieux de me contenter de Mike. La réalité, pas de fantasmes...
        - Jessica est en train d’analyser tout ce que je fais, informai-je Bella. Elle te retranscrira le tout plus tard.
     
    Je poussai l’assiette pleine de nourriture vers elle – de la pizza, réalisai-je – me questionnant sur le meilleur moyen d’entamer le sujet. Mon ancienne frustration resurgit lorsque les mots se répétèrent dans ma tête : Plus que je ne lui plais. Mais je ne sais pas si j’arriverai à changer ça.
        Elle mordit dans la même part de pizza. Cela m’étonna de voir à quel point elle avait confiance. Bien sûr, elle ne savait pas que j’étais venimeux – même si le fait de partager de la nourriture ne la tuerait pas. Tout de même, je m’attendais à ce qu’elle me traite différemment. Comme quelque chose d’autre. Elle ne le faisait jamais – du moins pas de façon négative...

        Je commencerais doucement.
        - Alors comme ça, la serveuse était jolie ?
     
    Elle souleva un sourcil de nouveau.
        - Tu n’as vraiment pas remarqué ?
     
    Comme si une femme pouvait espérer détourner mon attention de Bella. Absurde, une fois de plus.
        - Non. Je ne lui prêtais pas attention. J’avais autre chose en tête.
        Et le fin corsage qu'elle portait ce soir-là n'avait pas été la moindre de ces choses… Heureusement qu’elle avait cet horrible sweater aujourd’hui.
        - Pauvre fille, dit Bella en souriant.
        Elle aimait le fait que je n’aie pas du tout trouvé la serveuse à mon goût. Je pouvais le comprendre. Combien de fois avais-je souhaité paralyser Mike Newton en cours de biologie ?

        Elle ne pouvait pas réellement penser que ses sentiments humains, fruit de dix-sept courtes années de mortelle, puissent être plus forts que ces passions immortelles que j’avais bâties en moi en un siècle.
        - Il y a quelque chose que tu as dit à Jessica... (Je ne pouvais pas garder un ton décontracté.) Eh bien, ça me dérange.
     
    Elle fut immédiatement sur la défensive.
        - Je ne suis pas surprise que tu aies entendu quelque chose qui ne t’a pas plu. Tu sais ce qu’on dit des oreilles indiscrètes.
     
    Les oreilles indiscrètes n’entendent jamais de compliments, c’était ce qu'on disait.
        - Je t’avais prévenue que j’écouterais, lui rappelai-je.
       
    - Et je t’avais prévenu que tu ne voudrais pas savoir tout ce que je pense.
     
    Ah
    , elle repensait au moment où je l’avais fait pleurer. Le remords durcit ma voix.

        - C’est vrai. Mais tu n’as pas tout à fait raison cependant. Je veux savoir tout ce que tu penses – tout. J’aimerais juste... que tu ne penses pas certaines choses.
     
    Un autre demi-mensonge. Je savais que je ne devais pas vouloir qu’elle m’aime. Mais je le voulais. Bien sûr que je le voulais.

        - C’est une sacrée distinction, marmonna-t-elle, me regardant avec hargne.
       
    - Mais ce n’est pas exactement le sujet du moment.
     
    - Alors c’est quoi ?

     
    Elle se pencha vers moi, la main soutenant légèrement sa gorge. Cela attira mes yeux – me déconcentra. Combien cette peau devait être douce...
        Concentre-toi, m’ordonnai-je.
        - Crois-tu réellement que tu es plus attirée par moi que moi par toi ? demandai-je.
        La question me sembla ridicule, comme si les mots étaient brouillés.
        Ses yeux étaient grands ouverts, et sa respiration s'arrêta. Elle détourna le regard, clignant des yeux très vite. Sa respiration se transforma en faible halètement.
        - Tu le fais encore, murmura-t-elle.

       
    - Quoi ?

        - M’éblouir,
    admit-elle, rencontrant prudemment mes yeux.

        - Oh.
        Hmm. Je ne savais pas trop quoi faire à ce propos. Je ne savais pas non plus si je voulais ne plus l’éblouir. J’étais toujours excité de savoir que je le pouvais. Mais cela n’aidait pas la progression de la conversation.
        - Ce n’est pas ta faute, soupira-t-elle.
    Tu ne peux pas t’en empêcher.
     
    - Est-ce que tu vas répondre à ma question ?
    demandai-je.

        Elle fixa la table.
        - Oui.
        Ce fut tout ce qu’elle dit.

        - Oui, tu vas répondre à ma question, ou oui c’est vraiment ce que tu penses ? demandai-je, impatient.
        - Oui, c’est vraiment ce que je pense, dit-elle sans lever les yeux.
        Il y avait une légère pointe de tristesse dans sa voix. Elle rougit de nouveau, ses dents bougeant inconsciemment pour tripoter se lèvres.
        Abruptement, je réalisai que cela lui coûtait de l’admettre, car elle y croyait vraiment. Et je n’étais pas meilleur que ce lâche de Mike, lui demandant de confirmer ses sentiments avant de confirmer les miens. Cela ne comptait pas que j'aie eu l'impression que mes sentiments étaient transparents. Je ne l’avais pas convaincue, je n’avais aucune excuse.
        - Tu as tort, promis-je.
        Elle devait entendre la tendresse dans ma voix. Bella leva des yeux opaques, ne laissant rien transparaître.
        - Tu ne peux pas le savoir, murmura-t-elle.
        Elle pensait que je sous-estimais ses sentiments pour moi parce que je ne pouvais pas entendre ses pensées. Mais, en réalité, le problème était qu’elle sous-estimait les miens.

        - Qu’est-ce qui te fait penser ça ? questionnai-je.
        Elle me fixa, une ride entre ses sourcils, se mordant toujours les lèvres. Pour la millionième fois, j'espérai désespérément pouvoir l’entendre.
        J’étais sur le point de la supplier de me dire avec quelles pensées elle se débattait, mais elle leva un doigt pour m'empêcher de parler.

        - Laisse-moi réfléchir, exigea-t-elle.
        Tant qu’elle organisait simplement ses pensées, je serais patient.
        Ou je pouvais faire semblant de l’être.
        Elle pressa ses mains l’une contre l’autre, croisant et décroisant ses doigts fins. Elle regarda ses mains comme si elles appartenaient à quelqu’un d’autre lorsqu’elle parla.
        - Eh bien, si on laisse de côté ce qui semble évident, murmura-t-elle, parfois... je ne suis pas sûre – je ne sais pas comment lire dans les esprits, moi – mais parfois on dirait que tu essaies de dire au revoir quand tu dis autre chose.
        Elle ne leva pas les yeux.
        Elle s'était aussi rendue compte de ça ? Avait-elle compris que seuls ma faiblesse et mon égoïsme me gardaient près d’elle ? Était-ce pour cela qu'elle se méprenait sur mon compte?
        - Perspicace, soufflai-je, puis je regardai avec horreur la douleur envahir son visage.
        Je me dépêchai de contredire cette supposition.
        - Pourtant, c’est exactement pour cela que tu as tout faux, commençai-je avant de faire une pause, me souvenant les premiers mots de son explication.
        Ils me dérangeaient, même si je n’étais pas sûr de complètement les comprendre.
       
    - Que veux-tu dire par évident ?
     
    - Eh bien, regarde moi,
    dit elle.
        Je la regardai. Je ne faisais que la regarder depuis le début. Que voulait-elle dire?
        - Je suis absolument ordinaire, expliqua-t-elle. Enfin, sauf pour toutes ces mauvaises choses, comme frôler la mort, ou être si maladroite que j’en suis presque handicapée. Et regarde- toi.
        Elle éventa l’air de sa main en l'agitant dans ma direction, comme si elle présentait un argument tellement évident que cela n’avait pas besoin d’être dit à haute voix.
        Elle se trouvait ordinaire ? Bête, bornée, aveugle comme Jessica ou Mrs Cope ? Comment ne pouvait-elle pas se rendre compte qu’elle était la plus belle... la plus exquise... Ces mots n’étaient même pas assez forts.
        Et elle n’en savait rien.

        - Tu n’as pas une idée très juste de toi-même, tu sais, lui dis-je. J’admets que tu es irrécupérable en ce qui concerne les problèmes...
        Je ris sans humour. Je ne trouvais pas le destin maléfique qui la hantait amusant le moins du monde. Sa maladresse, par contre, était plutôt drôle. Attachante. Me croirait-elle si je lui disais qu’elle était magnifique, à l'intérieur comme à l'extérieur ? Peut-être trouverait-elle la corroboration plus persuasive.
        - Mais tu n’as pas entendu ce que tous les garçons humains pensaient de toi le tout premier jour.
     
    Ah, l'espoir, le frisson, la ferveur de ces pensées. La vitesse à laquelle elles s’étaient transformées en impossibles fantasmes. Impossibles parce qu’elle ne désirait aucun d’eux.
        J’étais celui à qui elle avait dit oui.
        Mon sourire dut lui paraître trop sûr de lui.

        Son visage était plein de surprise.
        - Je ne te crois pas, marmonna-t-elle.
        - Crois-moi là-dessus – tu es l’opposé d’une personne ordinaire.
     
    Son existence seule justifiait la création du monde entier.
        Elle n’était pas accoutumée à se faire complimenter, je pouvais le voir. Une autre chose à laquelle elle devrait s’habituer. Elle rougit puis changea de sujet.
        -
    En tout cas, moi, je ne te dis pas au revoir.
        - Ne vois-tu pas ? C’est ce qui prouve que j’ai raison. Je t’apprécie plus que toi, parce que si je peux le faire...

        Serais-je un jour assez altruiste pour faire ce qui était juste ? Je secouai ma tête de désespoir. Je devrais trouver la force. Elle méritait d’avoir une vie. Pas celle qu'Alice avait prévue pour elle.
        - Si partir est la bonne chose à faire...
        Et cela devait être la bonne chose, n’est ce pas ? Il n’y avait pas d’ange imprudent. Bella n'était pas à sa place avec moi.
        - Alors je pourrais souffrir pour m'empêcher de te faire du mal, pour que tu sois en sécurité.
        En disant ces mots, j'espérai qu’ils puissent être vrais.
        Elle me jeta un regard furieux. D’une certaine façon, mes mots ne l’avaient pas effrayée.
        - Et tu penses que je ne ferais pas pareil à ta place ? demanda-t-elle furieuse.
        Tellement furieuse – tellement douce et fragile. Comment pourrait-elle un jour faire du mal à quelqu’un ?
        - Tu n’auras jamais à faire ce genre de choix, lui dis-je, de nouveau déprimé par l’immense différence entre nous deux.
        Elle me fixa, l’inquiétude remplaçant la colère dans ses yeux, amenant son front à se plisser. Il y avait quelque chose de vraiment tordu dans l’ordre de l’univers si quelqu’un d’aussi bon et si fragile ne méritait pas un ange gardien pour la protéger.
        Eh bien, pensai-je avec humour noir, au moins elle a un vampire gardien.

        Je souris. Combien j’aimais cette excuse qui me permettait de rester.
        - Bien sûr, te garder en vie commence à être une occupation à part entière qui requiert ma présence constante.
     
    Elle sourit aussi.
        - Personne n’a essayé d’en finir avec moi aujourd’hui, dit-elle à la légère, puis son visage se fit hésitant durant une demi-seconde avant que ses yeux ne redeviennent opaques.
        - Pas encore, ajoutai-je sèchement.
        - Pas encore, acquiesça-t-elle à ma surprise.
        Je m’attendais à ce qu’elle démente son besoin d’être protégée.
     
    Comment peut-il ? Cet abruti égoïste ! Comment peut-il nous faire ça ? Les pensées perçantes de Rosalie brisèrent ma concentration tant elle paraissait les hurler.

        - Calme-toi, Rose, entendis-je Emmett murmurer de l’autre côté de la cafétéria.
        Son bras était autour des épaules de Rosalie, la serrant fort contre lui – la retenant. Désolée, Edward, pensa Alice, honteuse. Elle a deviné que Bella en savait trop à cause de votre conversation..., et puis ça aurait été pire si je ne lui avais pas dit la vérité tout de suite. Crois-moi là-dessus.
        Je tressaillis à l’image mentale qui suivit, à ce qui serait arrivé si j’avais dit à Rosalie que Bella savait que j’étais un vampire, à la maison, où Rosalie n’avait pas à sauver les apparences. Il faudrait que je cache mon Aston Martin quelque part hors de l’Etat si elle ne se calmait pas avant la fin des cours. Imaginer ma voiture préférée mutilée et brûlée était contrariant – mais je savais que je méritais cette vengeance.
        Jasper n’était pas très content non plus.

        Je m’occuperais des autres plus tard. Je n’avais pas beaucoup de temps à passer avec Bella, et je n’allais pas le gâcher. Et entendre Alice me rappela que j’avais quelques affaires à régler.

        - J’ai une autre question, dis-je, éteignant les pensées hystériques de Rosalie.
        - Mince, dit Bella en souriant.

        - Tu dois vraiment aller à Seattle ce samedi ou est-ce que c’est juste une excuse pour repousser tes admirateurs ?
     
    Elle me fit une grimace.
       
    - Tu sais, je ne t’ai toujours pas pardonné pour le truc avec Tyler. C’est ta faute s'il se fait des illusions en se persuadant qu’il va m’emmener au bal de fin d’année.
        - Oh, il aurait bien trouvé un moyen de te demander sans que je ne l’aide – je voulais juste voir ta tête.

        Je riais à présent, me souvenant son expression effarée. Rien de ce que je lui avais raconté sur mon histoire sombre ne l’avait jamais fait paraître si horrifiée. La vérité ne l’effrayait pas. Elle voulait être avec moi. Stupéfiant.

        -
    Si je t’avais demandé, tu m’aurais repoussé ?
     
    - Probablement pas,
    dit-elle. Mais j’aurais annulé plus tard – feignant une maladie ou une entorse à la cheville.
     
    Bizarre.
        - Pourquoi ferais-tu ça ?
     
    Elle secoua la tête, comme si elle était déçue que je n'aie pas saisi du premier coup.
        - Tu ne m’as jamais vue en gym, j’imagine, mais je pensais que tu aurais compris.
     
    Ah.
      
      - Est-ce que tu fais référence au fait que tu ne peux pas traverser une surface plate et stable sans trouver un moyen de trébucher sur quelque chose ?

        - Evidemment.
        - Ça ne sera pas un problème. Tout est dans le cavalier.

     
    Pendant une brève fraction de seconde, je fus envahi par l’idée de la tenir dans mes bras pour une danse – où elle porterait sûrement quelque chose de joli et délicat plutôt que ce sweater hideux.
        Avec une clarté parfaite, je me souvins de la sensation de son corps sous le mien après que j’ai écarté le van de son chemin. Plus fort que la panique, le désespoir ou la contrariété, je pouvais très bien me souvenir de cette sensation. Elle avait été si chaude et si douce, son corps épousant si bien la forme de mes bras de pierre…
        Je m’arrachai à ce souvenir.

        - Mais tu ne m’as répondu, dis-je rapidement, l'empêchant de se disputer avec moi sur sa maladresse, comme elle semblait prête à le faire. Es-tu résolue à aller à Seattle ou est-ce que ça t'irait que nous fassions quelque chose de différent ?
        Sournois – lui laisser le choix sans lui donner l’opportunité de se débarrasser de moi ce jour-là. C’était injuste de ma part. Mais je lui avais fait une promesse la nuit dernière... Et j’aimais assez l’idée de la remplir – presque autant que cette idée me terrifiait.

        Le soleil brillerait samedi. Je pourrais lui montrer le vrai moi, si j’étais assez fort pour supporter son horreur et son dégoût. Je connaissais l’endroit parfait pour prendre un tel risque...
     
    - Je suis ouverte à toutes les options, dit Bella. Mais j’ai une faveur à te demander.
        Un oui nuancé. Qu’attendait-elle de moi ?

       
    - Quoi ?

        - Est-ce que je peux conduire ?
     
    Était-ce une blague ?
        - Pourquoi ?
     
    - Eh bien, surtout parce que quand j’ai dit à Charlie que j’allais à Seattle, il m’a spécifiquement demandé si j’y allais seule, et à ce moment-là, c’était le cas. S'il me redemande, je ne lui mentirai probablement pas, mais je ne pense pas qu’il le fera, et laisser ma camionnette à la maison ramènerait le sujet inutilement. Et en plus, ta façon de conduire m’effraie.

        Je levai les yeux au ciel.
        -  Parmi toutes les choses qui pourraient t’effrayer, tu te préoccupes seulement de ma conduite.
        Vraiment, son cerveau fonctionnait à l’envers. Je secouai la tête, dégoûté.
        Edward, appela Alice avec urgence.

        Soudain je vis à un halo de lumière, coincé dans une des visions d’Alice.
        Il s’agissait d’un endroit que je connaissais bien, l’endroit où je comptais emmener Bella – une petite clairière où personne n’allait jamais à part moi-même. Un jolie petit endroit au calme ou je pouvais compter me retrouver seul – assez loin des sentiers ou des habitations humaines, là où même mon esprit pouvait trouver paix et silence.

        Alice la reconnut elle aussi, parce qu’elle m’y avait vu peu de temps auparavant dans une autre de ses visions – une des visions indistinctes et vacillantes qu’elle m’avait montrées le jour où j’avais sauvé Bella du van.
        Dans cette vision vacillante, je n’avais pas été seul. Et maintenant, c’était clair – Bella était là-bas avec moi. Donc j’étais assez courageux. Elle me regarda, un arc-en-ciel dansant sur son visage, les yeux indescriptibles.

        C’est le même endroit, pensa Alice, l’esprit plein d’une horreur qui ne correspondait pas à la vision. De la tension à la limite, mais de l’horreur ? Que voulait-elle dire, le même endroit ?
        Puis je la vis.
        Edward ! protesta Alice avec virulence. Je l’aime, Edward !
     
    J’éteignis brutalement sa voix mentale.
     
    Elle n’aimait pas Bella comme moi je l’aimais. Sa vision était impossible. Fausse. Elle était aveuglée par quelque chose, voyant l’impossible.
        À peine une demi-seconde s’était écoulée. Bella avait l’air curieuse, attendant que j’approuve sa requête. Avait-elle remarqué le flash d'appréhension ou avait-il été trop rapide pour elle ?
        Je me concentrai sur elle, sur notre conversation inachevée, repoussant Alice et ses mauvaises visions loin de mes pensées. Elles ne méritaient pas mon attention.
        Je n’étais pas capable de garder un ton joueur, toutefois.
        - Ne veux-tu pas dire à ton père que tu passeras la journée avec moi ? demandai-je, les ténèbres envahissant ma voix.
        Je repoussai les visions une nouvelle fois, essayant de les éloigner au maximum, les empêcher de clignoter dans ma tête.
        - Charlie, moins il en sait, mieux il se porte dit Bella, sûre de cette déclaration. Où va-t-on de toute façon ?
     
    Alice avait tort. Complètement tort. Il n’y avait aucune chance que cela se produise. C’était juste une vieille vision, invalide à présent. Les choses avaient changé.
        - Il fera beau, dis-je doucement, luttant contre ma panique et mon indécision.
        Alice avait tort. J’allais continuer comme si je n’avais rien vu, rien entendu.
        - Donc, je ne peux pas être vu en public... et tu peux rester avec moi si tu veux.
     
    Bella comprit tout de suite ce que cela impliquait ; ses yeux étaient brillants et enthousiastes.
        - Et tu me montreras ce que tu m’as expliqué, à propos du soleil ?
     
    Peut-être, comme bien des fois auparavant, que réactions seraient-elles à l’opposé de ce que j'attendais. Je souris devant cette possibilité, luttant pour retourner à ce moment léger.
        - Oui. Mais... (Elle n’avait pas dit oui.) Si tu ne veux pas être... seule avec moi, je préférerais encore que tu n’ailles pas toute seule à Seattle. Je tremble en pensant aux problèmes que tu pourrais rencontrer dans une ville de cette taille.
        Ses lèvres se pressèrent l’une contre l’autre ; elle était vexée.

       
    - Phoenix fait trois fois la taille de Seattle – juste par sa population. En terme géographique…
        - Mais apparemment, ton compte n’était pas encore bon à Phoenix,
    dis-je coupant ses justifications. Donc, je préférerais que tu restes avec moi.
     
    Même si elle restait pour l'éternité, ce ne serait jamais assez long.

        Je ne devais pas penser ainsi. Nous n’avions pas tout ce temps. Chaque seconde qui passait comptait plus que jamais ; chaque seconde la changeait alors que je restais le même.
        - Il se trouve que ça ne me dérange pas d’être seule avec toi, dit-elle.

        Non – parce que ces instincts étaient complètement inversés.
     
    - Je sais, soupirai-je. Mais tu devrais quand même le dire à Charlie.
     
    - Mais pourquoi diable ferais-je ça ? demanda-t-elle, l’air horrifiée.

        Je la fixai, les visions que je ne pouvais plus vraiment réprimer tourbillonnant dans ma tête.
     
    - Pour m’inciter à te ramener, sifflai-je.
        Elle pourrait au moins faire ça – m'offrir un témoin pour me pousser à être prudent. Pourquoi Alice m’avait-elle forcé à prendre en compte cette information ?

        Bella déglutit bruyamment, puis me fixa durant un long moment. Que voyait-elle ?
     
    - Je pense que je vais prendre le risque, dit-elle.
        Hou ! Est-ce qu’elle trouvait du plaisir à mettre sa vie en danger ? Sous le besoin d'une poussée d'adrénaline ?
     
    Je regardai Alice d’un air renfrogné, elle rencontra mon regard, l’air alertée. À côté d’elle, Rosalie fulminait, mais je m’en moquais. Qu’elle détruise ma voiture. Ce n’était qu’un jouet.
     
    - Parlons de quelque chose d’autre, suggéra soudainement Bella.
        Je la regardai de nouveau, me demandant comment elle pouvait être si inconsciente de ce qui avait vraiment de l’importance. Pourquoi ne me voyait-elle pas pour le monstre que j’étais ?

        - De quoi veux-tu parler ?
     
    Ses yeux balayèrent rapidement les alentours du regard, comme si elle vérifiait que personne ne nous écoutait. Elle devait prévoir de me présenter un autre sujet relatif à la mythologie. Ses yeux se glacèrent durant une seconde et son corps se raidit, puis elle me regarda de nouveau.
        - Pourquoi êtes-vous allés à Goat Rocks le week-end dernier... Pour chasser ? Charlie dit que ce n’est pas un bon endroit pour faire de la randonné, à cause des ours.
        Tellement inconsciente. Je la fixai, levant un sourcil.

        - Des ours ? haleta-t-elle.
        Je souris sèchement, la regardant digérer l’information. Allait-elle me prendre au sérieux à présent ? Quelque chose la ferait-elle jamais me prendre au sérieux ?
        Elle se reprit.
        - Tu sais, ce n’est pas la saison des ours, dit-elle sévèrement, plissant les yeux.

        - Si tu lis attentivement les textes, la loi n'interdit que la chasse armée.
     
    Elle ne parvint pas à contrôler ses expressions durant un moment. Sa mâchoire se décrocha.
        - Des ours ? dit-elle de nouveau ; c’était une plus une tentative de question qu’une affirmation cette fois.

        - C’est ce qu’Emmett préfère.
     
    Je regardai ses yeux, et la vis essayer d'assimiler cette découverte.

        - Hmm, murmura-t-elle.
        Elle prit un bout de pizza en regardant vers le bas. Elle mâcha pensivement, puis but un peu.

        - Donc, dit-elle finalement en levant les yeux. C’est quoi ton préféré ?
     
    J’aurais dû m’attendre à quelque chose dans le genre, mais ce n’était pas le cas. Du moins, Bella était toujours intéressante.

        - Le puma, répondis-je brusquement.

        - Ah, dit-elle d’un ton neutre.
        Son rythme cardiaque restait calme et égal, comme si nous parlions de notre restaurant préféré. Très bien, dans ce cas. Si elle voulait se comporter comme si tout cela était naturel…
        - Bien sûr, nous devons faire attention à notre impact sur l’environnement en chassant judicieusement, lui dis-je, la voix froide et détachée. Nous essayons de nous concentrer sur des zones surpeuplées par les prédateurs – même si nous devons parfois aller très loin. Il y a toujours beaucoup de cerfs et d’élans, cela suffirait, mais où serait le plaisir ?
     
    Elle écoutait avec un intérêt poli, comme si j’étais un professeur lui faisant la leçon. Je fus obligé de sourire.
     
    - Où, en effet, murmura-t-elle calmement en prenant une autre bouchée de pizza.

        - Le début du printemps est le moment qu’Emmett préfère pour chasser les ours, dis-je, continuant ma leçon. Ils sortent tout juste de leur hibernation, ils sont tellement irritables.
     
    Soixante-dix années avaient passé, et il ne se résignait toujours pas à manquer cette première rencontre.
        - Rien de tel qu’un grizzly furieux, acquiesça Bella en dodelinant solennellement de la tête.

        Je ne pus réfréner un gloussement en secouant ma tête devant son calme illogique. Je devais le dire.
        - Dis-moi vraiment ce que tu penses, s’il te plaît.
     
    - J’essaie de l’imaginer, mais je n’y arrive pas, dit elle, la ride apparaissant entre ses yeux. Comment chassez-vous, sans armes ?
     
    - Oh, nous avons des armes, lui dis-je en lui faisant un large sourire.
        Je m'attendais à ce qu’elle recule, mais elle était toujours immobile, à me regarder.
        - Simplement ce ne sont pas celles qui sont prises en compte dans les textes de lois sur la chasse. Si tu as déjà vu une attaque d’ours à la télévision, tu devrais avoir une assez bonne idée de ce à quoi ressemble Emmett quand il chasse.
     
    Elle jeta un coup d’œil vers la table à laquelle les autres étaient assis, et frissonna. Enfin. Puis, je ris pour moi-même, car je savais que quelque part, son inconscience me manquerait.
        Ses grands yeux sombres et profonds me fixaient à présent.
        - Toi aussi, tu ressembles à un ours ? dit-elle dans un demi-murmure.

        - Non, plus à un puma, du moins c’est ce que les autres disent, lui dis-je, m'efforçant de paraître détaché de nouveau. Peut-être que nos préférences son révélatrices.
     
    Les coins de ses lèvres se soulevèrent.
        - Peut-être, répéta-t-elle.
        Puis sa tête se pencha sur le côté, et la curiosité sembla briller dans ses yeux.
        - Est-ce une chose à laquelle je pourrais assister un jour ?
     
    Je n’avais pas besoin d’images d’Alice pour m’illustrer l’horreur – mon imagination suffisait amplement.
        - Certainement pas, grognai-je.

        Elle tressaillit en se détournant, les yeux déconcertés et effrayés.

        Je me reculai sur ma chaise, moi aussi, essayant de mettre un maximum d’espace entre nous. Elle ne comprendrait jamais, n’est ce pas ?  Elle n’allait rien faire pour m’aider à la garder en vie.
     
    - Trop effrayant pour moi ? demanda-t-elle, la voix calme de nouveau. Son cœur, par contre, battait toujours la chamade.
        - Si ce n’était que ça, je t'emmènerais dès ce soir, rétorquais-je à travers les dents. Tu as besoin d’une bonne dose de peur. Rien ne pourrait t’être plus bénéfique.
        - Alors quoi ? demanda-t-elle sans se laisser démonter.
        Je la regardai furieusement, les yeux vides, attendant qu’elle prenne peur. Mais c’était moi qui avais peur. Je ne pouvais que trop bien imaginer Bella proche de moi alors que je chassais...

        Ses yeux se firent curieux, impatients, rien de plus. Elle attendait une réponse, elle ne lâcherait pas.
        Mais il était l’heure d’aller en cours.

        - Plus tard, dis-je sautant sur mes pieds. Nous allons être en retard.
     
    Elle regarda autour d’elle, désorientée, comme si elle avait oubliée que nous étions en plein déjeuner. Comme si elle avait même oublié que nous étions au lycée – surprise que nous ne soyons pas seuls dans quelque endroit privé. Je comprenais parfaitement ce sentiment. Il était dur de me souvenir du reste du monde lorsque j’étais avec elle.
     se leva rapidement, vacilla un peu et jeta son sac sur ses épaules.
        - Plus tard alors, dit-elle, et je pus voir sa détermination ; elle allait me retenir là-dessus.


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